Jacques Delors et le marché unique européen

Jacques Delors est décédé.

Il a été l’initiateur et le négociateur de l’Acte unique, le traité européen qui a fait basculer l’UE dans le néolibéralisme.

Pour la plupart des gens, le traité européen le plus important est celui de Maastricht (1992), car il a permis la création de la monnaie unique et qu’il a donné lieu à un référendum âprement débattu où le « oui » l’a emporté de justesse.

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Quel bilan pour les vingt ans de l’euro?

Ce texte correspond au travail de préparation d’une interview vidéo accordée au Figaro.

Cela fait 20 ans aujourd’hui que nous avons abandonné les monnaies nationales pour l’euro. Pour aucun candidat à la présidentielle, il n’est question de revenir sur la monnaie unique. Les Français ne veulent plus en entendre parler ?

Les Français craignent surtout pour leur épargne et leur pouvoir d’achat. Changer de monnaie leur paraît sans doute comme un saut dans l’inconnu.
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« L’UE a pour valeur la démocratie, mais a grand mal à la faire fonctionner à l’échelle continentale »

Cet entretien est paru originellement dans le média en ligne Résilience Commune.

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur l’UE? Assistons-nous à une technocratisation, une bureaucratisation, ou à une décentralisation – au vu des réponses nationales éparses de chaque État ?

L’Union européenne, par nature, fonctionne de manière technocratique. Ce n’est pas un pouvoir politique : les dirigeants européens ont une autorité très faible sur ce que font les différents pays, de sorte qu’ils ne parviennent pas à imposer aux pays membres des choix particuliers. Cette impuissance est visible dans les cas de la Pologne et de la Hongrie. L’UE, c’est une administration, un ensemble de règles qui s’imposent via le droit national. Comme nous sommes dans des États de droit, il est impossible pour un gouvernement de transgresser ces règles, surtout lorsqu’elles sont de fait constitutionnalisées dans le cadre de ce que les juristes appellent la « constitution matérielle » de l’Europe.

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« Ce n’est pas un hasard si l’Union européenne est particulièrement vulnérable au populisme »

Interview pour Mr Mondialisation réalisée avec Tristan Barra.

Depuis quelques années, le terme populisme s’est largement imposé dans le débat public. On a l’impression cependant qu’il est utilisé pour désigner tout et son contraire. On accuse Marine Le Pen d’être populiste, quand François Ruffin se revendiquait comme tel dans nos colonnes. Qu’est-ce que le populisme exactement ?

Il y a, en gros, deux manières d’aborder le populisme. La première, pour caractériser un parti ou un leader politique. Dans une optique souvent péjorative, on dit d’un leader qu’il est « populiste » parce qu’il serait démagogue et qu’il manipulerait les colères populaires pour se faire apprécier des électeurs en jouant sur l’opposition peuple / élites. Il arrive aussi que l’étiquette soit revendiquée et assumée. Dans ce cas, le populisme renvoie à un projet plus structuré qui impliquerait de rassembler et d’unifier les revendications populaires pour porter un programme de transformation sociale et politique. C’est cette seconde acceptation qui a cours parfois à gauche, notamment chez François Ruffin, et qui explique qu’il puisse se revendiquer comme populiste sans forcément être un démagogue. Continuer la lecture

Brexit : Une Union européenne impuissante

Dans un éditorial du 27 novembre 2018 rédigé à l’issue de l’accord conclu avec Theresa May, le journal Le Monde se félicitait que le Brexit ai été le « ciment » de l’unité européenne. « Face à Londres, les Vingt-Sept ont réussi à maintenir une quasi parfaite unité », écrivait le quotidien. Il était alors de bon ton de louer la cohérence et la solidité du camp européen, ainsi que l’habileté du négociateur en chef, le Français Michel Barnier. La France avait d’ailleurs pris le parti de jouer un rôle moteur dans le processus de négociation en tenant une ligne intransigeante. Emmanuel Macron espérait ainsi se confectionner une stature de leader européen à un moment où l’influence d’Angela Merkel, contestée sur le plan intérieur, semblait fléchir, et favoriser la place financière parisienne, persuadé qu’un Brexit sans concession allait pousser les entreprises de la City à s’exiler à Paris. Continuer la lecture

Brexit: « Ce deal est une victoire pour Boris Johnson »

Interview de Paul Sugy pour le Figarovox.

