Des dizaines de millions d’années d’abstinence sexuelle ? Même pas cap’ !

Le sexe, c’est important, mais est-ce vital ? On a généralement pensé que oui, du fait que l’extrême majorité des Eucaryotes se reproduisent par voie sexuée. La reproduction sexuée apporterait en effet un avantage pour échapper aux parasites, en augmentant la diversité génétique dans les populations, et rendrait plus improbable le fait que le parasite puisse infiltrer les défenses de l’hôte. La reproduction sexuée permettrait aussi de se débarrasser des mutations faiblement délétères (le fardeau génétique) en générant des recombinaisons entre les portions chromosomiques. Malgré tout, il existe des Eucaryotes à reproduction asexuée mais ces lignées sont généralement considérées comme des cul-de-sacs évolutifs. Toutes ? Non, car quelques groupes d’organismes résistent encore et toujours à ce paradoxe (un ‘scandale évolutif’, d’après John Maynard Smith) : les Crustacés ostracodes, les Acariens Oribatida, les insectes Phasmes du genre Timema et les Rotifères bdelloïdes. Toutes ces espèces sont supposées avoir évolué depuis une lignée évolutive qui refuse la sexualité depuis fort longtemps. Des dizaines de millions d’années pour les Rotifères bdelloïdes, pensait-on. Ainsi, sur les centaines de milliers d’individus observés chez l’espèce de bdelloïdes Adineta vaga, aucun mâle n’a jamais été observé. Mais les Rotifères bdelloïdes n’ont-elles pas quelque chose à cacher sur leurs aventures sexuelles passées et/ou actuelles ?

Individu du rotifère bdéloïde de l'espèce Adineta vaga. La barre d'échelle représente 100 µm.

Rotifère bdelloïde de l’espèce Adineta vaga. La barre d’échelle représente 100 µm. (Source : Vakhrusheva et al. 2020)

Non, pas de sex tape en Super 8. Juste les travaux d’Olga A. Vakhrusheva et ses collaborateurs et collaboratrices russes et états-unien·ne·s, publiés dans le journal Nature Communications en décembre 2020. Cette équipe a comparé le génome de onze individus de l’espèce Adineta vaga, échantillonnés sur des mousses vivant sur des peupliers trembles (Populus tremula) en Russie. Mais les analyses de clonalité ont été réalisées sur huit génomes, sachant que les trois autres constituaient un groupe différencié qui pouvait biaiser l’analyse. Les résultats vont clairement montrer que l’hypothèse de clonalité stricte est à exclure.

Un argument probant pour appuyer cette conclusion est l’observation d’une décroissance du déséquilibre de liaison (DL) avec la distance séparant les sites variables du génome. Le déséquilibre de liaison ou déséquilibre gamétique est la co-occurrence entre les allèles de deux loci (positions dans le génome) présents sur un même chromosome. En cas de clonalité, les mutations se sont accumulées au fur et à mesure dans les génomes des ancêtres d’un individu, entraînant ces co-occurrences. En cas de reproduction sexuée, les méioses (divisions cellulaires à l’origine des gamètes) font l’objet de recombinaisons entre chromosomes homologues. Ainsi, les co-occurrences qui ont pu se former entre des allèles à différents loci sont atténuées par des échanges de segments chromosomiques et ce phénomène est d’autant plus marqué que la distance séparant les loci est grande. Les données observées chez A. vaga ont été comparées à des données simulées en cas de stricte clonalité (stabilité du DL) ou en cas de reproduction sexuée (décroissance du DL avec la distance). Du fait de la décroissance du DL observée sur son génome, Adineta vaga montre clairement un profil incompatible avec une stricte clonalité.

Décroissance du déséquilibre de liaison (DL), estimé par l'indice r², en fonction de la distance entre les variants nuclétidiques (Single Nucleotide Polymorphisms ou SNPs). En cas de stricte reproduction clonale, des simulations prédisent que le DL est maximal et stable (courbe orange). En cas de reproduction sexuée, des simulations prédisent que le DL décroît rapidement avec la distance (courbes vertes). Les nuances de vert représentent différentes valeurs du taux de recombinaison populationnel 4Nec, avec Ne l'effectif efficace de la population et c le taux de recombinaisons par nucléotide et par génération. La courbe bleue représente la décroissance réellement observée sur les données des 8 génomes de Adineta vaga analysés.

Décroissance du déséquilibre de liaison (DL), estimé par l’indice , en fonction de la distance entre les variants nucléotidiques (Single Nucleotide Polymorphisms ou SNPs). En cas de stricte reproduction clonale, des simulations prédisent que le DL est maximal et stable (courbe orange). En cas de reproduction sexuée, des simulations prédisent que le DL décroît rapidement avec la distance (courbes vertes). Les nuances de vert représentent différentes valeurs du taux de recombinaison populationnel 4Nec, avec Ne l’effectif efficace de la population et c le taux de recombinaisons par nucléotide et par génération. La courbe bleue représente la décroissance réellement observée sur les données des 8 génomes de Adineta vaga analysés.

Cependant, avant de conclure définitivement à une reproduction sexuée chez ces Rotifères bdelloïdes, l’équipe de recherche a souhaité vérifier que les résultats ne pouvaient pas être expliqués par d’autres mécanismes. En premier lieu, l’action concertée des mutations et des conversions géniques. La conversion génique est le transfert d’ADN intra-individuel entre deux copies homologues du génome et peut se faire avec ou sans recombinaison. Pour distinguer d’une part les haplotypes (combinaisons d’allèles sur un même chromosome) générés par mutation puis conversion génique sans recombinaison et d’autre part les haplotypes générés par recombinaison durant les phases de reproduction sexuée, on a recherché spécifiquement les cas où les quatre haplotypes possibles AB, Ab, aB et ab étaient présents chez deux individus différents. La présence de ces quatre haplotypes chez seulement deux individus est en effet une bonne signature de l’action de la recombinaison homologue. Ces haplotypes recombinants existent bel et bien dans le génome de Adineta vaga et sont d’autant plus fréquents que la distance entre les sites variables comparés augmente, en cohérence avec l’augmentation de la fréquence des recombinaisons avec la distance.

Confirmation de l'implication de recombinaisons homologues plutôt que de la conversion génique. (a) Mécanisme expliquant l'apparition de quatre haplotypes (notés de 1 à 4) à partir d'une mutation (b muté vers B) puis d'un événement de conversion génique (B copié sur b). Les quatre haplotypes se retrouvent dans trois organismes différents et le resteront si les organismes se reproduisent de manière clonale (sauf nouvelle mutation). (b) A partir de deux haplotypes AB/ab, un événement de recombinaison homologue peut produire deux gamètes recombinés Ab et aB. Ceux-ci peuvent finir par se retrouver dans un même individu, par reproduction sexuée. (c) Pourcentage d'haplotypes recombinants en fonction de la distance entre les SNPs constituant l'haplotype. On observe que la proportion de SNPs recombinants augmente avec la distance : elle passe de 10% pour des SNPs distants de moins de 74 paires de bases à 50% pour des SNPs distants de plus de 451 paires de bases.

