Des sangliers un peu cochons : hybridations entre cochons et sangliers en Europe

Hybride mâle entre un cochon et un sanglier (source Miguel Tremblay, Wikipedia, CC0 1.0)

Hybride mâle entre un cochon et un sanglier (crédit : Miguel Tremblay, Wikipedia, CC0 1.0)

Avec environ quatre millions d’individus, le sanglier (Sus scrofa) est le deuxième ongulé le plus fréquent en Europe. Son histoire est intimement liée à celle de son apparenté domestiqué, le cochon (Sus scrofa domesticus). De nombreux flux de gènes entre cochons et sangliers se sont déroulés depuis la domestication, à la fois en Asie et en Europe. Une étude récente par Laura Iacolina et ses collaborateurs a récemment été publiée dans le journal Scientific Reports pour tenter de mieux documenter ces cas récents d’hybridations entre cochons et sangliers en Europe.

C’est ainsi un large échantillon de 292 sangliers d’Europe et 16 sangliers du Proche Orient ainsi que 44 races commerciales et 255 races locales de cochons qui ont été caractérisés pour 47 148 marqueurs moléculaires de type Single Nucleotide Polymorphisms.

Au total, 11,4% des sangliers étudiés montraient des traces génétiques d’hybridations avec le cochon, avec des disparités importantes selon les pays, entre 0% (péninsule ibérique, Italie, Europe orientale) et 89% (Autriche). Ces flux de gènes ont été facilités par le fait que les élevages de cochons enclos ne se sont généralisés qu’à partir des XVIIe et XVIIIe siècles tout d’abord en Angleterre. Aujourd’hui, les flux de gènes sont néanmoins encore possibles mais montrent une disparité en fonction des systèmes d’élevage. Dans le Nord-Ouest de l’Europe, ces flux de gènes dépendraient largement de sangliers mis en élevage, relâchés ou échappés, sachant que les sangliers en élevage sont généralement des hybrides, à croissance plus rapide que les sangliers purs. Dans d’autres régions d’Europe, comme la Sardaigne ou la Roumanie, ce sont plutôt les élevages de cochons en liberté ou semi-liberté qui expliquent ces flux de gènes.

Les conséquences évolutives de ces introgressions du cochon cultivé dans le génome du sanglier sont encore à préciser. Elles devraient théoriquement conduire à une mal-adaptation et devraient être contre-sélectionnées. Toutefois, certains caractères cultivés pourraient s’avérer avantageux dans un environnement naturel, par exemple un taux de reproduction élevé. Il est d’autant plus important de tester cette hypothèse que les populations de sangliers sont en recrudescence, représentant un péril économique pour l’agriculture ou écologique pour les autres espèces sauvages. Du côté du sanglier, ces phénomènes d’introgression représentent aussi un risque de transmission de maladies cloisonnées jusqu’à présent aux cochons domestiques mais qui pourraient d’autant plus facilement s’étendre aux sangliers que ceux-ci deviennent de plus en plus cochons !

Références de l’article :

Iacolina, Pertoldi, Amills, Kusza, Megens, Bâlteanu, Bakan, Cubric-Curic, Oja, Saarma, Scandura, Šprem, Stronen (2018) Hotspots of recent hybridization between pigs and wild boars in Europe. Scientific Reports. 8: 17 372. Publié le 26 novembre 2018.

Les couleurs

Structure des populations entre cochons domestiques (DP) et sangliers (WB). L’abscisse correspond aux individus étudiés classés en fonction de leur caractéristique domestique/sauvage et de leur origine géographique. L’ordonnée correspond à la part du génome qui proviendrait des deux populations ancestrales. Les populations ancestrales correspondent à une population théorique pure de sangliers (représentée en rouge) ou de cochons domestiques (représentée en bleu). Ainsi, les individus “purs” sont attribués à 100% à l’une ou l’autre de ces populations. Les individus hybrides entre ces populations ancestrales possèdent une portion du génome attribuée à la population ancestrale “sanglier” et une portion attribuée à la population ancestrale “cochon”. Bal : Balkans, Car : Carpates, CE : Europe Centre-Est, CN : Europe Centre-Nord, Com : Commercial, CW : Europe Centre-Ouest, Ibe : péninsule ibérique, Ita : Italie, CNE : Europe Centre-Nord-Est, NE : Proche-Orient, Sar : Sardaigne