Le 18 mars 1939 Louis Poirier, qui enseigne alors l’histoire-géographie au lycée de Quimper, reçoit un curieux télégramme en latin. Le premier roman qu’il a écrit, Au château d’Argol, refusé chez Gallimard, a été publié en 1938 aux éditions José Corti, à compte d’auteur, sous le pseudonyme de Julien Gracq.
C’est un enseignant, Francis Léaud, peut-être du même âge que lui, qui lui écrit. Il cite, ou fait semblant de citer, en latin, un philosophe grec, Empédocle. Mais à quelle situation adapte-t-il cet aphorisme grec ? S’agit-il d’une blague de carabin entre deux jeunes hommes qui s’amusent ?
J’ai fait appel à deux traducteurs qui, sans connaître le contexte, proposent deux traductions quelque peu différentes de cette formule basée sur un chiasme :
– “Prêt à faire l’éloge, je me suis plaint. Prêt à me plaindre, j’ai fait l’éloge : quoi de plus rude que la beauté ? = Empédocle”
– “Voué à louer, j’ai déploré, voué à déplorer, j’ai loué quelque chose de plus perçant que la beauté = Empédocle”
L’auteur du message fait-il allusion à une oeuvre de Julien Gracq qu’il admire ? A la beauté en général ? A une femme aimée ? Je fais appel aux latinistes pour déceler le secret de ce télégramme qui appartient au fonds d’archives Julien Gracq de la BU d’Angers (cote R 760 007). Le mystère reste entier…