Confirmation de l’implication de recombinaisons homologues plutôt que de la conversion génique. (a) Mécanisme expliquant l’apparition de quatre haplotypes (notés de 1 à 4) à partir d’une mutation (b muté vers B) puis d’un événement de conversion génique (B copié sur b). Les quatre haplotypes se retrouvent dans trois organismes différents et le resteront si les organismes se reproduisent de manière clonale (sauf nouvelle mutation). (b) A partir de deux haplotypes AB/ab, un événement de recombinaison homologue peut produire deux gamètes recombinés Ab et aB. Ceux-ci peuvent finir par se retrouver dans un même individu, par fécondation. (c) Pourcentage d’haplotypes recombinants en fonction de la distance entre les SNPs constituant l’haplotype. On observe que la proportion d’haplotypes recombinants augmente avec la distance : elle passe de 10% pour des SNPs distants de moins de 74 paires de bases à 50% pour des SNPs distants de plus de 451 paires de bases.

Toutefois, il reste la possibilité que ces recombinaisons homologues se soient passées, non pas suite à des échanges inter-individuels (fécondation à partir de gamètes issus de la méiose), mais suite à des recombinaisons mitotiques à l’intérieur d’un même organisme en absence d’échanges inter-individuels. Afin d’exclure cette dernière hypothèse, l’équipe a caractérisé le coefficient de consanguinité FIS = 1 – Ho/He, avec Ho comme le taux d’hétérozygotes observé et He le taux d’hétérozygotes attendu sous l’hypothèse d’équilibre de Hardy-Weinberg. L’équilibre de Hardy-Weinberg est un modèle théorique fondateur de la génétique des populations et repose sur huit hypothèses dont celle d’une reproduction sexuée. Ainsi, si la population biologique étudiée est à l’équilibre de Hardy-Weinberg, le taux d’hétérozygotes observé Ho est identique au taux d’hétérozygotes attendu He, ce qui entraîne un FIS nul. En cas de reproduction clonale, les mutations sont accumulées à chacun des deux allèles indépendamment, ce qui entraine l’observation d’un excès d’hétérozygotes, et par conséquent un FIS négatif. Des simulations montrent que jusqu’à 90% de taux de clonalité (1 reproduction sexuée tous les 10 cycles de reproduction), les valeurs de FIS restent proches de zéro. Toutefois, quand les reproductions sexuées viennent à se raréfier davantage, le FIS chute vers des valeurs négatives, comme le prévoit la théorie. Les sites variables détectés chez Adineta vaga montrent des valeurs de FIS proches de zéro et sont donc beaucoup plus en accord avec l’hypothèse de reproductions sexuées régulières plutôt qu’avec une reproduction clonale.

Coefficient de consanguinité FIS en fonction du taux de reproduction clonale. Les points noirs représentent des FIS calculés sur des données simulées selon le taux de clonalité, tandis que les points bleus représentent des FIS calculés sur des données observées chez les 8 génomes de Adineta vaga. Les gros points orange sont les moyennes pour chaque groupe de points.

Coefficient de consanguinité FIS en fonction du taux de reproduction clonale. Les points noirs représentent des FIS calculés sur des données simulées selon le taux de clonalité, tandis que les points bleus représentent des FIS calculés sur des données observées chez les 8 génomes de Adineta vaga. Les gros points orange sont les moyennes pour chaque groupe de points.

On a donc vérifié que le génome de ces Rotifères bdelloïdes avait été fortement influencé par des événements de recombinaison et par des échanges inter-individuels. Reste à déterminer quel type d’échanges inter-individuels parmi les deux mécanismes suivants : la reproduction sexuée méiotique (un classique !) et le transfert de gènes horizontal (HGT). Il a en effet été montré dans de précédents articles que les Rotifères bdelloïdes ont aussi largement pratiqué les transferts horizontaux (incorporation dans son propre génome d’ADN exogène) à partir de différentes espèces. Cependant, la recombinaison méiotique conventionnelle implique l’appariement de chromosomes homologues. Or, chez les Rotifères bdelloïdes, il existe bien des régions homologues entre chromosomes mais celles-ci sont assez discontinues, ce qui laisse penser que la méiose conventionnelle est peut-être compromise, même s’il existe un vif débat sur le sujet. Chez certaines plantes, dont les plantes du genre Oenothera (appelées aussi herbes aux ânes ou onagres), et probablement certains animaux, il existe un type de méiose non conventionnelle, dit ‘de type Oenothera‘, qui fonctionne sans nécessité de paires de chromosomes homologues : pendant la méiose, les chromosomes paternels et maternels sont alternés à la queue leu-leu, formant un cercle de chromosomes. Chaque lot de chromosomes paternel ou maternel est ensuite transmis à des gamètes différents. La phylogénie de différentes régions du génome de Adineta vaga a été réalisée pour clarifier le mode de transmission d’information génétique entre individus. De nombreuses incongruences ont été identifiées : pour un même individu, chaque membre d’une paire d’haplotypes avait souvent comme plus proche voisin dans la phylogénie des haplotypes provenant de différents individus. Par exemple, l’haplotype L6.1 (1er haplotype de l’individu L6) peut se retrouver proche dans la phylogénie de l’haplotype L7.1 alors que l’haplotype L6.2 (2e haplotype de l’individu L6) se retrouve proche de L9.2 au lieu de L7.2. Ces incongruences témoignent d’échanges génétiques entre individus. Une analyse plus fine sur l’ensemble du génome montre que les patrons d’incongruence sont très diversifiés et sont plus en faveur d’échanges génétiques inter-individuels par méiose conventionnelle ou par transfert de gènes horizontal plutôt que par méiose de type Oenothera.

Exemple d'incongruence sur la phylogénie de chacun des deux haplotypes des quatre individus L6 à L9. Ici, deux régions nucléotidiques délimitées par la ligne pointillée ont été utilisées pour construire chacun des arbres phylogénétiques. Des ré-échantillonnages par méthode des bootstraps a permis de tester la robustesse des nœuds de l'arbre. Les indices 1 et 2 après le nom de l'individu désigne le numéro de l'haplotype. Seuls les haplotypes dont la reconstruction est la plus fiable (écrits en couleur) ont été utilisés pour tester l'existence d'une recombinaison entre ces deux régions.

Exemple d’incongruences sur la phylogénie de chacun des deux haplotypes des quatre individus L6 à L9. Ici, deux régions nucléotidiques délimitées par la ligne pointillée ont été utilisées pour construire chacun des arbres phylogénétiques. Les indices 1 et 2 après le nom de l’individu désigne le numéro de l’haplotype. Seuls les haplotypes dont la reconstruction est la plus fiable (écrits en couleur) ont été utilisés pour tester l’existence d’une recombinaison entre ces deux régions. L’existence de deux types d’incongruence à deux régions adjacentes suggère un événement de recombinaison entre les deux régions analysées.

Il est difficile de trancher entre les deux hypothèses finales de méiose conventionnelle et de transferts de gènes horizontaux. Toutefois, les auteurs suggèrent que les trois individus laissés de côté au début de l’étude seraient des hybrides entre le groupe d’individus étudiés dans l’article et une autre population non échantillonnée ici. Ainsi, cela accréditerait plutôt l’hypothèse de reproduction sexuée par méiose conventionnelle.

Si les résultats vont dans le sens de fréquents événements de reproduction sexuée chez cette espèce qu’on considérait dériver d’une lignée ayant délaissé les reproductions sexuées depuis plusieurs dizaines de millions d’années, il n’en demeure pas moins que ces événements de reproduction sexuée ne seraient pas aussi fréquents que les événements de reproduction asexuée. Les auteurs estiment que les patrons de recombinaison observés seraient compatibles avec une fréquence de 1 méiose toutes les 10 à 100 générations, ce qui est encore beaucoup chez une espèce où aucun mâle n’a jamais été observé ! L’hypothèse de transfert de gènes horizontal (HGT) est davantage compatible avec l’absence d’observation de mâle, mais pas avec l’observation d’individus hybrides et elle requerrait une fréquence élevée de 1 HGT toutes les 1 à 10 générations.

