Voici ma réponse

Soit donc ce tweet relayé par mes soins en interne #BUA signalant que les collègues de la bibliothèque de l’école Centrale Lyon lancent sur leur site une suite de billets s’inspirant (c’est nous faire trop d’honneur) d’une série #BUA dont vous pourrez lire le dernier exemple ici.

Arrive la réponse d’une collègue se félicitant évidemment de l’initiative de Centrale Lyon ainsi que du fait que notre série fait des émules, et posant la question de fond suivante : “je me demande toujours qui lit réellement ces beaux billets souvent longuement préparés par les collègues et comment on pourrait les mettre davantage en avant”.

Voici ma réponse, qui est toujours celle que je fais dans ce cas : “combien de personnes vont lire les livres qu’on commande, paie, équipe, catalogue, installe en rayon, qui n’en sortent pour un nombre certain jamais (on peut avoir les stats avec Aleph) et finissent au pilon sans jamais avoir été ouverts ?

Précisons.

N’importe lequel de nos billets #BUA est lu au minimum disons cinquante fois et il y a des “hits” qui vont bien au-delà — combien de nos centaines de milliers de livres en rayon sont sortis 50 fois ou même ont été consultés sur place 50 fois ?… Donc pour moi, l’investissement en temps pour un billet est largement plus rentable que pour le reste des tâches classiques traditionnelles, d’autant que cet investissement blog participe sans doute à l’emprunt des documents (le double effet kiss cool).

Après, évidemment, pour les billets, on a tout intérêt à les rendre encore plus visibles surtout si on suppose qu’ils amènent aux documents…

C’est là que jouent pour ma partie (je ne parle pas ici de valorisation physique mais elle s’articule évidemment avec le reste, le “virtuel”) le web et les réseaux sociaux et c’est pour ça aussi que je pense que nous ne travaillons pas assez TOUS les réseaux.

Je demeure persuadé que nous (les bibs en général et à Angers) sommes toujours ancrés dans la logique selon laquelle l’important est de remplir les rayons y compris virtuels et d’amasser du stock, même s’il dort.

Or je pense au contraire que l’important est de mettre en oeuvre des stratégies de communication et de valorisation pour que ces rayons se vident (i.e. que les documents soient empruntés/lus).

C’est une évidence — on va me dire que j’enfonce des portes ouvertes. Certes. Mais concrètement, au-delà des discours, qu’est-ce que nous mettons en oeuvre pour que nos actions et nos moyens (RH par exemple) soient cohérents avec ce qui précède ?

De l’air

Lettre ouverte à Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et Madame la Ministre de la Culture et de la Communication

Mesdames,

Comme tous les ans depuis ma propre réussite quelque peu hasardeuse au concours de conservateur des bibliothèques, j’ai attendu avec impatience ces derniers jours de découvrir les sujets des épreuves écrites de la dissertation du cru 2013. Comme tous les ans, j’ai constaté une fois de plus à quel point ces sujets* étaient totalement inadaptés, dans les recrutements qu’ils allaient induire, aux besoins des bibliothèques.

Il n’est en effet pas besoin d’être grand clerc pour constater que ce type de sujet ne laissera émerger que des profils strictement littéraires. Ce faisant, notre profession continuera à se priver à l’évidence de la diversité et de la richesse que pourraient lui apporter, par exemple, des lauréats possédant un bagage scientifique «dur», des juristes, des étudiants issus de parcours techniques ou informatiques ou encore d’écoles de gestion ou de management.

Cette endogamie programmée ne peut avoir que des conséquences désastreuses sur nos bibliothèques, en limitant de fait la nature des regards critiques qui se porteront sur les collections et leurs compositions (la plupart sinon la majorité des conservateurs des bibliothèques ont ainsi une méconnaissance totale du domaine scientifique «dur», pour ne prendre que cet exemple criant) et, plus grave, en participant à la constitution d’une «caste» de cadres historiens, philosophes et littéraires «purs» bien éloignés des réalités, difficultés et besoins qui définissent une bibliothèque au 21ème siècle.

