« Ce n’est pas un hasard si l’Union européenne est particulièrement vulnérable au populisme »

Interview pour Mr Mondialisation réalisée avec Tristan Barra.

Depuis quelques années, le terme populisme s’est largement imposé dans le débat public. On a l’impression cependant qu’il est utilisé pour désigner tout et son contraire. On accuse Marine Le Pen d’être populiste, quand François Ruffin se revendiquait comme tel dans nos colonnes. Qu’est-ce que le populisme exactement ?

Il y a, en gros, deux manières d’aborder le populisme. La première, pour caractériser un parti ou un leader politique. Dans une optique souvent péjorative, on dit d’un leader qu’il est « populiste » parce qu’il serait démagogue et qu’il manipulerait les colères populaires pour se faire apprécier des électeurs en jouant sur l’opposition peuple / élites. Il arrive aussi que l’étiquette soit revendiquée et assumée. Dans ce cas, le populisme renvoie à un projet plus structuré qui impliquerait de rassembler et d’unifier les revendications populaires pour porter un programme de transformation sociale et politique. C’est cette seconde acceptation qui a cours parfois à gauche, notamment chez François Ruffin, et qui explique qu’il puisse se revendiquer comme populiste sans forcément être un démagogue. Continuer la lecture

Zone euro: le trou noir de l’économie mondiale

Malgré la baisse du prix du pétrole et une politique monétaire très accommodante, l’année 2015 n’a pas rempli ses promesses en matière de croissance et d’emploi pour les pays de la zone euro. La faute en incombe à une politique économique aberrante qui pourrait à terme menacer l’économie mondiale dans son ensemble.

La croissance annoncée pour 2015 aura finalement fait « pschitt ! ». Malgré « l’alignement des planètes », c’est-à-dire la combinaison de facteurs extérieurs extrêmement favorables (taux d’intérêt très faibles, baisse du cours du pétrole, euro très bas sur le marché des changes), la croissance de la zone euro devrait finalement s’établir à 1,6% d’après l’INSEE (1,1% pour la France). Un chiffre qui reste loin de celui prévu par la Banque mondiale pour les États-Unis (2,7%) ou le Royaume-Uni (2,6%). Continuer la lecture

Plan Juncker, loi Macron : dangereux socialement, inefficaces économiquement

Il a suffi que l’INSEE publie une note de conjoncture un peu moins pessimiste que d’habitude pour que la presse, la communauté des éditorialistes et, bien sûr, le gouvernement se félicitent par avance d’une croissance enfin retrouvée. Rien d’extraordinaire, pourtant, dans ces chiffres. L’INSEE prévoit pour la France une croissance de 0,3% aux deux premiers trimestres de l’année 2015. À comparer avec les 0,2% qui étaient prévus l’année dernière à la même époque pour les deux mêmes trimestres de 2014. En fait de croissance, celle-ci a été nulle au premier trimestre 2014 et négative (-0,1%) au deuxième. Comme on le sait, la prévision est un exercice délicat, surtout quand elle concerne l’avenir.
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Austérité : Les leçons de l’histoire 8/8

Huitième et dernier épisode de la série Le glorieux passé de l’austérité
Vers l’épisode 1

L’histoire des politiques d’austérité ne se limite pas aux seuls cas que nous venons d’évoquer. L’austérité est aussi vieille que les politiques publiques. Chaque fois, le même scénario se reproduit. Les tenants de l’austérité prétendent faire le ménage dans le « désordre » des comptes publics mais n’aboutissent généralement qu’à créer des révolutions ou des révoltes démocratiques. Au mieux, ils perpétuent un déséquilibre qui ne se résorbe jamais en appauvrissant considérablement les peuples dont ils ont la charge. Continuer la lecture

1989-2003 : La crise argentine : « que se vayan todos ! » 7/8

Septième épisode de la série Le glorieux passé de l’austérité
Vers l’épisode 1

En juin 2001 une note de l’OCDE, pleine d’optimisme, assurait que l’économie argentine était en train de « renaître de ses cendres » et qu’elle renouerait bientôt avec « sa destinée prometteuse du début du siècle ». C’était bien le moins. Depuis le début des années 90, la politique économique de ce pays avait scrupuleusement respecté les principes du « Consensus de Washington » prônés par cette même OCDE. Mais si les économistes de l’OCDE et du FMI étaient pleinement satisfaits de la situation de l’Argentine, il n’en allait pas de même pour l’immense majorité de la population qui subissait très durement une crise d’austérité qui n’en finissait pas de se prolonger et qui allait aboutir, quelques années plus tard, à une catastrophique crise sociale et économique. Continuer la lecture