Au final, on peut conclure que cette espèce de Rotifère bdelloïde présente de nombreuses recombinaisons dans son génome qui montrent clairement qu’elle use de mécanismes qui permettent un brassage de la diversité génétique. Les mécanismes utilisés ne sont pas encore clairement tranchés entre reproduction sexuée et transferts de gènes horizontaux. Mais la démonstration de brassage génétique fréquent chez cette espèce à reproduction (au moins majoritairement) clonale permet d’étouffer ce “scandale évolutif” d’une lignée évolutive sans avenir (cul-de-sac évolutif) mais qui perdure depuis des dizaines de millions d’années. Reste à trouver la pièce à conviction démontrant le mécanisme : sex tape ou autre…

Références de l’article

Olga A. Vakhrusheva, Elena A. Mnatsakanova, Yan R. Galimov, Tatiana V. Neretina, Evgeny S. Gerasimov, Sergey A. Naumenko, Svetlana G. Ozerova, Arthur O. Zalevsky, Irina A. Yushenova, Fernando Rodriguez, Irina R. Arkhipova, Aleksey A. Penin, Maria D. Logacheva, Georgii A. Bazykin, Alexey S. Kondrashov (2020) Genomic signatures of recombination in a natural population of the bdelloid rotifer Adineta vaga. Nature Communications 11, 6421.

Les chiens ne font pas des chats (et encore moins des SHA*) : impact de la géographie, de l’usage et des pratiques de sélection sur la structuration génétique intra-race chez le chien

* A l’attention de l’historien du 4e millénaire qui aura eu la folie de choisir comme sujet de thèse “L’humour raté dans les blogues de génétique des populations au 3e millénaire”, l’auteur de ce billet précise qu’il a été rédigé en pleine période d’épidémie de Covid-19 de 2020 (la première année de l’épidémie) où la Solution Hydro-Alcoolique (SHA) était particulièrement recherchée pour ne pas tomber malade comme un chien.

Si la domestication du chien a commencé il y a 15 000 ans, le concept de races homogènes apparaît au 19e siècle et on distingue aujourd’hui 400 races de chiens. On a déjà évoqué sur ce blogue les spécificités génétiques des races modernes de chiens qui ont subi une sélection drastique des individus reproducteurs répondant aux standards de la race. La réduction de l’effectif efficace et l’augmentation de la consanguinité à l’intérieur de la race ont abouti à des races bien différenciées génétiquement, avec une perte de diversité génétique et l’accumulation d’allèles délétères chez de nombreuses races (voir aussi la sélection moderne des races équines qui a eu des effets similaires), causant des maladies génétiques fréquentes chez les races modernes. Toutefois, les races canines sont-elles réellement si homogènes génétiquement ? Ou est-on capable de distinguer plusieurs sous-populations distinctes chez des races qui, malgré une standardisation, se retrouvent mondialisées (sélectionnées sur plusieurs continents) et peuvent avoir plusieurs usages avec des schémas de sélection parfois indépendants ?

Six races de chiens étudiées dans l'article : la Levrette d'Italie (Chrsitina, CC-BY 2.0), le Shetland (Sannse, CC-BY-SA 3.0), le Lévrier anglais en pleine course (Matt Schumitz, CC-BY-SA 4.0), le Labrador Retriever guide d'aveugle (Honza Groh, CC-BY-SA 3.0), le chien finnois de Laponie (Svenska Mässan, CC-BY 2.0) et les types de Bergers belges : le Groenendael (Tsaag Valren, CC-BY-SA 4.0), le Malinois (Caronna, CC-BY-SA 3.0), le Tervueren (Ulrik Fällstrom, CC-BY-SA 2.5) et le Laekenois (Sannse, CC-BY-SA 3.0). Toutes les photos sont issues de Wikimedia Commons.

Six races de chiens étudiées dans l’article : la Levrette d’Italie (Chrsitina, CC-BY 2.0), le Shetland (Sannse, CC-BY-SA 3.0), le Lévrier anglais en pleine course (Matt Schumitz, CC-BY-SA 4.0), le Labrador Retriever guide d’aveugle (Honza Groh, CC-BY-SA 3.0), le chien finnois de Laponie (Svenska Mässan, CC-BY 2.0) et les types de Bergers belges : le Groenendael (Tsaag Valren, CC-BY-SA 4.0), le Malinois (Caronna, CC-BY-SA 3.0), le Tervueren (Ulrik Fällstrom, CC-BY-SA 2.5) et le Laekenois (Sannse, CC-BY-SA 3.0). Toutes les photos sont issues de Wikimedia Commons.

L’article de Sara Lampi et de ses collaborateurs finlandais, paru le 9 juin 2020 dans la revue Canine Medicine and Genetics, caractérise la structuration génétique intra-race de six races de chiens. Ces six races n’ont pas été choisies au hasard, mais en fonction de différentes caractéristiques :

  • Variation d’usage : la Levrette d’Italie (ou petit lévrier italien) et le Lévrier anglais (ou lévrier greyhound) sont des chiens utilisés pour les compétitions de courses de vitesse, tandis que le Labrador (ou Labrador Retriever) est utilisé comme chien de service, notamment guides d’aveugle, sachant que des individus de toutes ces races sont aussi élevés comme des chiens de compagnie ou pour les concours canins.
  • Variation de popularité : si le Shetland (ou berger des Shetland) présente une popularité internationale, le Chien finnois de Laponie est peu connu en dehors de la Finlande.
  • Variation de types : si elles sont toutes regroupées sous la race Berger Belge, on en distingue quatre variétés : le Malinois, le Groenendael, le Tervueren et le Laekenois.

Entre 90 et 608 individus de chaque race ont été comparés pour 1 319 régions ponctuelles du génome (Single Nucleotide Polymorphisms) et la structuration intra-race a été étudiée par des approches de génétique des populations.

Structuration génétique des races de levrette d'Italie (en haut) et du lévrier anglais (en bas).

Structuration génétique selon l’origine géographique pour la levrette d’Italie (en haut) et selon l’usage pour le lévrier anglais (en bas). La structuration de la diversité génétique intra-race est étudiée par deux méthodes : le positionnement multidimensionnel (ou multimensional scaling, MDS), au centre, et la méthode d’inférence bayésienne STRUCTURE, à droite. Pour la méthode MDS, les points représentent des individus de la race, colorés en fonction de l’origine géographique (levrette d’Italie) ou en fonction de l’usage (lévrier anglais). La position des points symbolise la proximité génétique des individus. On distingue un nuage de points à part pour les levrettes d’Italie américaines (rose) : cela signifie qu’elles sont génétiquement distinctes des individus européens (autres couleurs). De même, les lévriers anglais utilisés pour les courses de vitesse (orange) sont génétiquement distincts des individus utilisés comme chiens de compagnie ou pour les concours de beauté (bleu). Des traits indiquent de rares individus dont le fond génétique est en désaccord avec leur usage. Sur les analyses de STRUCTURE (à droite), les groupes génétiques inférés par l’analyse des marqueurs SNPs sont représentés par des couleurs différentes. Pour chaque race, c’est la solution à K=4 groupes qui semblait la plus vraisemblable. Les individus sont représentés par les bâtons de l’axe des abscisses tandis que les ordonnées représentent la probabilité d’assignation d’un individu à l’un des quatre groupes génétiques. Ces résultats de STRUCTURE viennent compléter les analyses de MDS. Pour la levrette d’Italie, les chiens des USA forment un ensemble homogène, assigné majoritairement au groupe génétique bleu, ce qui traduit leur diversité génétique réduite. Aucun individu européen n’est assigné majoritairement à la population bleue, ce qui traduit l’isolement des Américains vis-à-vis des Européens. Les grandes différences d’assignation des individus européens montre la diversité plus importante des levrettes d’Italie européennes, en cohérence avec l’origine européenne de la race. L’analyse STRUCTURE pour les lévriers anglais confirme aussi la distinction génétique selon les usages : les chiens de concours de beauté ou de compagnie sont majoritairement assignés au groupe génétique vert, tandis que les chiens de course sont majoritairement assignés aux groupes rouge, jaune ou bleu.

