Le revenu universel et ses alternatives

Entretien avec Mathilde Nutarelli pour Le Temps des ruptures

Avec la pandémie et les difficultés économiques qui en ont découlé, le revenu universel a le vent en poupe. Expérimentations dans certaines régions ou pays, élus demandant de le mettre en place, … Le sujet est omniprésent depuis un an. C’est une notion très large qui englobe plusieurs visions. De la version libérale de Milton Friedman au salaire à vie de Bernard Friot, les écarts sont importants, tant sur le plan idéologique que pratique. Pourriez-vous nous exposer brièvement les différentes philosophies qui sous-tendent ce concept ?

Derrière le revenu universel, il y a beaucoup de conceptions différentes, qui vont de la plus libérale à la plus communiste. La proposition de Milton Friedman n’est pas tout à fait un revenu universel, c’est plutôt une allocation minimale, un impôt négatif. Il propose que les personnes ayant un revenu inférieur à un certain seuil puissent toucher une allocation complémentaire. Chez Bernard Friot, à l’inverse, l’objectif est de remplacer le capitalisme. Pour cela, il propose que tout le monde ait un revenu socialisé qui se substitue au revenu de la sphère privée. Entre ces deux principes, il y a de grandes différences. On peut aussi citer le « Liber » des libéraux à la Gaspard Koening, le revenu de base du Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB), ou encore le revenu universel d’existence de Benoît Hamon. Continuer la lecture

2008-2018 : Une décennie perdue pour la jeunesse et les actifs

1. Quelques constats

La crise du Covid frappe une société française durement touchée par une décennie de crise et de stagnation salariale. La comparaison des décennies 1998-2008 d’un côté et 2008-2018 de l’autre est éloquente. En dépit d’une fragile reprise après 2014, le niveau de vie moyen des français n’a pratiquement pas progressé selon des données de l’INSEE.

Rappelons que le niveau de vie selon l’INSEE est calculé à partir du revenu disponible brut des ménages, qui intègre les revenus du travail, du patrimoine, les allocations en espèces ainsi que les loyers imputés, c’est-à-dire les loyers que les ménages qui sont propriétaires se paieraient à eux-mêmes s’ils étaient locataires. Ce revenu, établi en fonction des déclarations fiscales des ménages, est ensuite divisé par le nombre de personnes du foyer. Les enfants de 14 à 18 ans sont pondérés d’un coefficient de 0,5 et ceux de moins de 14 ans d’un coefficient de 0,3. Continuer la lecture

Un revenu universel peut-il libérer la société du travail ?

Les transformations du monde du travail, la précarisation de l’emploi et le chômage de masse ont poussé un certain nombre d’intellectuels à proposer un changement profond de notre système social pour parvenir à l’instauration d’un revenu universel inconditionnel. Selon ses promoteurs, une telle allocation aurait trois avantages : elle permettrait aux personnes dépourvues de ressources de vivre dignement ; elle simplifierait considérablement la gestion de notre système social ; enfin, elle permettrait de libérer notre rapport au travail en accompagnant la mécanisation des emplois les plus pénibles. Continuer la lecture

Faire des économies rend-il plus riche ?

Alors que le gouvernement présente son projet de loi de finance pour 2014, la presse et l’opposition s’interrogent en chœur. Les français sont-ils trop taxés ? La baisse des dépenses publiques de 15 milliards annoncée fièrement par le ministre des finances n’est-elle qu’un artifice ? Et les arguments techniques ne manquent pas. A coups d’infographies pédagogiques, d’interviews de Pierre Gattaz et d’assertions d’experts venant de la galaxie ordo-libérale, le peuple finit par se ranger à l’évidence du « bon père de famille » : pour être plus riche il faut payer moins d’impôts, et pour diminuer les impôts il faut faire baisser les déficits et les dépenses publics. Le gouvernement aurait donc bien raison de se lancer dans la croisade des cures d’amaigrissement de l’État. Continuer la lecture