1973-1990 : Les dérives du FMI ou l’invention du « Consensus de Washington » 6/8

Sixième épisode de la série Le glorieux passé de l’austérité
Vers l’épisode 1

Le système de Bretton Woods s’effondre au début des années 70, victime des déséquilibres commerciaux et financiers qui sont apparus à la suite de l’extraordinaire croissance économique de l’Europe. Le seul dollar ne pouvait plus suffire à assurer la base monétaire d’un monde dans lequel la part de l’économie américaine devenait de plus en plus faible. En 1971, le président américain Richard Nixon décide unilatéralement de suspendre la convertibilité du dollar en or. Cette décision contraignit la plupart des pays industrialisés à sortir du système de Bretton Woods en 1973, en abandonnant le principe des parités fixes. Continuer la lecture

1933-1936 : Pierre Laval ou l’absurde stratégie de la déflation 4/8

Quatrième épisode de la série Le glorieux passé de l’austérité
Vers l’épisode 1

Dans la France du tout début des années trente, les difficultés économiques de l’Angleterre et de l’Allemagne réjouissent autant qu’elles inquiètent. L’économie française semble alors résister à la crise qui sévit partout ailleurs. En 1926, les Français ont obtenu un accord sur leurs dettes de guerre avec les Anglais et les Américains. La dévaluation de la livre sterling que le gouvernement anglais s’est finalement résolu à accepter en septembre 1931 semble être une aubaine. Lorsque les États-Unis dévaluent à leur tour, en 1933, les Français font front pour défendre la convertibilité de leur monnaie en créant le « Bloc or » avec la Belgique, l’Italie et les Pays-Bas notamment, des pays qui se refusent à dévaluer et à laisser flotter leur monnaie. Continuer la lecture

1930-1933 : Les « décrets de la misère » du chancelier Brüning 3/8

Troisième épisode de la série Le glorieux passé de l’austérité
Vers l’épisode 1

La brutale crise économique américaine, révélée et accélérée par l’effondrement des valeurs financières sur les marchés de Wall Street en octobre 1929, s’exporte presque instantanément en Allemagne. Durant les années 20, l’économie allemande était devenue doublement dépendante de l’économie américaine. En premier lieu, les consommateurs européens n’hésitant pas à boycotter les produits allemands, le marché américain s’avère indispensable à l’industrie exportatrice, qui elle-même est impérative pour faire face au paiement annuel des Réparations (elles ne seront suspendues qu’en 1932). En second lieu, l’Allemagne manque de capitaux et a besoin d’investisseurs pour financer sa croissance. Pour cela aussi les Américains sont indispensables. Or, la crise qui sévit de l’autre côté de l’Atlantique coupe brutalement ces deux moteurs de l’économie allemande. Dès le début de l’année 1930, les exportations chutent de moitié, ce qui se traduit immédiatement par une explosion du chômage, qui monte jusqu’à trois millions de personnes dans le courant de l’année 1930, soit 14% de la population active. Continuer la lecture

1925-1926 : Les conséquences économiques de M. Churchill 2/8

Deuxième épisode de la série Le glorieux passé de l’austérité
Vers l’épisode 1

En ce 22 février 1925, Winston Churchill, chancelier de l’échiquier, c’est-à-dire ministre des finances du gouvernement britannique, est pris de doutes. Dans une lettre qu’il adresse à l’un de ses conseillers au ministère il écrit : Continuer la lecture

Préface de Quand l’austérité tue (2014) – Éditions Autrement

Qu’est-ce qu’une économie prospère ? Comment évaluer le succès d’une politique économique ? C’est d’après leur capacité à répondre à ces questions simples que devrait être jugé le talent des économistes. Mais comme souvent en sciences sociales, et c’est heureux, l’analyse du succès ou de l’échec d’une mesure donne souvent lieu à des polémiques et à des interprétations divergentes. Ainsi certains projets pourtant utiles à la majorité doivent régulièrement affronter, pour s’imposer, l’opposition d’une catégorie qui peut être puissante et influente. Quant à la prospérité, elle est rarement générale et également distribuée. Une économie peut être qualifiée de prospère malgré la misère qui ronge une grande partie de sa population et inversement, la pauvreté d’un pays n’empêche pas l’existence d’une classe d’hyper-riches.

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