On attribue généralement l’obtention du droit de vote des Françaises à la seule volonté du général de Gaulle, dans un geste magnanime. C’est ne pas tenir compte du mouvement suffragiste français et des nombreuses associations féminines et féministes qui avaient fait pression pendant plus de cinquante ans sur les députés et les sénateurs et dans la rue (tracts, manifestations, etc.).
Les documents du Centre des Archives du Féminisme témoignent de cette longue lutte. On remarquera six fonds d’archives qui relèvent de la première vague du féminisme : les fonds Cécile Brunschvicg, Marie Bonnevial, CNFF (Conseil National des Femmes Françaises), Laure Beddoukh, Marie-Josèphe Réchard et UFCS (Union Féminine Civique et Sociale) sont de plus liés par la solidarité qui unissait leurs associations et leurs militantes : Cécile Brunschvicg présida le CNFF et Marie Bonnevial en fut la vice-présidente, Cécile Brunschvicg et Laure Beddoukh étaient amies.
Un tract du CNFF, coté 2 AF 222 et daté de 1933, présente la revendication du droit de vote comme un altruisme : le droit de vote féminin était demandé dans l’intérêt des autres et pour le bien-être de la société toute entière. Les Françaises avaient besoin de se justifier, de rassurer les hommes, de prouver qu’elles ne souhaitaient pas remettre en cause l’ordre patriarcal et qu’elles continueraient à correspondre aux valeurs “féminines” qu’on attendait d’elles (dévouement à autrui, etc.). Bref elles ne s’autorisaient pas à réclamer le droit de vote pour elles seules, au nom de la simple égalité.