FIGAROVOX.- Le «deal» conclu entre Boris Johnson et Jean-Claude Juncker résout-il une bonne fois pour toutes la question de la frontière irlandaise?

David CAYLA.- Le dispositif du backstop, prévu par Theresa May et vivement critiqué par Boris Johnson, a été abandonné dans ce «deal» au profit d’un autre dispositif plus satisfaisant pour les Britanniques. Continuer la lecture

L’isolement d’Emmanuel Macron en Europe

N’en déplaise aux commentateurs de l’actualité politique, le discours tenu le 17 avril dernier par Emmanuel Macron devant le Parlement européen ressemble plus à un baroud d’honneur ou au lancement de la campagne des élections européennes de la République en Marche qu’à une tentative sérieuse de « refonder l’Europe ». Continuer la lecture

David Cayla et Coralie Delaume: « nos analyses nous contraignent à établir un constat d’échec »

Interview pour la revue Le Comptoir. Propos recueillis par Kévin Boucaud-Victoire.

Selon vous, la fin de l’Union européenne est proche. Sur quoi repose votre diagnostic ?

Il faut d’emblée préciser que l’Union européenne n’est pas l’Europe. L’Europe est un continent, un ensemble de pays. L’Union européenne c’est d’abord un écheveau de règles qui encadrent l’action de ses États membres. Elle n’existe donc que si ces règles sont respectées. Or on constate d’une part qu’elles sont de plus en plus nombreuses et contraignantes, d’autre part qu’elles sont inadaptées aux situations spécifiques des différents pays. Continuer la lecture

Le protectionnisme n’est pas un enfermement mais un interventionnisme

Interview accordée à Le Vent se Lève. Propos recueillis par Lenny Benbara.

Jeune économiste en vue, vous êtes membre des Économistes atterrés, association qui a sorti l’an dernier son second manifeste. Ce rassemblement d’économistes hétérodoxes critique les idées reçues diffusées par la science économique dominante. Parmi les combats que vous menez, il y a la possibilité de mesures protectionnistes, qui sont considérées comme une plaie couteuse pour l’économie par une grande partie des économistes et de la classe politique. Selon vous, le protectionnisme peut être un levier pour une politique de progrès social, pouvez-vous nous en dire plus ?

Lors du discours de renoncement de François Hollande, je n’ai pu m’empêcher de noter une phrase : « Le plus grand danger, c’est le protectionnisme, c’est l’enfermement », a-t-il affirmé en faisant référence à l’extrême droite (mais on peut penser qu’il s’adressait aussi à Arnaud Montebourg). Il y a là une double erreur. D’abord une erreur de définition. François Hollande, comme beaucoup de monde, confond protectionnisme et autarcie. Or, les deux termes n’ont strictement rien à voir. Continuer la lecture

Zone euro: le trou noir de l’économie mondiale

Malgré la baisse du prix du pétrole et une politique monétaire très accommodante, l’année 2015 n’a pas rempli ses promesses en matière de croissance et d’emploi pour les pays de la zone euro. La faute en incombe à une politique économique aberrante qui pourrait à terme menacer l’économie mondiale dans son ensemble.

La croissance annoncée pour 2015 aura finalement fait « pschitt ! ». Malgré « l’alignement des planètes », c’est-à-dire la combinaison de facteurs extérieurs extrêmement favorables (taux d’intérêt très faibles, baisse du cours du pétrole, euro très bas sur le marché des changes), la croissance de la zone euro devrait finalement s’établir à 1,6% d’après l’INSEE (1,1% pour la France). Un chiffre qui reste loin de celui prévu par la Banque mondiale pour les États-Unis (2,7%) ou le Royaume-Uni (2,6%). Continuer la lecture