Monique Minaca (1938-2018) réalise très tôt les injustices dont sont victimes les femmes. Contre l’avis de son père, elle s’affranchit du cercle familial pour étudier aux beaux-arts jusqu’à l’obtention de son diplôme d’architecte. Elle y mène sa vie de bohème et prend part à la contestation estudiantine en mai 68. Le fonds d’archives qu’elle laisse derrière elle compte des créations plastiques originales, des affiches peintes au pochoir ainsi que des sérigraphies bien connues de l’iconographie de mai 68.
Cette militante féministe se singularise par l’importance qu’elle accorde à l’écologie dès le milieu des années 1970. Proche du psychanalyste Félix Guattari et de ses concepts d’écosophie, elle adhère à un mode de vie plus authentique et confie ses deux enfants le temps d’un été à la communauté autogérée de Gourgas qu’il crée. En 1978 elle se présente sur la liste des élections législatives de Gisèle Halimi au nom de Choisir la cause des femmes. Cette même année, Monique Minaca crée et préside l’association Groupe cadre de vie. Celle-ci regroupe des professionnelles de l’architecture et de l’urbanisme dont le principal projet est la rédaction de la charte européenne des femmes dans la cité. Cette recherche subventionnée en 1994 par l’Unité pour l’égalité des chances de la Commission de l’Union européenne propose une nouvelle grille de lecture de la ville s’appuyant sur l’expertise de ces femmes à travers cinq grandes thématiques : l’aménagement urbain et le développement durable, la sécurité, la mobilité, l’habitat, et les équipements de proximité. Ses nombreux travaux sur l’approche genrée de l’espace public constituent aujourd’hui une référence. Cette féministe aussi singulière qu’hyperactive se mobilise sur tous les fronts : lutte contre la pauvreté, le SIDA, l’exploitation des enfants, les violences faites aux femmes, l’oppression dictatoriale, la destruction de la biodiversité… Elle faisait des dons d’argent à plus d’une vingtaine d’associations.
Aventurière dans l’âme, elle traverse l’Atlantique de Casablanca jusqu’aux Antilles à bord d’un équipage entièrement féminin dans les années 1980. Agissant aux niveaux national, européen et international, ses actions gravitent autour de trois axes : la parité, l’urbanisme et l’écologie. Animée d’une curiosité foisonnante, Monique Minaca collecte tout au long de sa vie une très grande quantité de coupures de presse sur divers sujets de société comme la prostitution, la place des femmes en politique, la cause des femmes dans le monde, l’éducation des enfants ou encore sur des sujets tels que les états de conscience modifiés ou la psychologie.
L’ensemble de son fonds d’archives ainsi que cette documentation dense et variée est désormais abritée au Centre des archives du féminisme, par dépôt de l’association Archives du féminisme. Comprenant divers documents papier (tracts, brochures, coupures de presse, lettres…), le fonds est également riche d’une centaine d’affiches, de nombreuses cassettes vidéo et audio ainsi que des photos argentiques en couleur.
Fruit d’un long travail, la biographie de Monique Minaca se nourrit également de ma rencontre avec son fils, Jérôme Duvillier, le 11 mai 2021 à la bibliothèque Belle-Beille. Émouvant et sincère, cet échange fut aussi l’occasion d’apporter un regard vivant sur ce fonds et son histoire.
Mathilde Dubrasquet-Duval