L’origine géographique est le facteur explicatif principal de la structuration génétique pour la Levrette d’Italie et le Shetland. Pour chaque race, les chiens américains semblent représenter un sous-échantillon des chiens européens. Par exemple, pour la levrette d’Italie, l’indice de fixation FST est plus grand chez l’échantillon des USA (FST=0,15) par comparaison de celui de l’échantillon européen (FST=0,08). Les individus utilisés pour la reproduction sont probablement volontiers échangés entre pays européens, dont ces races sont originaires et pour lesquels la diversité est la plus forte. Au contraire, les échanges transatlantiques sont probablement plus rares. Enfin, les individus américains seraient le résultat d’un effet de fondation, c’est-à-dire d’une réduction de la diversité consécutivement à la “colonisation” d’un nouvel espace par un sous-échantillon de la population originelle, européenne.

L’usage est le facteur explicatif majeur de la structuration génétique pour le Lévrier anglais et le Labrador. Les Lévriers anglais utilisés pour les courses se distinguent génétiquement de ceux utilisés pour les concours de beauté ou comme chiens de compagnie. Un résultat similaire est trouvé entre les Labradors utilisés comme chiens de services et les Labradors de concours. Cela témoignerait de schémas de croisements relativement indépendants entre les usages, ce qui a mené à une dérive génétique au sein de chaque usage. Les chiens de concours (FST=0,34) sont largement plus différenciés que les chiens de course (FST=0,07), chez le Lévrier anglais (résultat similaire chez le Labrador), ce qui s’explique peut-être par la sur-représentation de quelques individus primés dans les pedigrees de ce type de chiens, entraînant une diminution de l’effectif efficace.

Structuration génétique pour les variétés morphologiques chez le Berger belge (en haut) et pour les stratégies de sélection chez le Chien finnois de Laponie (en bas).

Structuration génétique pour les variétés morphologiques chez le Berger belge (en haut) et pour les stratégies de sélection chez le Chien finnois de Laponie (en bas). Pour les explications techniques sur les méthodes, voir la précédente figure. Les analyses montrent que les Malinois et les Laekenois ne sont pas génétiquement distincts, tout du moins pas sur les marqueurs SNPs répartis sur tout le génome : on pourrait probablement les distinguer en étudiant la variabilité génétique du gène expliquant l’aspect du poil, qui est le caractère phénotypique majeur distinguant ces deux variétés de Bergers belges. Les Groenendaels et les Tervuerens sont génétiquement distincts des deux premiers mais moins distincts l’un par rapport à l’autre, en cohérence avec leurs ressemblances phénotypiques (c’est principalement la couleur du pelage qui les distingue). Pour le Chien finnois de Laponie, les individus issus d’un schéma de sélection plus proche des chiens utilisés par les Samis, des éleveurs de rennes, (‘Herding background’) sont génétiquement distincts des autres individus de la race, comme le montrent la position des points sur la MDS et l’assignation majoritaire au groupe rouge par STRUCTURE, alors que les autres individus sont majoritairement assignés au groupe vert. L’article précise que des chiens issus de ce schéma de sélection proche des chiens de Samis sont régulièrement utilisés comme géniteurs dans les schémas de sélection classique (voir les individus majoritairement rouges, au milieu des individus verts). L’inverse est moins vrai (pas d’individu majoritairement vert au milieu des rouges).

L’analyse des variétés de Bergers belges montre que le Malinois et le Laekenois sont génétiquement différenciés du Groenendael et du Tervueren. Les deux premiers types partagent le point commun d’être particulièrement utilisés comme chiens de travail (bergers mais aussi comme chiens policiers) et se distinguent par le type de pelage (le Laekenois est à poils durs), qui est un caractère monogénique. Les croisements entre ces deux variétés sont autorisés, expliquant leur proximité génétique. Le Groenendael et le Tervueren se distinguent aussi pour un caractère monogénique : la couleur du pelage (noir chez le Groenendael et sable chez le Tervueren). Ainsi, dans une même portée où ce caractère ségrège, des chiots peuvent être inscrits dans l’une ou l’autre des variétés.

Deux groupes génétiques différenciés se distinguent pour les Chiens finnois de Laponie. L’analyse des pedigrees des individus a permis de comprendre les raisons de cette distinction. Même si les deux groupes génétiques sont phénotypiquement difficiles à différencier, le groupe désigné comme ‘Herding background’ correspond aux descendants de croisements menés par une association fondée en 1981 et souhaitant “revenir aux sources” de la race en repartant des chiens de berger utilisés par les Samis pour garder les rennes, l’utilisation originelle de la race.

Pour conclure, cette étude montre que malgré les standards définis pour chaque race, plusieurs sous-populations génétiquement différenciées peuvent être identifiées. La mondialisation des races de chiens les plus populaires a entraîné des effets de fondation en dehors de leurs zones d’origine et les migrations peu fréquentes entre les groupes géographiquement séparés contribuent à augmenter l’isolement génétique. L’élitisation de certains pedigrees qui donnent la part belle aux individus primés aux concours contribue aussi à entraîner une dérive génétique par rapport aux autres individus de la race utilisés comme chiens de travail. Enfin, des visions et des pratiques différentes de l’activité de sélection au sein d’une même race peut aussi entraîner une structuration de la diversité génétique. Dans un contexte où la baisse de diversité génétique chez des races modernes de plus en plus consanguines a multiplié les maladies génétiques, l’identification des populations structurées dans la race pourrait permettre d’atténuer cette consanguinité et de mieux raisonner la gestion de la diversité intra-race. Même si l’expression “malade comme un chien” trouve ses origines bien avant l’apparition des races modernes de chiens, ce progrès contribuerait peut-être à vider cette expression de son sens moderne.

Références de l’article

Sara Lampi, Jonas Donner, Heidi Anderson & Jaako Pohjoismäki (2020) Variation in breeding practices and geographic isolation drive subpopulation differentiation, contributing to the loss of genetic diversity within dog breed lineages. Canine Medicine and Genetics, 7:5.

L’écho des savanes : effets de fondation en série chez le moustique Anopheles gambiae, principal vecteur de la malaria

Les contraintes spatiales sont des facteurs évolutifs importants pour les populations d’êtres vivants. Les phénomènes de migration (échanges d’allèles entre populations) peuvent être réduits par des barrières physiques (océans, routes, etc.) ou des barrières écologiques (environnements défavorables). Par exemple, les moustiques de l’espèce Anopheles gambiae sont rencontrés de l’Ouest à l’Est de l’Afrique sub-saharienne, sur une aire de répartition très large comprenant des fleuves, des montagnes et des mers.