Si le rapport de l’IGB (Inspection Générale des Bibliothèques) qui vous a été remis en ce mois de mars 2013 comporte certains éléments judicieux concernant le présent et le futur des bibliothèques (comme certaines inflexions à apporter sur la structure et la typologie des emplois du secteur), il omet totalement de préconiser la nécessaire refonte des concours de recrutement des conservateurs (et de leur formation initiale toujours par trop théorique, mais c’est un autre débat…) sans laquelle nos bibliothèques ne pourront que s’éloigner un peu plus du monde dans lequel elles sont censées évoluer. Le même rapport, en évoquant une élévation de la barrière d’entrée du niveau L3 actuel, au niveau M2, tend même à suggérer des changements qui aggraveraient in fine le phénomène ici dénoncé en hyperspécialisant encore, dans leur champ très restreint, les futurs cadres supérieurs des bibliothèques.

Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Madame la Ministre de la Culture et de la Communication, j’en appelle donc ici à votre intervention et vous demande instamment de peser de toutes vos forces afin qu’enfin, les nécessaires réformes arrivent, qui élargiront le recrutement des conservateurs des bibliothèques au-delà de la catégorie des forts en thème, et donneront à nos établissements les cadres qu’ils méritent, et l’air frais qui y manque.

Dans cette attente, bien respectueusement.

* Pour mémoire, lesdits sujets étaient, pour le concours externe : «La culture est la langue commune de l’Europe» F. Braudel – commentez ; pour le concours interne «Quel sens l’érudition peut-elle avoir aujourd’hui ?»

La fabuleuse histoire de Badaboum

J’ai effectué ce mardi 09 avril une courte intervention d’une heure trente à la demande de notre sainte mère l’Enssib à Lyon, dans le cadre d’un stage de formation professionelle continue intitulé “Piloter la valorisation des collections numériques en BU” (vaste programme).

Mon intervention portait sur l’expérience de prêt de livrels démarrée en 2008 à la BUA. Il s’agissait tout à la fois de rendre compte de cette opération, de voir comment elle avait évolué et quels enseignements on pouvait en tirer avec le recul (en résumé, un bilan plus que mitigé, du moins à mes yeux, du fait peut-être d’un démarrage à un moment où ces outils n’étaient encore que du domaine de la SF).

La bonne nouvelle, finale, est que de nouveaux projets pourraient émerger. Wait and see.

Pour le support, je vous laisse le découvrir ici.

Can you keep a secret ?

Lors de ma folle adolescence, j’ai beaucoup apprécié l’album The First Picture of You d’un groupe nommé The Lotus Eaters — je vous conseille cet album et en particulier, la chanson éponyme (voilà un mot qui fait sérieux).

Ledit album comportait également un titre intitulé Can you keep a secret ? Après bien des années de réflexion, je crois que la réponse à cette question est non (si vous ne lisez qu’une chose, lisez le compte-rendu que vous trouverez dans ce zip, cela concerne la toute récente rencontre entre nos assos pro et la BNF autour de cette histoire, et c’est assez édifiant si vous voulez mon avis).

PS : en fait, si, je sais très bien garder un secret, mais seulement quand c’est un secret personnel. Par exemple, je n’ai jamais révélé que le meurtrier de JFK était le colonel Moutarde, avec le chandelier, dans la bibliothèque (forcément) — parce que le colonel Moutarde, c’est moi.

Stop Whispering

(MàJ 10 février 2014 – cette idée n’a pas pris, et les tableaux que j’ai proposé étaient sans doute inadaptés puisque nous avons eu nous-mêmes des difficultés à les remplir, au point que nous ne les avons pas remplis… – on peut espérer que les licences nationales et la publication des coûts globaux régleront le problème ici évoqué)

Étienne Cavalié en a parlé, j’en ai parlé, tout le monde en parle, de ces chiffres qui constituent le plus grand secret du monde quand il ne s’agit que de la manière dont nous utilisons l’argent public.

