1945-1975 : la parenthèse keynésienne des « trente glorieuses » 5/8

Cinquième épisode de la série Le glorieux passé de l’austérité
Vers l’épisode 1

La seconde guerre mondiale et la dévastation qu’elle apporte marque la fin (provisoire) des politiques d’austérité. En Europe occidentale, au Japon et aux États-Unis, c’est la logique keynésienne qui prévaut : la finance est mise sous contrôle, les États mettent en œuvre des politiques sociales ambitieuses et le système monétaire international est entièrement refondé. Cette refondation est le produit d’une large réflexion qui donne lieu, en 1944, aux accords de Bretton Woods, auxquels John Maynard Keynes contribue largement.

L’architecture de Bretton Woods visait à concilier deux objectifs. Le premier, était d’éviter les guerres monétaires et commerciales, pratiques qui consistent à exporter les difficultés économiques d’un pays chez son voisin. Pendant la crise en effet, les pays européens n’avaient cessé de pratiquer des politiques économiques anti-coopératives en adoptant des stratégies outrancièrement protectionnistes : hausse des droits de douane, repli commercial sur l’espace colonial et dévaluations compétitives avaient favorisé la montée des nationalismes et, pensait-on, contribué au déclenchement de la guerre. Pour éviter cela, les négociateurs de Bretton Woods estimèrent que les pratiques commerciales et monétaires devaient être encadrées à travers des institutions économiques supranationales. La première de ces institutions, le Fonds Monétaire International (FMI) était chargée de garantir un système de parité fixe entre les pays signataires qui interdisait les dévaluations monétaires abusives. Une autre institution, l’Organisation Internationale du Commerce (OIC) était chargée d’organiser les pratiques commerciales des différents pays. L’OIC, prévue par la Charte de la Havane (1948), ne vit cependant jamais le jour, car le traité qui l’instituait ne fut pas ratifié par le Congrès américain 1. Enfin, une troisième institution, la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (qu’on connaît sous le nom de Banque mondiale) était chargée de financer et d’organiser l’aide à la reconstruction.

En plus d’éviter le retour des guerres commerciales, le second objectif des accords de Bretton Woods était de tirer les enseignements économiques de la crise et de prévenir tout retour des politiques de rigueur. L’un des principes du nouveau système monétaire international était d’éviter le dogmatisme monétaire qui servait surtout dans les faits à justifier les politiques d’austérité. Ainsi, le traité consacrait l’interdiction de la convertibilité des monnaies en or à l’exception du dollar. Et même si le FMI garantissait la parité des monnaies entre elles, le taux de conversion de ces monnaies pouvait être revu dans un cadre collectif. De même, dans sa charte fondatrice, l’OIC entendait subordonner les accords commerciaux aux impératifs sociaux et économiques. Enfin, la Banque mondiale entendait s’assurer que l’effort de reconstruction et d’investissements publics ne soit plus soumis aux impératifs du marché et puisse se faire dans le cadre d’une coopération transnationale.

Notes:

1 Dès lors, ce furent les accords du GATT (1947) qui s’imposèrent comme outil de régulation du commerce international jusqu’à la création de l’OMC en 1995. Ces accords avaient été conçus pour ne s’appliquer que de manière provisoire et étaient loin d’assurer les mêmes garanties en termes de développement social et économique que ce que prévoyait la Charte de la Havane.

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