En tant que vecteurs du paludisme, les moustiques représentent par ailleurs encore une menace de santé publique très sérieuse avec plus de 200 millions de malades par an dont environ 500 000 cas mortels. Parmi les nouvelles méthodes de lutte à l’étude, le forçage génétique (‘gene drive’ en anglais) consiste à introduire parmi les populations de moustiques des individus génétiquement modifiés. La modification génétique empêche le moustique de transmettre la maladie et a la capacité de se multiplier dans la population de manière plus rapide qu’une simple transmission mendélienne classique, grâce à la technologie de nucléase site-spécifique de type CRISPR/Cas9. Le déploiement de cette stratégie, encore très controversée, nécessite de mieux comprendre les relations génétiques entre les populations de moustiques en région sub-saharienne.

Moustique femelle de l'espèce Anopheles gambiae, se nourissant de sang humain.

Moustique femelle de l’espèce Anopheles gambiae, se nourrissant de sang humain (Crédit photo : James D. Gathany, Centers for Disease Control and Prevention, Domaine Public).

Les travaux de Hanno Schmidt et de ses collaborateurs des Etats-Unis, de Zambie et des Comores, publiés dans le journal Communications Biology, visent à comprendre l’impact de ces barrière géologiques sur l’évolution génétique des moustiques de l’espèce Anopheles gambiae. Pour atteindre cet objectif, ils ont réalisé le séquençage du génome complet de 111 moustiques échantillonnés de l’Ouest à l’Est de la zone subsaharienne : au Mali, au Cameroun, en Zambie, en Tanzanie et sur les îles de Grande Comore, de Mohéli et d’Anjouan qui constituent les îles principales de l’archipel des Comores.

Les moustiques de chacun de ces pays se regroupent au sein de groupes génétiques distincts. Il est à noter que pour les Comores, ce sont trois groupes génétiques distincts, un pour chaque île, qui sont identifiés. Les distances génétiques entre ces groupes génétiques ne sont pas corrélées aux distances géographiques; le facteur insulaire semble beaucoup plus déterminant : ainsi, la différentiation entre les populations des îles de l’archipel des Comores est plus importante qu’entre les populations du continent, y-compris les plus éloignées (Mali vs Tanzanie).

Dendrogramme basé sur les indices de différentiation FST.

Dendrogramme non enraciné basé sur les valeurs de FST par paires. La longueur des branches est proportionnelle aux valeurs de FST (indice de différentiation). Les couleurs représentent l’origine des moustiques échantillonnés : le Mali (bleu foncé), le Cameroun (bleu turquoise), la Zambie (vert foncé), la Tanzanie (vert clair), l’île de Grande Comore (violet), l’île de Mohéli (orange) et l’île d’Anjouan (rouge). Cet arbre met en avant la proximité génétique des populations du Mali et du Cameroun séparées par des branches courtes et met en relief la forte différentiation génétique des populations des trois îles de l’archipel des Comores, pourtant proches géographiquement. La topologie de l’arbre montre aussi un continuum génétique entre les populations de l’Ouest (Mali, Cameroun) à gauche du graphique et de l’Est (Zambie, Tanzanie, l’ïle de Grande Comore et les deux autres îles majeures de l’archipel) vers la droite de l’arbre.

La taille efficace (taille d’une population idéale soumise aux mêmes niveaux de dérive génétique que la population étudiée) estimée à partir de chaque population suit des trajectoires similaires sur les périodes les plus anciennes, à une époque où toutes les populations n’en formaient qu’une. Puis il y a 200 000 ans, les populations occidentales (Mali et Cameroun) et orientales (les autres populations) africaines se séparent, sachant que la taille efficace des populations orientales baisse. Les estimations montrent ensuite une succession de réduction en cascade de taille efficace, d’abord pour la Tanzanie pour la plus ancienne, puis la Zambie, puis les îles d’Anjouan et de Mohéli et la plus récente, celle de la Grande Comore.

Ces estimations de taille efficace sont bien corrélées avec la diversité génétique des populations : les populations présentant le plus de diversité génétique sont celles de l’Ouest (Mali et Cameroun) tandis qu’à l’Est, les populations des Comores ont le moins de diversité.

Taille efficace

Effets de fondation en série chez Anopheles gambiae. En haut, estimation de la taille efficace de la population en fonction de la période. La barre verticale à gauche représente la période la plus récente (il y a 30 000 ans) pour laquelle l’estimation est disponible pour toutes les populations. Sont aussi représentées les dates de formation géologique des îles de Mohéli, d’Anjouan et de Grande Comore. En bas, boîtes à moustaches représentant la variabilité génétique de chaque population. Le nombre d’individu (n) étudié pour chaque population est précisé. On observe une bonne corrélation entre la taille efficace d’une population et sa variabilité génétique.

Si l’origine de Anopheles gambiae se trouve vers le Mali, où la diversité génétique de cette espèce est maximale, le fait que ces réductions successives de la taille efficace soient corrélées avec l’expansion de la zone de répartition de cette espèce vers l’Afrique orientale suggère des effets de fondation successifs, c’est-à-dire une réduction de la diversité chez une population constituée à partir de l’échantillonnage d’une population originelle. Comme l’écho d’un son s’atténuant après chaque réverbération, la diversité génétique diminue entre chaque effet de fondation.

L’étude a permis de dater ces effets de fondation, mais aussi de proposer des hypothèses quant aux barrière géographiques qui auraient pu les causer. Ainsi, le franchissement du bassin du fleuve Congo, du rift est-africain et du canal du Mozambique ont pu limiter les migrations des populations de moustique et éroder leur diversité génétique au cours des 200 000 dernières années.

Il est intéressant de noter que cette espèce de moustiques aurait atteint l’archipel des Comores, il y a 70 000 ans, bien avant l’établissement permanent des populations humaines sur cet archipel, il y a seulement 1 300 ans. Avant l’arrivée de ces premières populations humaines, les moustiques comoriens auraient eu d’autres hôtes, comme des chauve-souris ou des oiseaux. Ces résultats viennent confirmer de précédentes études suggèrant que les moustiques de l’espèce Anopheles gambiae ne se seraient adaptés pour être capables de se nourrir de sang humain que très récemment, il y a environ 10 000 ans.

Modèle de dispersion de Anopheles gambiae depuis son centre d'origine en Afrique de l'Ouest, jusqu'à l'île de Grande Comore, en passant par la Zambie, la Tanzanie et les îles de Mohéli et d’Anjouan (Comores), au cours des 200 000 dernières années. Chaque région est caractérisée par une population de A. gambiae formée à partir d’un sous-échantillon de la population directement plus occidentale. Par exemple, la population de Tanzanie est formée d’un sous-échantillon de moustiques issus de Zambie. Chaque formation de nouvelle population est le résultat du succès de quelques moustiques à franchir une barrière écologique, par exemple le bassin de la rivière Congo, le rift africain ou le canal de Mozambique. Chaque constitution de nouvelle population par échantillonnage de la précédente s’accompagne d’une perte de diversité, aboutissant à terme à ces effets de fondation en série.