Suivant la proposition d’Étienne, je suggère donc qu’on diffuse de manière centralisée les coûts de la documentation électronique, et qu’on le fasse collectivement, avec nos petits bras musclés.

J’ai posé sur Bibliopedia (merci à eux pour l’accueil, et à @symac pour son aide précieuse) une liste des éditeurs de documentation électronique (je suis parti de celle des fournisseurs de la BUA, vous compléterez à mesure, cette liste est forcément incomplète).

Chaque ligne de ce listing renvoie à un tableau dans lequel sont listées les structures susceptibles d’être abonnées à l’éditeur en question.

Le reste est trivial : vous appartenez à l’une de ces structures, vous allez sur les tableaux de vos éditeurs, vous remplissez le tableau pour les lignes et colonnes vous concernant  (c’est un wiki, c’est ouvert).

Si vous vous demandez si vous en avez le droit, pour info, la BUA diffuse ces chiffres depuis des années dans ses rapports d’activités, et personne n’a jamais bronché. Et puis encore une fois, il s’agit simplement de rendre visible des dépenses d’argent public.

Précision importante : certains collègues dont des négociateurs Couperin pensent que c’est une très très très mauvaise idée que de donner accès à ces données à nos fournisseurs, en ce que cette visibilité permettrait aux fournisseurs de durcir encore les négociations. Nous remplirons les lignes BUA dans les jours qui viennent,  à vous de voir quelle position vous adoptez pour votre structure.

PS :  en cas de création d’une nouvelle page éditeur, merci de rester sur le même template que l’existant, il suffit de le copier dans votre nouvelle page bibliopedia depuis l’une des pages déjà existantes ou de le récupérer ici ;

PS2 : Stop whispering est un titre de Radiohead

La vache à lait est molle du genou

De nouvelles négociations s’annonçant, les premiers éléments concernant les prochains modèles économiques Elsevier viennent de tomber dans nos boîtes mails et les “négociations” vont bientôt commencer (j’écris négociations entre guillemets parce que quel que soit l’engagement — conséquent — des collègues qui vont se coltiner le truc, il ne s’agit évidemment pas de négociations, mais d’un simulacre au cours duquel Elsevier va nous emmener exactement où prévu avant l’annonce de ce modèle qui, sans doute, par la disproportion des hausses annoncées, est déjà une part du simulacre — la bonne vieille technique du prix d’ancrage).

Évidemment, on va dans la foulée sortir les mouchoirs chez les bisounours et le choeur des pleureuses va entonner le couplet “Elesevier est trop méchant la doc électronique est trop chère on nous saigne blah blah blah”.

Eh bien vous savez quoi ? Je trouve que Elsevier est en fait trop gentil. À sa place, je saignerais bien plus que ça la vache à lait qui ne fait strictement rien pour sortir du piège où elle est tombée.

Je m’explique : il y a un moyen très simple de sortir de ce piège et de renverser le rapport de force et ce moyen est connu de tous, il s’agit des Archives Ouvertes. Et tout le monde le sait depuis des années chez les vaches à lait. Mais au lieu de faire ce qu’il faut, à savoir monter des archives ouvertes partout et mener des politiques volontaristes, on préfère discuter sans fin et ergoter sur des détails en peignant la girafe, le tout sans aucun courage politique (la dernière intervention de la ministre de service aux JEAO, annoncée comme ce moment tant attendu des masses qui allait révolutionner les AO en France, et qui s’est avéré être comme prévu un long moment d’enfonçage de portes ouvertes et de langue de bois totalement creuse, est à ce titre parfaitement exemplaire d’un fonctionnement généralisé qu’on retrouve à tous les niveaux).

