Le monde agricole a connu de très nombreuses transformations. La politique agricole, française puis européenne, initiée dans les années d’après-guerre a permis la modernisation accélérée des campagnes. Qualifié de productiviste par les organisations écologiques et de protectionniste par les pays en voie de développement, le modèle agricole européen est remis en question dans les années 1980, puis progressivement démantelé à partir de la fin des années 1990. Continuer la lecture
Archives de catégorie : pensée économique
Encore un effort monsieur Tirole !
Dans une tribune au « Monde », l’économiste et « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel » Jean Tirole estime que la science économique contemporaine doit dépasser l’homo œconomicus, un modèle fondé sur le principe d’un individu rationnel mû par ses seuls intérêts. Il faudrait prendre davantage en considération les apports des autres sciences sociales afin de parvenir à « un humain plus complexe, plus aléatoire, plus difficile à comprendre et à étudier, mais aussi plus réaliste », estime Tirole. « L’abstraction de l’homo œconomicus s’est avérée très utile », mais ne concorde pas avec les faits et les observations. Les agents économiques sont victimes d’erreurs cognitives, leurs décisions sont souvent incohérentes et le contexte social s’avère déterminant pour comprendre les comportements. Continuer la lecture
David Cayla: « La loi de l’offre et de la demande est une fable »
Interview accordée au journal Le Soir. Propos recueillis par Dominique Berns.
Q : Vous dénoncez les modèles trompeurs utilisés – en général, de bonne foi, dites-vous – par la majorité des économistes. Une chose peut surprendre : vous ne visez pas les constructions les plus sophistiquées, mais le cœur du raisonnement économique, la fameuse « loi de l’offre et de la demande. » Pourquoi ?
R : Cette « loi » est la pierre angulaire de l’économie dite « néo-classique », dominante aujourd’hui. Mais c’est surtout une construction historique née à la fin du XIXème siècle, résultat d’un compromis entre les économistes : ceux qui, comme les auteurs classiques, identifiaient l’origine de la valeur du côté du coût de production (l’offre) ; et ceux qui ont cherché, un siècle plus tard, à fonder la valeur sur l’utilité pour le consommateur (la demande). En associant les deux de manière parfaitement symétrique, la théorie néo-classique a mis le marché au cœur de son analyse tout en cherchant à montrer que les prix s’imposaient d’eux même à l’ensemble des acteurs et qu’ils n’étaient donc contrôlés par personne en particulier. Selon cette théorie, offre et demande poussent chacune dans des sens opposés : quand le prix augmente, l’offre croît et la demande décroit. Aussi, le prix d’équilibre serait celui qui se trouve à l’intersection des deux courbes. Malgré l’absence de vérification empirique, les économistes craignent de rompre ce compromis et ne remettent jamais cette théorie en question. Continuer la lecture
David Cayla: « ni croissance verte ni décroissance »
Interview accordée à la revue Le Comptoir.
Êtes vous plutôt croissance verte ou décroissance ?
Difficile de raisonner à partir de tels slogans. Je suis pour une société qui parvienne à créer des richesses de manière soutenable, c’est-à-dire en préservant les conditions économiques, sociales et environnementales de leur production. La croissance renvoie à l’idée d’une hausse continue de la richesse produite, une richesse elle-même mesurée en valeur. À partir du moment où cette richesse est produite dans des conditions soutenables, rien ne s’oppose à la croissance de celle-ci. Inversement, décroitre une production de richesse qui n’est pas produite de manière soutenable ne résout aucun problème de fond. La décroissance par exemple de 10% d’une production réalisée de manière insoutenable permet sans doute d’acheter du temps, mais ne répond aucunement aux problèmes de long terme. Bref, ni croissance verte (un slogan creux) ni décroissance. Continuer la lecture
Le protectionnisme n’est pas un enfermement mais un interventionnisme
Interview accordée à Le Vent se Lève. Propos recueillis par Lenny Benbara.
Jeune économiste en vue, vous êtes membre des Économistes atterrés, association qui a sorti l’an dernier son second manifeste. Ce rassemblement d’économistes hétérodoxes critique les idées reçues diffusées par la science économique dominante. Parmi les combats que vous menez, il y a la possibilité de mesures protectionnistes, qui sont considérées comme une plaie couteuse pour l’économie par une grande partie des économistes et de la classe politique. Selon vous, le protectionnisme peut être un levier pour une politique de progrès social, pouvez-vous nous en dire plus ?