Modèle de dispersion de Anopheles gambiae depuis son centre d’origine en Afrique de l’Ouest, jusqu’à l’île de Grande Comore, en passant par la Zambie, la Tanzanie et les îles de Mohéli et d’Anjouan (Comores), au cours des 200 000 dernières années. Chaque région est caractérisée par une population de A. gambiae formée à partir d’un sous-échantillon de la population directement plus à l’Ouest. Par exemple, la population de Tanzanie est formée d’un sous-échantillon de moustiques issus de Zambie. Chaque formation de population est le résultat du succès de quelques moustiques à franchir une barrière écologique, que ce soit le bassin du fleuve Congo, le rift est-africain ou le canal du Mozambique. Chaque constitution de nouvelle population par échantillonnage de la précédente s’accompagne d’une perte de diversité, aboutissant à terme à ces effets de fondation en série.

Dans un contexte où l’efficacité des stratégies de forçage génétique pour lutter contre le paludisme reste à prouver, les auteurs suggèrent que des tests en situation réelle pourraient être réalisés sur certaines îles des Comores. L’isolement génétique des populations de moustique des îles comoriennes vis-à-vis des autres îles de l’archipel et a fortiori vis-à-vis du continent pourrait offrir des gages de confinement (relatif) pour de telles expériences, avant d’envisager sa généralisation à l’ensemble de l’Afrique ou son abandon, en fonction des résultats.

Références de l’article

Hanno Schmidt, Yoosook Lee, Travis C. Collier, Mark J. Hanemaaijer, Oscar D. Kirstein, Ahmed Ouledi, Mbanga Muleba, Douglas E. Norris, Montgomery Slatkin, Anthony J. Cornel & Gregory C. Lanzaro (2019) Transcontinental dispersal of Anopheles gambiae occurred from West African origin via serial founder events. Communications Biology, 2:473. Publié le 19 décembre 2019

De la percée du cheval persan au ré-étalon-nage à la baisse de la diversité à l’époque moderne : 5 000 ans d’histoire du cheval parcourus au galop

La domestication du cheval a révolutionné les civilisations humaines, aussi bien en terme de moyens de transport, d’échanges commerciaux ou de stratégies de guerre. Les premières traces de traite de jument, de harnachement ou de mise en captivité de cheval remontent à 5 500 ans dans les steppes d’Asie centrale. Cependant, les chevaux concernés ne seraient pas les ancêtres des chevaux modernes (Equus caballus) mais ceux des chevaux de Przewalski (Equus przewalskii). Une part de mystère subsiste quant au lieu de la domestication du cheval moderne : les steppes pontiques (au Sud-Est de l’Europe), l’Anatolie ou la péninsule ibérique ? Une précédente étude suggère aussi que suite à cette domestication, le génome du cheval aurait beaucoup changé au cours des 2 300 dernières années.

Reconstitution d'un cataphractaire sassanide. Les guerres entre les Sassanides (dynastie perse) et les Byzantins au début du IVe siècle auraient contribué à introduire le cheval persan en Europe.

Reconstitution d’un cataphractaire sassanide. Les guerres entre les Sassanides (dynastie perse) et les Byzantins à partir du IVe siècle suivies des invasions arabes auraient contribué à introduire le cheval persan en Europe. Source : John Tremelling, GNU Free Documentation License, Wikimedia.

Antoine Fages, Kristian Hanghøj, Naveed Khan et leurs collaborateurs d’un large consortium international ont cherché à tester ces hypothèses dans un article publié dans le journal Cell, le 30 mai 2019. Ils se sont basés sur sur le génome de 30 chevaux modernes, les génomes anciens obtenus de 129 individus répartis sur les six derniers millénaires, plus des marqueurs génétiques à l’échelle du génome pour 149 autres chevaux fossiles.

Il apparaît ainsi qu’alors que la diversité génétique était restée stable pendant 4 millénaires, celle-ci a baissé de 16% au cours des 200 à 400 dernières années. Cette période coïnciderait avec de forts changements de pratiques d’élevage marqués par une réduction du nombre de chevaux reproducteurs, entraînant une réduction de la taille efficace de la population, c’est-à-dire le nombre d’individus d’une population idéale chez laquelle on observerait un degré de dérive génétique équivalent à celui de la population réelle. Cette réduction n’est pas sans impact : la théorie prédit que les petites populations seraient en effet marquées par une atténuation de la sélection purifiante (sélection contre le maintien des allèles délétères), entraînant l’accumulation d’un fardeau génétique. La comparaison des patrons de sélection sur les sites synonymes et sur les sites non synonymes ainsi que sur ceux classés comme délétères par comparaison avec les variations conservées chez les espèces de Vertébrés a permis de vérifier cet attendu théorique chez les populations de chevaux : le fardeau génétique a bien augmenté chez les chevaux modernes, corrélativement à la perte de diversité. Cette réduction de diversité s’expliquerait par des stratégies drastiques de sélection d’étalons pour la reproduction. La diversité nucléotidique sur le chromosome Y, transmis par les étalons, diminue ainsi, à la fois en Asie et en Europe, au cours des deux derniers millénaires et chute aux niveaux actuels à partir de 850-1 350 de l’ère commune (anciennement appelée période après Jésus-Christ).

Diversité

Évolution de la diversité et du fardeau génétique chez le cheval domestique au cours du temps. En haut, la diversité, évaluée par l’hétérozygotie, chute brusquement chez les chevaux modernes par comparaison aux chevaux anciens. En bas, le fardeau génétique augmente corrélativement à la baisse de diversité, chez les chevaux modernes.

L’étude des relations phylogénétiques entre chevaux anciens et modernes est très informative quant aux échanges survenus les siècles passés. En plus des chevaux domestiques et des chevaux de Przewalski, les échantillons les plus anciens indiquent l’existence de deux autres lignées, aujourd’hui éteintes, de chevaux sauvages, l’une dans la péninsule ibérique, l’autre en Sibérie. Bien que présentes à l’époque de la domestication du cheval domestique, ces deux lignées n’auraient eu qu’une contribution marginale à la diversité des chevaux domestiques modernes, permettant de rejeter l’hypothèse d’un centre de domestication du cheval dans la péninsule ibérique.

En se focalisant sur la phylogénie des chevaux domestiques, on remarque que les poneys Shetlands et les chevaux Islandais modernes se classent à proximité de chevaux anciens du Nord de l’Europe. Ces deux races de chevaux prendraient peut-être leur origine dans les conquêtes vikings des VIIIe-XIe siècles. Le clade formé par ces chevaux est un clade frère de chevaux anciens européens, de la période Gallo-Romaine ou de la Tène (culture archéologique du 2nd Age du fer), traduisant une certaine cohésion génétique des chevaux européens anciens. Les chevaux modernes européens, autres que les poneys Shetlands et les chevaux Islandais, se retrouvent dans un autre clade, qui apparaîtrait en Europe au IXe siècle en Croatie, à une époque où ce fond génétique est encore absent en Europe du Nord. Sachant que cette période correspond à de fréquents raids arabes sur les côtes méditerranéennes et que ce clade correspond aussi à celui de chevaux persans sassanides des IVe et Ve siècles, ces résultats suggèrent une forte influence génétique des chevaux persans en Europe à partir du IXe siècle. Des résultats similaires ont été relevés en Asie avec le remplacement des fonds génétiques pré-existants en Asie centrale et en Mongolie par les chevaux d’origine persane à partir des VIIIe-IXe siècles.