Donc si j’étais Elsevier (mais je ne cite cette société que pour exemple, vous pouvez remplacer leur nom par n’importe quel nom des autres éditeurs “académiques” commerciaux), j’appliquerais à mes tarifs spéciaux vache à lait des augmentations bien plus importantes, et rien ne se passerait : après avoir essuyé ses larmes de crocodile, la vache à lait continuerait de sortir son chéquier, parce que la vache à lait n’a pas d’autres solutions, et que c’est bien fait pour elle.

PS : Monsieur Elsevier, je veux bien une comm’ sur l’argent que tu vas gagner en plus grâce à mes judicieux conseils.

Diverses considérations en vrac qui aboutiront à un billet long et bordélique mais pas si absurde que ça (ou pas)

Le titre étant assez clair sur la manière dont ce billet va être structuré, je commence de suite. Petite précision sur cette affaire : à cette heure, dimanche 27 janvier 2013, 10h56, silence assourdissant de la Bnf malgré les nombreuses réactions un peu partout y compris (ce qui me réjouit un peu) de la part de la plupart des assos professionnelles qui semblent enfin se réveiller d’un long coma intellectuel. Cela dit, la question du bisounoursfight reste entièrement posée parce qu’elle dépasse ce simple épisode.

Du bisounoursfight

#bisounoursfight est un hashtag apparu suite à ce billet appelant à la désobéissance bibliothéconomique au cas où. En résumé, le bisounoursfight est à mes yeux la réponse la plus ultime et cinglante que nous pourrions apporter aux vautours qui sont en train de privatiser un peu partout (on le verra plus bas) les biens communs, et cette réponse consisterait à récupérer et mettre en ligne librement et gratuitement les contenus privatisés dont il est question ici.

Techniquement, nous (les bibliothécaires) n’aurions pas vraiment de difficultés à réaliser cela : nous sommes au bon endroit pour ouvrir certaines vannes/portes dérobées ou utiliser certains outils proches de votre aspirateur domestique afin de récupérer tout ou partie des contenus (quand ils ne sont pas déjà dans nos locaux, sur des disques durs, du fait de l’achat d’archives) que les vautours se sont appropriés pour nous les revendre. Partant de là, il ne serait vraiment pas compliqué de rediffuser ces contenus qui nous appartiennent, à nous, nous tous.

De ce qui est juste

Techniquement (enfin, juridiquement) parlant, le coup de l’aspirateur ou celui de la porte dérobée dont je viens de parler serait illégal : les licences que nous (je parle des Bu) signons avec nos fournisseurs ne nous autorisent à diffuser les contenus acquis qu’au sein de notre communauté universitaire, soit les personnels et étudiants de notre structure.

Moralement et éthiquement parlant, il me semble par contre que ce serait juste. C’est une question qui vaut la peine d’être posée et que vous devriez vous poser. Pour ce qui me concerne, à titre personnel, j’ai ma réponse depuis longtemps.

De la prudence

En discutant avec plusieurs personnes sur mon idée d’engagement public pour des bibliothécaires à procéder si cela devenait nécessaire à des libérations de contenus, j’ai compris que je risquais de faire courir à ces collègues un risque important (les vautours blessés sont très méchants et n’hésitent devant rien).

Je pense à présent que la désobéissance bibliothéconomique, si elle doit se produire, doit se faire collectivement ET anonymement par simple prudence élémentaire — il y a déjà eu assez de dégâts irréparables.

Des malins

Je suis régulièrement épaté de la malignité des éditeurs scientifiques commerciaux qui ont réussi à mettre en place des workflows parfaitement rodés aboutissant à ce que des chercheurs produisent des contenus (articles) qu’ils remettent gratuitement (la majorité des auteurs d’articles scientifiques ne touchent pas un centime de droit d’auteur pour leur production) à des éditeurs qui les revendent très cher aux institutions qui financent lesdits chercheurs. Je trouve ça vraiment très fort.