Lors du discours de renoncement de François Hollande, je n’ai pu m’empêcher de noter une phrase : « Le plus grand danger, c’est le protectionnisme, c’est l’enfermement », a-t-il affirmé en faisant référence à l’extrême droite (mais on peut penser qu’il s’adressait aussi à Arnaud Montebourg). Il y a là une double erreur. D’abord une erreur de définition. François Hollande, comme beaucoup de monde, confond protectionnisme et autarcie. Or, les deux termes n’ont strictement rien à voir. Continuer la lecture
La croissance revient ? Oui mais le gouvernement et Hollande n’y sont pour rien !
Enfin, la situation économique s’améliore ! L’Insee estime la croissance à 0,5% pour le premier trimestre et Pôle emploi annonce une forte baisse des demandeurs d’emploi de la catégorie A. Il n’en a pas fallu plus pour que Michel Sapin pavoise : « notre action porte ses fruits » a-t-il déclaré le 29 avril. Il faut avoir un certain aplomb et assez peu de considération pour les faits pour affirmer une telle chose. Car si croissance il y a (elle est incontestable), et si le chômage n’augmente plus, cela n’a pas grand-chose à voir avec l’action du gouvernement.
Continuer la lecturePourquoi le chômage concerne (presque) tout le monde
Jamais, dans son histoire, la France n’avait connu un nombre de chômeurs aussi élevé. Et ce chômage n’est pas une simple courbe, une statistique abstraite. Il a de nombreux effets délétères sur la société et sur la prospérité commune. Ces effets concernent en premier lieu les 3,3 millions de personnes de la catégorie A, qui n’ont eu aucune aucune activité salariée le mois précédent, donc aucun revenu salarié, et dont certains, notamment les plus jeunes, n’ont pu bénéficier d’aucune allocation compensatoire. A ce chiffre il faut ajouter les presque 2 millions de chômeurs qui ont pu bénéficier d’une activité réduite, ou les presque 300 000 personnes qui sont dispensées de recherche d’emploi pour cause de formation ou de stage. Pour toutes ces personnes, le chômage représente à la fois une perte de revenus, une situation professionnelle précaire qui leur interdit de se projeter dans l’avenir, et parfois, une désocialisation. Au delà de ces effets immédiats, le chômage se traduit également par une perte future. L’absence d’emploi implique moins de cotisation et donc une moindre pension de retraite plus tard, et la réinsertion professionnelle sera d’autant plus difficile que les trous dans le CV seront vus avec suspicion par de futurs employeurs. Continuer la lecture
Services publics : ce patrimoine bradé de la gauche
La défense des services publics aurait pu être à la gauche ce que la thématique sécuritaire est à la droite : une valeur sûre. Quoi de plus naturel pour un socialiste que de défendre un bien public socialisé au service de la collectivité et donc en tout premier lieu des plus faibles ? Même d’un point de vue strictement électoral, l’opération paraît gagnante : les agents des services publics, des fonctionnaires de l’éducation nationale aux intérimaires de La poste en passant par les chercheurs du CNRS, ont toujours constitué une excellente réserve de voix pour la gauche. Continuer la lecture
L’avenir selon Attali
En 316 décisions, le rapport Attali ne s’est pas contenté de proposer quelques mesures économiques, mais a cherché à mettre en musique l’idéologie sarkozienne : travailler plus, libéraliser, communautariser. C’est le programme des réformes à venir.
« Ceci n’est pas un rapport, ni une étude, mais un mode d’emploi pour des réformes urgentes et fondatrices ». C’est par ces mots que commence le Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française. Et comme tout mode d’emploi, il ne se contente pas de simples « propositions » laissées à l’arbitrage du débat public, mais il dicte et « décide ». Toute loi doit être « efficace », et seuls des experts comme Attali sont à même d’en juger. On se souvient de la proposition iconoclaste de Ségolène Royal qui voulait instaurer des « jury citoyens » pour évaluer l’action de leurs représentants. Le rapport Attali prend acte de l’incompétence des citoyens et des élus pour prendre les « bonnes » décisions et propose donc de « faire évaluer ex ante et ex post tout projet de loi et de règlement » par des comités d’experts (décision 231). De même, chaque service public, chaque agent, chaque dépense, devront être évalués par un système d’organismes indépendants, en concurrence les uns avec les autres (décision 228 à 230). Continuer la lecture
L’impasse du libre-échange
La croissance exponentielle des échanges et la dérégulation du commerce international risquent de coûter très cher aux pays occidentaux et s’avèrent incapables de porter un modèle de développement soutenable pour les pays pauvres. Continuer la lecture