Cet échantillon est aussi une opportunité de comprendre les gènes sélectionnés et par conséquent les caractères qui auraient été recherchés au cours de l’histoire du cheval domestique. Ainsi, la comparaison des fréquences alléliques entre les chevaux anciens asiatiques et européens et les chevaux byzantins de l’époque post-VIIe-IXe siècles, déjà largement marqués par l’introgression des chevaux d’origine persane, montre que les gènes impliqués dans la morpho-anatomie auraient beaucoup évolué sous l’influence des chevaux d’origine persane. Le gène MSTN impliqué dans la vitesse serait aussi un candidat sélectionné chez ces chevaux byzantins d’origine persane. Plus récemment, au cours du dernier millénaire, la sélection d’allèle à ce gène MSTN, mais aussi à deux autres gènes PDK4 et ACN9 connus pour influencer la vitesse des chevaux, confirme que l’accroissement de la vitesse de ses montures a été une préoccupation majeure de l’Homme.

Synthèse de l'histoire démographique du cheval cultivé.

Synthèse de l’histoire démographique du cheval cultivé, publiée dans l’article. Les conquêtes islamiques auraient entraîné une diffusion des chevaux de types persans qui auraient remplacé presque toutes les lignées de chevaux anciens présents en Asie et en Europe.

Références de l’article :

Antoine Fages, Kristian Hanghøj, Naveed Khan, Charleen Gaunitz, Andaine Seguin-Orlando, Michela Leonardi, Christian McCrory Constantz, Cristina Gamba, Khaled A.S. Al-Rasheid, Silvia Albizuri, Ahmed H.Alfarhan, Morten Allentoft, Saleh Alquraishi, David Anthony, Nurbol Baimukhanov, James H. Barrett, Jamsranjav Bayarsaikhan, Norbert Benecke, Eloísa Bernáldez-Sánchez, Luis Berrocal-Rangel, Fereidoun Biglari, Sanne Boessenkool, Bazartseren Boldgiv, Gottfried Brem, Dorcas Brown, Joachim Burger, Eric Crubézy, Linas Daugnora, Hossein Davoudi, Peter de Barros Damgaard, María de los Ángeles de Chorro y de Villa-Ceballos, Sabine Deschler-Erb, Cleia Detry, Nadine Dill, Maria do Mar Oom, Anna Dohr, Sturla Ellingvåg, Diimaajav Erdenebaatar, Homa Fathi, Sabine Felkel, Carlos Fernández-Rodríguez, Esteban García-Viñas, Mietje Germonpré, José D. Granado, Jón H. Hallsson, Helmut Hemmer, Michael Hofreiter, Aleksei Kasparov, Mutalib Khasanov, Roya Khazaeli, Pavel Kosintsev, Kristian Kristiansen, Tabaldiev Kubatbek, Lukas Kuderna, Pavel Kuznetsov, Haeedeh Laleh, Jennifer A. Leonard, Johanna Lhuillier, Corina Liesau von Lettow-Vorbeck, Andrey Logvin, Lembi Lõugas, Arne Ludwig, Cristina Luis, Ana Margarida Arruda, Tomas Marques-Bonet, Raquel Matoso Silva, Victor Merz, Enkhbayar Mijiddorj, Bryan K. Miller, Oleg Monchalov, Fatemeh A. Mohaseb, Arturo Morales, Ariadna Nieto-Espinet, Heidi Nistelberger, Vedat Onar, Albína H. Pálsdóttir, Vladimir Pitulko, Konstantin Pitskhelauri, Mélanie Pruvost, Petra Rajic Sikanjic, Anita Rapan Papeša, Natalia Roslyakova, Alireza Sardari, Eberhard Sauer, Renate Schafberg, Amelie Scheu, Jörg Schibler, Angela Schlumbaum, Nathalie Serrand, Aitor Serres-Armero, Beth Shapiro, Shiva Sheikhi Seno, Irina Shevnina, Sonia Shidrang, John Southon, Bastiaan Star, Naomi Sykes, Kamal Taheri, William Taylor, Wolf-Rüdiger Teegen, Tajana Trbojević Vukičević, Simon Trixl, Dashzeveg Tumen, Sainbileg Undrakhbold, Emma Usmanova, Ali Vahdati, Silvia Valenzuela-Lamas, Catarina Viegas, Barbara Wallner, Jaco Weinstock, Victor Zaibert, Benoit Clavel, Sébastien Lepetz, Marjan Mashkour, Agnar Helgason, Kári Stefánsson, Eric Barrey, Eske Willerslev, Alan K. Outram, Pablo Librado, Ludovic Orlando (2019) Tracking Five Millennia of Horse Management with Extensive Ancient Genome Time Series. Cell, 177(6) :1419-1435.e31. Publié le 30 mai 2019

Ils n’ont pourtant pas lu Stendhal ! Sélection équilibrante pour le maintien d’un polymorphisme de couleur chez le Diamant de Gould

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le cas d’une sélection équilibrante par avantage aux hétérozygotes, promouvant le maintien d’un polymorphisme de couleur, probablement assez récent, chez certaines populations alpines d’une plante, la Nigritelle noire. Il peut arriver que le maintien du polymorphisme de couleur se fasse sur une très longue période, déjouant les règles générales de l’évolution des caractères : fixation du phénotype avantageux par sélection positive ou fixation de l’un ou l’autre des phénotypes par dérive si la différence de valeur sélective entre les phénotypes est minime.

Le Diamant de Gould (Erythrura gouldiae) présente deux morphotypes vivant en sympatrie. Ces morphotypes diffèrent pour la couleur de la tête, contrôlée par un locus nommé Red porté par le chromosome Z (chez les oiseaux, les femelles portent les chromosomes sexuels ZW alors que les mâles portent les chromosomes sexuels ZZ). On distingue ainsi un allèle récessif Zr et un allèle dominant ZR. Les mâles Zr/Zr et les femelles Zr produisent de la mélanine chez le morphotype noir, tandis que les mâles ZR/ZR ou ZR/Zr et les femelles ZR produisent des caroténoïdes chez le morphotype rouge.

Morphotypes rouge et noir de Diamant de Gould, en captivité. Crédit image : Eugen Bonner, licence Pixabay

Morphotypes rouge et noir de Diamant de Gould (Erythrura gouldiae), en captivité. Crédit image : Eugen Bonner, licence Pixabay

Dans une publication parue fin avril 2019 dans Nature Communications, le consortium d’Américains, Britanniques et Australiens constitué par Kang-Wook Kim, Benjamin C. Jackson et leurs collaborateurs a précisé par génétique d’association la position du locus Red dans une région intergénique du chromosome Z. Ce locus agirait comme une région régulatrice d’un gène à effet pléiotrope localisé à proximité, le gène follistatin (FST), puisque les morphotypes diffèrent aussi pour des niveaux d’hormones de stress, de personnalité, de dominance sociale, … et notamment la structure des plumes dont le lien avec FST est bien connu.

La diversité présente autour du locus Red a été caractérisée. Sur une région d’environ 70 kpb autour de Red, et par comparaison à d’autres régions du chromosome Z, les auteurs ont identifié des patrons de polymorphisme suggérant une sélection équilibrante au locus Red : un fort déséquilibre de liaison, une forte diversité et un fort niveau différentiation entre les allèles ZR et Zr. Ainsi, l’indice de fixation de Wright FST est très élevé à Red (0,951) alors qu’il est faible (en moyenne de 0,038) sur les autres régions du chromosome Z, suggérant qu’en dehors de ce locus, les morphotypes ne sont pas en cours d’isolement génétique, contrairement à ce que le laissait suggérer les incompatibilités pré- et post-zygotiques entre morphotypes, observées sur des populations en captivité.