Des AO

Les Archives ouvertes sont une réponse évidente aux malins et à leurs aspirateurs du savoir qui nous dépouillent des biens communs (oui, pour moi, l’article produit par un chercheur payé par de l’argent public est un bien commun, au même titre qu’un manuscrit du 17ème scanné) pour mieux nous les revendre.

Mais les Archives ouvertes ne prennent pas vraiment, et surtout pas en France, pour partie, à cause de notre inertie (comparativement, un certain nombre des interventions récemment visibles lors des journées Couperin sur les AO étaient à ce titre très parlantes, sans parler du discours ministériel indigent là où tout le monde prétendait que des annonces incroyables allaient êtres faites — mais passons), et par ailleurs, parce que le truc le plus fort est que les vautours ont réussi à nous faire intérioriser l’idée qu’il n’y a pas d’autres alternatives que le système des vautours – et ça, c’est très très fort.

Du système

Oui, je suis en train de glisser de la problématique des contenus du domaine public en passe d’être privatisés vers celle plus générale des contenus produits dans le cadre de la recherche scientifique et qui sont eux ‘siphonnés’ à la source puis commercialisés par les vautours.

Je glisse parce que je pense qu’il y a des similitudes :

  • tout ça est financé par de l’argent public, à tous les niveaux ;
  • tout cela rapporte de l’argent à des sociétés privées qui, sous couvert de diffusion de la science, n’ont plus que des visées de gains financiers ;

Surtout, comme je le disais hier (dans un autre cadre, à propos d’autres dérives, mais cela est valable ici aussi), ce “système fonctionne parce que nous le laissons fonctionner en le faisant fonctionner”

De la conclusion du jour

La conclusion est simple : il n’appartient qu’à nous, collectivement, autour des problématiques de difusion des biens communs issus de la recherche (articles) ou qui servent à la recherche (manuscrits par exemple), de changer les règles, par tous les moyens, en commençant évidemment par les moyens juridiques et politiques, mais aussi, s’il le faut finalement, par des actions alternatives concrètes (voir plus haut, l’idée de #bisounousfight)

Et ce nous, c’est toi.

PS : l’idée du coup de l’aspirateur ou de la porte dérobée marcherait aussi pour la partie vivante des contenus que les fournisseurs de documentation électronique privatisent de fait. Nous ne nous en apercevons pas, mais nous avons tous les éléments en main pour arrêter de nous faire tondre.

PS2 : il a déjà été question ou tenté dans les Bu de boycotter les fournisseurs qui nous escroquaient trop manifestement, en cessant les abonnements à leurs plate-formes. Évidemment, cela n’a jamais marché parce que cela suppose que l’on coupe les accès des chercheurs à la littérature scientifique dont ils ont besoin, ce qui n’est pas tenable. Par contre, si ces contenus ont été auparavant aspirés puis libérés, on peut couper les abonnements, les contenus sont toujours disponibles. Je me demande pourquoi personne n’évoque jamais cette piste.

Le jour où les bisounours mordront les vautours

<MàJ du 20 janvier, 20:12> La position des associations pro et acteurs concernés par cette histoire BNF est attendue avec impatience. Elle sera évidemment décisive, en particulier concernant la question de l’anonymat des “libérateurs” que j’évoque ici. Tout le monde attend. Soyez prudents. </MàJ>

Contexte #1

Un mouvement “souterrain” de privatisation des biens communs par des sociétés marchandes, mouvement dont une nouvelle manifestation vient de se produire avec la signature par la BNF d’un accord livrant une masse considérable de documents à des firmes privées très loin d’avoir des visées philanthropiques ;

Contexte #2
Le suicide d’Aaron Swartz, que je ne peux m’empêcher de lier au procès en cours contre lui à propos de l’affaire Jstor (même si évidemment, cela n’explique pas tout) ;

