Interview accordée à Clotilde Mathieu parue dans l’Humanité magazine.
Pourquoi estimez-vous que la crise énergétique est un symptôme de la fin du système néolibéral ?
À l’origine, le néolibéralisme repose sur une forme de rationalité qui consiste à s’appuyer sur les prix de marché pour quantifier la valeur et par là arbitrer des choix. Ces prix permettent aux économistes, aux hommes politiques, de calculer les gains et les coûts de telle ou telle décision. Cette logique n’est cependant pas sans défaut. D’une part, les marchés sont souvent incapables d’évaluer correctement la valeur fondamentale de nos ressources. C’est cette défaillance qui a entraîné la crise des subprimes de 2008 et celle de l’énergie qu’on connait aujourd’hui. La flambée des prix du gaz et du pétrole est la conséquence non pas d’un renchérissement des coûts d’extraction mais de la spéculation liée à la réduction de l’offre. Ainsi, l’idée que les marchés permettraient de dépolitiser et de rationaliser les choix est en échec. D’autre part, on ne parvient jamais longtemps à laisser les marchés déterminer la valeur. Depuis la crise financière, on a en effet tourné le dos au principe des prix de marché en engageant des politiques de quantitative easing (assouplissement quantitatif). Ces pratiques ont permis aux banques centrales des pays développés de baisser artificiellement les taux d’intérêt afin de permettre aux États de financer des plans de relance, de faire face à la crise COVID ou de gérer la crise de de la zone euro. C’est pourquoi le monde de la finance est déjà en partie sorti du néolibéralisme.
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