Il y a 30 ans naissait Amandine le 1er bébé-éprouvette français marquant le début du recours à la fécondation in vitro. Un Comité consultatif national d’éthique est mis en place en 1983 avec pour mission de s’intéresser aux questions éthiques, juridiques et sociétales soulevées par la Procréation médicalement assistée (PMA). Ce long processus aboutit aux lois de bioéthique de 1994, lois parmi les plus rigides d’Europe. La PMA est réservée aux couples hétérosexuels, vivants, en âge de procréer, mariés ou pouvant témoigner d’une vie conjugale stable. Le don de gamètes est anonyme et la gestation pour autrui interdite.
Dominique Mehl, sociologue spécialiste de la médecine de la procréation, retrace dans les lois de l’enfantement le débat public qui accompagna les 2 révisions de la loi en 2004 et en 2011. Elle explique que malgré l’évolution des moeurs et l’intensité des controverses autour de la gestation pour autrui, de l’homoparentalité et de l’anonymat des dons, la loi est reconduite en l’état.
A l’instar de Dominique Mehl qui recueille, avec les enfants du don, les témoignages de parents et d’enfants, de nombreux sociologues et philosophes se sont intéressés à ces questions. Ainsi dans Des humains comme les autres, Irène Théry “propose un regard critique sur le modèle bioéthique français qui sacralise l’anonymat du don de gamètes”. Dans L’homoparentalité au masculin, Emmanuel Gratton, enseignant de l’Université d’Angers, évoque les obstacles auxquels se heurtent les homosexuels français dans leur désir d’enfant. Dans Naissance et liberté, Monique Canto-Sperber, philosophe et ancienne vice-présidente du Comité national d’Ethique, dialogue avec René Frydman, “papa” d’Amandine, sur les “limites de la liberté en matière de procréation humaine”.
Dominique Mehl prévoit que les pratiques illégales, les recours juridiques, les migrations procréatives ne vont pas se tarir d’ici la prochaine révision de la loi prévue en 2018 et se demande si l’aspiration au changement d’une partie de la société civile parviendra à fléchir “la frilosité française en matière de bioéthique”.
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Sylvie Gelineau, le 16 février 2012