Ce que peut la signalétique. Et ce qu’elle ne peut pas (former à la signalétique en bibliothèque, épisode 2)

(Pour lire l’épisode 1, c’est ici).

Former des professionnels aux enjeux de la signalétique en bibliothèque quand on n’est ni graphiste, ni architecte et que l’on a des goûts discutables : voilà l’enjeu. L’objectif est double : acquérir des compétences en analyse des espaces et des comportements d’orientation des usagers pour mettre en place ou rénover une signalétique en bibliothèque ; améliorer la signalétique des espaces intérieurs de la bibliothèque, sous forme de formation-action. Et la méthode tient en quatre axes, affinés au fil des années.

La première séquence s’appuie sur la méthode dite de l’audit de contenu. Le groupe, individuellement ou par binôme, passe au scanner tout ou partie d’un bâtiment recevant du public (hall de bibliothèque, hôpital, UFR…).

Comment ? Avec un carnet de note et un appareil photo, un smartphone ou une tablette. Le but est de répertorier de manière exhaustive tous les éléments de signalétique d’un espace, du “Tirez” de la porte d’entrée à l’interdiction de fumer des années 1990. Sans porter de jugement, à ce stade.

Ce matériau est tout d’abord exploité collectivement pour faire ressortir le périmètre d’une signalétique – ce qu’elle peut, et ce qu’elle ne peut pas. Car un projet de ce type implique nécessairement, en amont et/ou en parallèle, un travail sur les espaces et les services : rénover/repenser l’agencement des espaces ; améliorer/simplifier les services. Deux exemples à l’appui.

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Un premier, classique : celui de toilettes où une affichette défraîchie demande aux utilisatrices d’appuyer doucement sur la chasse d’eau, sous peine de la voir fuir. Un premier réflexe consiste à changer l’affichette, la plastifier pour éviter les éclats d’eau, etc. Un second, à réparer ladite chasse d’eau. Facile.

Plus sournois : trois photocopieurs dans l’espace dédié à ce service. Une chouette signalétique, pensée avec soin par moi-même, en lien avec un graphiste qui nous a proposé un schéma type “lavomatic”. Deux des copieurs sont en noir & blanc seulement, le troisième en couleur et en noir& blanc. Je vous la fais courte mais, pour lancer une impression, il faut se connecter sur un ordinateur placé juste à côté, relié au copieur. Donc pour une impression en couleur, il faut se connecter sur l’ordinateur relié au copieur couleur. Vous suivez ? Si c’est non, c’est normal, car le circuit d’impression est un chouïa complexe, les premières fois.

Oui mais voilà : il arrive très souvent qu’une étudiante lance une impression couleur et tente de la sortir sur un copieur N&B. Et non seulement ça ne marche pas mais, en plus, le document n’apparaît même pas en prévisualisation sur l’écran… Mon regard s’est tout d’abord tourné vers le type qui avait (mal) pensé la signalétique. Et bon sang, mais c’était bien sûr :

Signalétique de l'espace copieur, BU Belle Beille. BY NC SA @MxSz

Signalétique de l’espace copieur, BU Belle Beille. BY NC SA @MxSz

… un texte en noir et blanc annonçait de la couleur. Il fallait donc changer cette signalétique et parer le copieur couleur d’un (par exemple) dégradé arc-en-ciel pour faire comprendre aux usagères que c’était celui-là qu’il fallait utiliser.

Mais prendre le problème par le bon bout de la raison c’est, en méthode UX, aller voir comment font les usagères. Et ces dernières, confrontées à une procédure en 7 étapes et 6 clics, impliquant de s’identifier deux fois (login + mot de passe), loupent souvent la dernière phase – se rendre sur le “bon” copieur dans l’espace idoine.

Sur quoi peut-on agir ici ? Pas sur la procédure elle-même, le nombre de clics, la double identification, hélas : lors du prochain marché, peut-être. Mais au moins sur un élément tout simple. Plutôt que de changer l’étiquette, changeons les copieurs et mettons trois copieurs couleur qui font aussi du noir et blanc. Et du coup, supprimons une partie de la signalétique, qui devient inutile.

Cette première séquence vise donc à faire comprendre qu’une bonne signalétique, c’est d’abord une signalétique inexistante – car un bon service n’a pas besoin de cette béquille pour être utilisé par tout un chacun. Avant toute chose, donc, prendre conscience de la complexité de l’environnement que nous offrons au public – des bâtiments de plusieurs milliers de m², des dizaines ou des centaines de milliers de documents – et travaillons à les simplifier.