Dans une tribune au « Monde », l’économiste et « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel » Jean Tirole estime que la science économique contemporaine doit dépasser l’homo œconomicus, un modèle fondé sur le principe d’un individu rationnel mû par ses seuls intérêts. Il faudrait prendre davantage en considération les apports des autres sciences sociales afin de parvenir à « un humain plus complexe, plus aléatoire, plus difficile à comprendre et à étudier, mais aussi plus réaliste », estime Tirole. « L’abstraction de l’homo œconomicus s’est avérée très utile », mais ne concorde pas avec les faits et les observations. Les agents économiques sont victimes d’erreurs cognitives, leurs décisions sont souvent incohérentes et le contexte social s’avère déterminant pour comprendre les comportements. Continuer la lecture
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David Cayla: « La loi de l’offre et de la demande est une fable »
Interview accordée au journal Le Soir. Propos recueillis par Dominique Berns.
Q : Vous dénoncez les modèles trompeurs utilisés – en général, de bonne foi, dites-vous – par la majorité des économistes. Une chose peut surprendre : vous ne visez pas les constructions les plus sophistiquées, mais le cœur du raisonnement économique, la fameuse « loi de l’offre et de la demande. » Pourquoi ?
R : Cette « loi » est la pierre angulaire de l’économie dite « néo-classique », dominante aujourd’hui. Mais c’est surtout une construction historique née à la fin du XIXème siècle, résultat d’un compromis entre les économistes : ceux qui, comme les auteurs classiques, identifiaient l’origine de la valeur du côté du coût de production (l’offre) ; et ceux qui ont cherché, un siècle plus tard, à fonder la valeur sur l’utilité pour le consommateur (la demande). En associant les deux de manière parfaitement symétrique, la théorie néo-classique a mis le marché au cœur de son analyse tout en cherchant à montrer que les prix s’imposaient d’eux même à l’ensemble des acteurs et qu’ils n’étaient donc contrôlés par personne en particulier. Selon cette théorie, offre et demande poussent chacune dans des sens opposés : quand le prix augmente, l’offre croît et la demande décroit. Aussi, le prix d’équilibre serait celui qui se trouve à l’intersection des deux courbes. Malgré l’absence de vérification empirique, les économistes craignent de rompre ce compromis et ne remettent jamais cette théorie en question. Continuer la lecture