Conviction #1
Toutes les discussions du monde, les signatures de pétition, les tables rondes, n’arrêteront pas ces firmes ;

Conviction #2
Tant que les bibliothèques se comporteront comme des bisounours, les vautours les mangeront ;

Conviction #3
C’est le groupe qui fait la force (ou “on ne pourra pas amener tout le monde à mettre fin à ses jours” ou “tu ne peux pas arrêter les nuages avec un filet à papillons”)

Proposition
Il est temps pour nous de mettre en place une sorte d’équilibre de la terreur qui repose sur un principe simple : un certain nombre de bibliothécaires (nombre suffisant pour rendre toute poursuite trop compliquée/coûteuse) s’engage à libérer (i.e. diffuser sur le net, via torrent par exemple, ou tout autre moyen technique) tout document issu du domaine public qui aurait été privatisé et qui aurait été acquis par l’institution dans laquelle le bibliothécaire travaille ; et le cas échéant, ces bibliothécaires mettent cette menace à exécution collectivement.

Conséquence #1
Le marché devient de fait beaucoup moins intéressant pour ces firmes, qui savent qu’elles s’engagent sur un terrain miné sur lequel elles risquent d’avoir à se battre devant la justice, autour de questions sur lesquelles leur image sera ternie (et les vautours n’aiment pas ça, les vautours préfèrent passer pour de blanches colombes), et dans des procès qui finiront par leur coûter de l’argent, surtout s’il y a plusieurs “libérateurs” à poursuivre (les vautours n’aiment pas dépenser leur argent, les vautours sont des rapaces) ;

Conséquence #2
Le rapport de forces s’inverse, et on peut enfin arrêter de se faire allègrement plumer en pleurant en plus parce que les vautours sont vraiment trop trop méchants ;

Conséquence #3
On va un peu s’amuser, ça nous changera.

Cela vous plaît, comme idée, j’en suis certain. Non ?

Le home de l’écrivain

Billet en trois points – merci à ceux du fond de lâcher le radiateur et de suivre un peu.

1. Si on suit un peu ce qui se passe dans le milieu littéraire contemporain, on voit émerger des “nouvelles” pratiques d’écriture dans lesquelles l’atelier de l’auteur est en ligne, et ses manuscrits, écrits directement sur le web par le biais de sites dédiés : ici, le manuscrit, c’est le site de l’auteur, tout simplement.

Une des problématiques posées par ces pratiques émergentes est assez triviale, du côté auteur : c’est celle de l’hébergement du site-atelier, hébergement qui :

  • a un coût ;
  • suppose un minimum de compétences techniques ;
  • risque d’être mis à mal à la disparition de l’auteur (les hébergeurs ne sont pas des sociétés philanthropiques : quand vous cessez de payer l’hébergement, cet hébergement s’arrête, et les sites hébergés disparaissent, tout simplement).

2. La BUA recueille parmi ses fonds spécialisés des archives littéraires et parfois, dans ces fonds, des manuscrits (je pense à ceux de Bazin). Ces archives sont principalement des archives papier. Si on a bien lu le point 1., dans quelques années, nous (et les institutions qui recueillent des archives de même type) ne pourrons plus recueillir de manuscrits : il n’y en aura plus sous la forme papier qui prédominait jusque là.

3. Et alors ? Voilà l’idée.

Est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer que des Bu (et donc des Universités) mettent en place avec des écrivains des conventions d’hébergement et de dépôt. Cela fonctionnerait comme suit, après signature de la convention :

  • L’université met à disposition de l’écrivain un hébergement web et des outils web et une aide technique si nécessaire, le tout étant destiné à ce que l’écrivain soit débarrassé de toute contingence technique sur ses outils d’écriture web ;
  • l’écrivain utilise cet hébergement pour écrire et diffuser ses textes, avec autant que possible des outils de versionning qui permettent de suivre le chemin de l’écriture ;
  • quand l’auteur disparaît, le site et les productions qui y sont déposées restent en ligne ad vitam aeternam (au minimum) ;
  • bien évidemment, les textes déposés sur le site sont diffusés sous des licences type CC afin d’être lisibles gratuitement par le plus grand nombre ;
  • pour les versions de ces textes publiées via des éditeurs commerciaux, le modèle des ayant-droits (dont on peut espérer qu’il se réformera bientôt, mais c’est un autre débat) reste valide : ces derniers (l’auteur et donc ses ayants-droits) gardent leurs prérogatives.