L’étude d’un arbre de gène montre que malgré la très forte divergence entre les allèles ZR et Zr, les allèles des morpotypes rouge et noir forment un groupe monophylétique. Cela suggère que ces deux allèles ont divergé depuis l’apparition de l’espèce Diamant de Gould et ne représentent pas un polymorphisme trans-spécifique (présence d’allèles dont l’origine remonte avant l’événement de spéciation).

Arbre de gène du locus Red. a) Illustrations des espèces du genre Erythrura, notamment à droite les morphotypes noir et rouge du Diamant de Gould (E. gouldiae). b) Arbre de maximum de vraisemblance obtenu au locus Red pour la famille des Estrildidae. La longueur des branches est proportionnelle à la divergence entre les séquences étudiées. On notera que la divergence entre les séquences portées par les deux morphotypes rouge et noir du Diamant de Gould est plus importante que la divergence entre les séquences des autres espèces du genre Erythrura.

Arbre de gène du locus Red. a) Illustrations des espèces du genre Erythrura, notamment à droite les morphotypes noir et rouge du Diamant de Gould (E. gouldiae). b) Arbre de maximum de vraisemblance obtenu au locus Red pour la famille des Estrildidae. La longueur des branches est proportionnelle à la divergence entre les séquences étudiées. On notera que la divergence entre les séquences portées par les deux morphotypes rouge et noir du Diamant de Gould est plus importante que la divergence entre les séquences des autres espèces du genre Erythrura.

Il est possible que les deux allèles aient pu dans un premier temps évoluer indépendamment dans un contexte d’allopatrie ancienne suivi d’un contact secondaire. Parmi les mécanismes expliquant le maintien de ce polymorphisme par sélection équilibrante, les auteurs proposent la sélection fréquence-dépendante. On peut penser que les mâles rouges devraient être avantagés car il a été montré qu’ils sont préférés par les femelles des deux morphotypes et ils bénéficient d’un statut de domination dans la structure sociale. Toutefois, ils sont aussi victimes de forts niveaux de stress et auraient un succès reproducteur moindre par rapport aux mâles noirs lorsque les agressifs mâles rouges deviennent trop nombreux. Il est aussi possible qu’un antagonisme sexuel intervienne : si les mâles rouges seraient sélectionnés, les femelles rouges seraient contre-sélectionnées, comme le suggère le fait que l’intensité de couleur soit très réduite chez les femelles rouges dans la nature.

Références de l’article :

Kang-Wook Kim, Benjamin C. Jackson, Hanyuan Zhang, David P. L. Toews, Scott A. Taylor, Emma I. Greig, Irby J. Lovette, Mengning M. Liu, Angus Davison, Simon C. Griffith, Kai Zeng, Terry Burke (2019) Genetics and evidence for balancing selection of a sex-linked colour polymorphism in a songbird. Nature Communications. 10:1852. Publié le 23 avril 2019.

Des sangliers un peu cochons : hybridations entre cochons et sangliers en Europe

Hybride mâle entre un cochon et un sanglier (source Miguel Tremblay, Wikipedia, CC0 1.0)

Hybride mâle entre un cochon et un sanglier (crédit : Miguel Tremblay, Wikipedia, CC0 1.0)

Avec environ quatre millions d’individus, le sanglier (Sus scrofa) est le deuxième ongulé le plus fréquent en Europe. Son histoire est intimement liée à celle de son apparenté domestiqué, le cochon (Sus scrofa domesticus). De nombreux flux de gènes entre cochons et sangliers se sont déroulés depuis la domestication, à la fois en Asie et en Europe. Une étude récente par Laura Iacolina et ses collaborateurs a récemment été publiée dans le journal Scientific Reports pour tenter de mieux documenter ces cas récents d’hybridations entre cochons et sangliers en Europe.

C’est ainsi un large échantillon de 292 sangliers d’Europe et 16 sangliers du Proche Orient ainsi que 44 races commerciales et 255 races locales de cochons qui ont été caractérisés pour 47 148 marqueurs moléculaires de type Single Nucleotide Polymorphisms.

Au total, 11,4% des sangliers étudiés montraient des traces génétiques d’hybridations avec le cochon, avec des disparités importantes selon les pays, entre 0% (péninsule ibérique, Italie, Europe orientale) et 89% (Autriche). Ces flux de gènes ont été facilités par le fait que les élevages de cochons enclos ne se sont généralisés qu’à partir des XVIIe et XVIIIe siècles tout d’abord en Angleterre. Aujourd’hui, les flux de gènes sont néanmoins encore possibles mais montrent une disparité en fonction des systèmes d’élevage. Dans le Nord-Ouest de l’Europe, ces flux de gènes dépendraient largement de sangliers mis en élevage, relâchés ou échappés, sachant que les sangliers en élevage sont généralement des hybrides, à croissance plus rapide que les sangliers purs. Dans d’autres régions d’Europe, comme la Sardaigne ou la Roumanie, ce sont plutôt les élevages de cochons en liberté ou semi-liberté qui expliquent ces flux de gènes.

Les conséquences évolutives de ces introgressions du cochon cultivé dans le génome du sanglier sont encore à préciser. Elles devraient théoriquement conduire à une mal-adaptation et devraient être contre-sélectionnées. Toutefois, certains caractères cultivés pourraient s’avérer avantageux dans un environnement naturel, par exemple un taux de reproduction élevé. Il est d’autant plus important de tester cette hypothèse que les populations de sangliers sont en recrudescence, représentant un péril économique pour l’agriculture ou écologique pour les autres espèces sauvages. Du côté du sanglier, ces phénomènes d’introgression représentent aussi un risque de transmission de maladies cloisonnées jusqu’à présent aux cochons domestiques mais qui pourraient d’autant plus facilement s’étendre aux sangliers que ceux-ci deviennent de plus en plus cochons !

Références de l’article :

Iacolina, Pertoldi, Amills, Kusza, Megens, Bâlteanu, Bakan, Cubric-Curic, Oja, Saarma, Scandura, Šprem, Stronen (2018) Hotspots of recent hybridization between pigs and wild boars in Europe. Scientific Reports. 8: 17 372. Publié le 26 novembre 2018.

Les couleurs

Structure des populations entre cochons domestiques (DP) et sangliers (WB). L’abscisse correspond aux individus étudiés classés en fonction de leur caractéristique domestique/sauvage et de leur origine géographique. L’ordonnée correspond à la part du génome qui proviendrait des deux populations ancestrales. Les populations ancestrales correspondent à une population théorique pure de sangliers (représentée en rouge) ou de cochons domestiques (représentée en bleu). Ainsi, les individus “purs” sont attribués à 100% à l’une ou l’autre de ces populations. Les individus hybrides entre ces populations ancestrales possèdent une portion du génome attribuée à la population ancestrale “sanglier” et une portion attribuée à la population ancestrale “cochon”. Bal : Balkans, Car : Carpates, CE : Europe Centre-Est, CN : Europe Centre-Nord, Com : Commercial, CW : Europe Centre-Ouest, Ibe : péninsule ibérique, Ita : Italie, CNE : Europe Centre-Nord-Est, NE : Proche-Orient, Sar : Sardaigne