De l’attractivité en général et du macronisme en particulier

Le 20 janvier dernier, profitant du passage à Davos de l’élite économique mondiale, Emmanuel Macron a reçu avec faste 200 grands patrons au château de Versailles afin officiellement de valoriser le label « Choose France » qui vise à inciter les entreprises du monde entier à investir et à créer des emplois sur notre territoire. Ces 200 patrons, c’est 50 de plus que l’année dernière, lorsque l’opération fut lancée pour la première fois. Au menu de cette entreprise de charme, une mise en avant des réformes et des incitations fiscales qui se sont multipliées ces dernières années au bénéfice des entreprises, et en particulier des multinationales. Continuer la lecture

Le protectionnisme n’est pas un enfermement mais un interventionnisme

Interview accordée à Le Vent se Lève. Propos recueillis par Lenny Benbara.

Jeune économiste en vue, vous êtes membre des Économistes atterrés, association qui a sorti l’an dernier son second manifeste. Ce rassemblement d’économistes hétérodoxes critique les idées reçues diffusées par la science économique dominante. Parmi les combats que vous menez, il y a la possibilité de mesures protectionnistes, qui sont considérées comme une plaie couteuse pour l’économie par une grande partie des économistes et de la classe politique. Selon vous, le protectionnisme peut être un levier pour une politique de progrès social, pouvez-vous nous en dire plus ?

Lors du discours de renoncement de François Hollande, je n’ai pu m’empêcher de noter une phrase : « Le plus grand danger, c’est le protectionnisme, c’est l’enfermement », a-t-il affirmé en faisant référence à l’extrême droite (mais on peut penser qu’il s’adressait aussi à Arnaud Montebourg). Il y a là une double erreur. D’abord une erreur de définition. François Hollande, comme beaucoup de monde, confond protectionnisme et autarcie. Or, les deux termes n’ont strictement rien à voir. Continuer la lecture

Le marché contre l’agriculture

Chronique des Atterrés parue dans L’Âge de faire, septembre 2015.

Chaque année, c’est presque une tradition, les agriculteurs manifestent. Les analyses de ces crises à répétition proposées par la presse fluctuent entre le compassionnel (voyez cette famille qui croule sous les charges) et la recherche de commodes boucs émissaires (haro sur les grandes surfaces). Très peu s’interrogent sur les causes profondes de ces crises.

À l’origine, la politique agricole commune visait à garantir les prix auxquels les agriculteurs pouvaient vendre leur production. Elle n’était pas exempte de défauts : elle ne prenait pas en compte la qualité de la production et poussait au productivisme. Mais elle avait aussi un avantage : les agriculteurs n’avaient pas à s’inquiéter de leurs revenus futurs. Ils pouvaient ainsi investir et prévoir leurs recettes en étant certains d’obtenir un prix décent pour leur production. Continuer la lecture

David Cayla : « le protectionnisme n’est pas l’autarcie »

Entretien avec l’Anjou Laïque, trimestriel de la Fédération des Œuvres Laïques de Maine et Loire qui paraîtra dans le numéro 103, disponible en janvier.

Le protectionnisme économique est en partie tabou à gauche. Son refus ou son recours souhaité traduit des analyses différentes pour arriver au changement. Nous avons interrogé sur cette question David Cayla. Maître de conférences en économie à l’université d’Angers, il est signataire du “Manifeste d’économistes atterrés” contestant l’orthodoxie néolibérale et écrit sur le site “Parti Pris”. Continuer la lecture

La crise impose la fin du libre-échange

En mars 2009, Emmanuel Todd prévoyait que la crise allait remettre en question un certain nombre de dogmes économiques1. L’idéologie libre-échangiste, après avoir appauvri la classe ouvrière dans les années 80 et affaibli les classes moyennes dans les années 90, s’en prenait au portefeuille des classes supérieures. Cette idéologie ne produisant « plus aucun bien pour aucun secteur de la société », il était envisageable qu’un basculement intellectuel se produise.

Plus de deux ans plus tard, il faut bien reconnaître que ce basculement n’a pas eu lieu. Les seuls infléchissements ont concerné des questions périphériques telles que la régulation bancaire ou l’austérité des budgets publics qu’incarne la « règle d’or ». Le cœur de l’idéologie dominante, fondé sur la croyance en l’efficacité intrinsèque des marchés et de la concurrence, est resté intact. Constatant le rétablissement du secteur bancaire et la reprise des marchés boursiers à partir de la mi-2009, beaucoup se sont alors rassurés en pensant que la crise de l’économie mondiale avait été résolue grâce à l’efficace (mais coûteuse) intervention des États. Le retour de la crise bancaire engendré par les craintes de défauts de certains États et la chute brutale de la croissance engendrée par les plans de rigueurs a, depuis, sérieusement douché l’enthousiasme. Continuer la lecture

L’impasse du libre-échange

La croissance exponentielle des échanges et la dérégulation du commerce international risquent de coûter très cher aux pays occidentaux et s’avèrent incapables de porter un modèle de développement soutenable pour les pays pauvres. Continuer la lecture