On verrait ainsi émerger des “home” d’auteurs qui débarrasseraient ces derniers de tous les trucs ennuyeux en les assurant que leurs outils web soient pris en charge et leur survivent ; et que leurs textes continuent à être lus et diffusés ; le tout, via des institutions publiques et des conventions assurant que tout cela reste accessible à tous.

Je ne sais pas ce que vaut cette idée, mais elle me trotte dans la tête depuis pas mal de temps, alors autant m’en débarrasser ici pour qu’on en discute : les commentaires sont ouverts.

 

Cambouis

Je suis arrivé à la BUA en 2007 et assez vite, comme mes camarades locaux, j’ai commencé à être sollicité assez régulièrement pour des interventions autour de mon boulot, les bibliothèques, le futur, tout ça, tout ça.

Jeune et naïf et flatté des invitations, j’ai tout accepté et rapidement, (en plus d’être de moins en moins dans ma boutique à travailler, ce qui est tout de même le problème premier), je me suis épuisé à répéter souvent et un peu toujours le même discours constitué surtout de retours d’expériences BUA et de généralités qui semblaient intéresser beaucoup de monde mais n’étaient jamais suivies d’effets ou de réalisations concrètes :

  • soit que mon intervention s’insérait, à y bien réfléchir, dans une sorte de tourisme de formations et d’information qui est l’une de nos maladies professionnelles (réfléchissez une seconde au temps, à l’argent public, à l’énergie dépensés dans ces multiples journées d’études qui ne produisent strictement rien du tout) ;
  • soit que les gens présents, qui voulaient mettre en oeuvre de choses dont nous avions parlé, étaient ensuite bloqués par leur N+X ;

(à mon avis, c’était un peu des deux).

Lassé de parler dans le vide et de participer à ce tourisme qui me hérisse, j’ai donc fait depuis maintenant plusieurs gros mois un moratoire sur mes interventions extérieures, refusant tout pour me laisser le temps de souffler et de réfléchir à la manière dont je pouvais essayer quand même d’être cohérent avec ce que je pense par ailleurs de la nécessité que notre métier a de se réformer (concrètement, professionnellement s’entend) très rapidement.

Les demandes d’interventions continuant à arriver, j’ai terminé de réfléchir (hier matin, quelque chose comme ça) : je vais donc préciser le cadre dans lequel j’accepte éventuellement d’intervenir.

Donc, pour toutes les demandes à venir, ma réponse sera :

  • Éventuellement oui pour des interventions avec un noyau central sous forme de TD ou TP, sur des cas concrets, et donc oui pour du cambouis, des trucs mains dans la machine, du genre “on se colle sur des PC et on sue ensemble et on monte un site ou un blog ou on bidouille un epub” (exemple type de choses acceptées dans ce cadre, l’intervention à la Roche sur Yon récemment, et celle à venir, à Poitiers, en mars, qui sera un gros TD Drupal étalé sur plusieurs semaines) ;
  • Non (de manière certaine) pour des retours d’expériences et/ou interventions blah blah sur des thématiques du genre “les bibliothèques, le web et après”, “Réseaux sociaux VS bibliothéconomie blah blah”, “Les portails de bibliothèques peuvent-ils résoudre la faim dans le monde et rendre la vue aux aveugles”, etc (liste non exhaustive).

Voilà. C’est un peu rude, mais ça a le mérite d’être clair.