« Ce n’est pas un hasard si l’Union européenne est particulièrement vulnérable au populisme »

Interview pour Mr Mondialisation réalisée avec Tristan Barra.

Depuis quelques années, le terme populisme s’est largement imposé dans le débat public. On a l’impression cependant qu’il est utilisé pour désigner tout et son contraire. On accuse Marine Le Pen d’être populiste, quand François Ruffin se revendiquait comme tel dans nos colonnes. Qu’est-ce que le populisme exactement ?

Il y a, en gros, deux manières d’aborder le populisme. La première, pour caractériser un parti ou un leader politique. Dans une optique souvent péjorative, on dit d’un leader qu’il est « populiste » parce qu’il serait démagogue et qu’il manipulerait les colères populaires pour se faire apprécier des électeurs en jouant sur l’opposition peuple / élites. Il arrive aussi que l’étiquette soit revendiquée et assumée. Dans ce cas, le populisme renvoie à un projet plus structuré qui impliquerait de rassembler et d’unifier les revendications populaires pour porter un programme de transformation sociale et politique. C’est cette seconde acceptation qui a cours parfois à gauche, notamment chez François Ruffin, et qui explique qu’il puisse se revendiquer comme populiste sans forcément être un démagogue. Continuer la lecture

La dette : une promesse dénaturée par la marchandisation

À propos de la pensée de David Graeber

« Qu’est-ce qu’une dette, en fin de compte ? s’interroge l’anthropologue David Graeber. Une dette est la perversion d’une promesse. C’est une promesse doublement corrompue par les mathématiques et la violence » écrit-il en conclusion de Dette : 5000 ans d’histoire.

Comment nos sociétés en sont arrivées à « corrompre » des promesses est la question à laquelle se propose de répondre Graeber. Pour cela, il convient d’abord de partir d’une définition. La dette est donc, à l’origine, une promesse, un engagement entre deux personnes. En ce sens, il s’agit d’un rapport social fondamental sur lequel se construisent les autres relations. C’est parce que les individus se font des promesses, parce qu’ils se doivent des choses, qu’ils entretiennent des liens entre eux. Dans son Essai sur le don , Marcel Mauss ne dit pas autre chose et montre comment le don structure les rapports humains. Donner, c’est à la fois rendre service à l’autre et en même temps créer l’engagement d’une réciprocité, recevoir donc une promesse, celle d’un contre-don. C’est un mécanisme fondamental qu’on retrouve dans toute société. Continuer la lecture