Quel bilan pour les vingt ans de l’euro?

Ce texte correspond au travail de préparation d’une interview vidéo accordée au Figaro.

Cela fait 20 ans aujourd’hui que nous avons abandonné les monnaies nationales pour l’euro. Pour aucun candidat à la présidentielle, il n’est question de revenir sur la monnaie unique. Les Français ne veulent plus en entendre parler ?

Les Français craignent surtout pour leur épargne et leur pouvoir d’achat. Changer de monnaie leur paraît sans doute comme un saut dans l’inconnu.
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« L’UE a pour valeur la démocratie, mais a grand mal à la faire fonctionner à l’échelle continentale »

Cet entretien est paru originellement dans le média en ligne Résilience Commune.

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur l’UE? Assistons-nous à une technocratisation, une bureaucratisation, ou à une décentralisation – au vu des réponses nationales éparses de chaque État ?

L’Union européenne, par nature, fonctionne de manière technocratique. Ce n’est pas un pouvoir politique : les dirigeants européens ont une autorité très faible sur ce que font les différents pays, de sorte qu’ils ne parviennent pas à imposer aux pays membres des choix particuliers. Cette impuissance est visible dans les cas de la Pologne et de la Hongrie. L’UE, c’est une administration, un ensemble de règles qui s’imposent via le droit national. Comme nous sommes dans des États de droit, il est impossible pour un gouvernement de transgresser ces règles, surtout lorsqu’elles sont de fait constitutionnalisées dans le cadre de ce que les juristes appellent la « constitution matérielle » de l’Europe.

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David Cayla et Coralie Delaume: « nos analyses nous contraignent à établir un constat d’échec »

Interview pour la revue Le Comptoir. Propos recueillis par Kévin Boucaud-Victoire.

Selon vous, la fin de l’Union européenne est proche. Sur quoi repose votre diagnostic ?

Il faut d’emblée préciser que l’Union européenne n’est pas l’Europe. L’Europe est un continent, un ensemble de pays. L’Union européenne c’est d’abord un écheveau de règles qui encadrent l’action de ses États membres. Elle n’existe donc que si ces règles sont respectées. Or on constate d’une part qu’elles sont de plus en plus nombreuses et contraignantes, d’autre part qu’elles sont inadaptées aux situations spécifiques des différents pays. Continuer la lecture

Plan Juncker, loi Macron : dangereux socialement, inefficaces économiquement

Il a suffi que l’INSEE publie une note de conjoncture un peu moins pessimiste que d’habitude pour que la presse, la communauté des éditorialistes et, bien sûr, le gouvernement se félicitent par avance d’une croissance enfin retrouvée. Rien d’extraordinaire, pourtant, dans ces chiffres. L’INSEE prévoit pour la France une croissance de 0,3% aux deux premiers trimestres de l’année 2015. À comparer avec les 0,2% qui étaient prévus l’année dernière à la même époque pour les deux mêmes trimestres de 2014. En fait de croissance, celle-ci a été nulle au premier trimestre 2014 et négative (-0,1%) au deuxième. Comme on le sait, la prévision est un exercice délicat, surtout quand elle concerne l’avenir.
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Le « socialisme de l’offre », ou la politique de la déflation

Le « socialisme de l’offre » c’est la formule trouvée par François Hollande pour expliquer sa stratégie économique lors de sa conférence de presse de novembre 2012 : « Il y a toujours eu deux conceptions, une conception productive – on a même pu parler du socialisme de l’offre – et une conception plus traditionnelle où on parlait de socialisme de la demande. Aujourd’hui, nous avons à faire un effort pour que notre offre soit consolidée, plus compétitive. » La formule est reprise par Pierre Moscovici qui explique ainsi le retournement stratégique opéré par gouvernement : « Dans l’opposition, nous avons rejeté toute idée que la France souffrait d’un problème de compétitivité liée au coût du travail. C’est l’honneur de ce gouvernement, suite au rapport Gallois, d’avoir laissé de côté une position partiellement idéologique et très datée, et d’avoir pris la mesure d’un enjeu national. »1 Continuer la lecture

Chypre : La crise qui change tout

« Ultimatum », « blocus »… On peine à croire que de telles expressions aient pu être utilisées pour commenter l’actualité européenne. C’était la guerre. La guerre économique. Au petit matin du 16 mars, après une nuit de négociations, les autorités européennes avaient convaincu le président chypriote d’imposer une série de mesures de rigueur et une taxation des comptes bancaires pour éviter la faillite du système bancaire de l’île. La population était sensée se soumettre, le Parlement devait entériner. Ainsi va la démocratie en Europe ; la Troïka devient l’instance proconsulaire de tout pays qui demande l’aide européenne. Ainsi va la solidarité en Europe ; on fait payer aux peuples les mesures qui sont sensées éviter la faillite généralisée du système bancaire européen. Continuer la lecture

Compétitivité: le retour de l’idéologie de la guerre économique

Un spectre hante l’Europe : le spectre de la compétitivité. Depuis que la crise étend ses effets sur notre continent, les entreprises s’inquiètent de voir le « grand marché européen » qu’on leur avait tant promis se transformer peu à peu en un immense champ de bataille hyper-concurrentiel. Cette Europe qui avait été conçue pour être un espace d’expansion du capitalisme s’est soudain transformée en système récessif.

Les entreprises ne se battent plus pour gagner des parts de marché. Elles se battent pour leur survie. Depuis 2007, les marges des entreprises françaises ont connu un recul historique, atteignent, en 2011, leur plus bas niveau depuis 1985 1. La situation est encore plus grave dans l’industrie manufacturière où l’on constate un véritable effondrement. En seulement trois ans de crise, le taux de marge est passé de 28,3 % en 2007 à 23,8 % en 2010. Plus de 300 000 emplois industriels ont disparu pendant cette période.

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Du bon usage de l’effet de levier

« Comment on passe de 440 à 1000 [milliards d’euros] sans que ça ne coûte rien à personne ? » La question ingénue de Jean-Pierre Pernaud au Président de la République lors de l’émission spéciale « Face à la crise » avait le mérite d’être claire. Par quel tour de passe-passe, l’accord européen était-il parvenu à démultiplier le fonds européen de stabilité financière (FESF) sans en même temps exiger plus de l’Allemagne, principal contributeur de la solidarité européenne ? Continuer la lecture

L’absurde combat de l’Europe contre les agences de notation

Tribune parue dans Mariane

Alors que l’Europe montre du doigt le rôle que tiennent les agences de notation dans la crise, l’économiste David Cayla fait remarquer que c’est elle-même qui a œuvré pour leur donner du pouvoir et privatiser les systèmes de financement des Etats.

Mais pourquoi diable ces agences de notation s’acharnent-elles à détruire notre bel ouvrage européen? A peine l’Europe s’entendait-elle pour résoudre la crise grecque en allouant au gouvernement de Papandreou de quoi passer l’été que Standard and Poor’s faisait savoir que les scénarios de sortie de crise envisagés par les dirigeants européens « conduiraient probablement à un défaut de paiement » de l’État grec. Une manière de montrer le peu de crédit que ses experts accordent aux plans de « sauvetage » qui s’acharnent en ce moment sur le peuple grec. Deux jours plus tard, c’était au tour de l’agence Moody’s de dégrader de quatre crans la note des titres portugais. D’ici à ce que le Portugal finisse en moussaka pour traders affamés… c’est sans doute l’affaire de quelques mois. Continuer la lecture