Nous l’avons vu, l’Union européenne encourage vivement les états membres à adopter des politiques publiques en faveur du libre accès aux publications scientifiques. Libre aux gouvernements de favoriser pour cela la voie dorée de la publication en open access ou la voie verte des archives ouvertes.
Le Royaume-Uni a opté cet été pour le “Gold OA” : suivant les recommandations du rapport Finch, Accessibility, sustainability, excellence: how to expand access to research publications, paru en juin 2012, le Research Councils (RCUK) a annoncé le 16 juillet dernier l’adoption d’une politique publique contraignant les chercheurs à non seulement diffuser en libre accès leurs travaux financés sur fonds publics, mais en imposant en plus que cette mise à disposition passe par l’édition en libre accès. Cette obligation entrera en vigueur le 1er avril 2013.
Si l’on ne peut que saluer l’engagement fort que représente l’adoption d’une politique publique pour l’Open access, le choix du “Gold OA” obligatoire, et la définition qui en est donnée dans le rapport Finch, sont plus contestables, pour plusieurs raisons.
D’abord, le groupe Finch réduit la publication en Open access au seul modèle auteur-payeur, méconnaissant la diversité des modes de financement [1]. Il suffit de “feuilleter” le DOAJ (Directory of Open Access Journals) pour s’apercevoir que ce modèle est même minoritaire [2], la plupart des éditeurs de revues en libre accès ne faisant pas supporter les frais directement aux auteurs. Le raccourci opéré s’explique partiellement par le fait que la publication dans des revues dites “hybrides” (dans lesquelles on peut choisir de publier gratuitement, et dans ce cas l’article ne sera accessible qu’aux abonnés de la revue, ou en open access sous réserve de financer l’article) est encouragée.
Ensuite, de fait, si la voie dorée est réduite aux publications à APC (Article Processing Charges), le surcoût qu’implique la mise en place d’une telle politique publique est considérable, et le groupe Finch ne s’y trompe pas, qui prévoit un budget de 50 à 60 millions de £ pour le financer.
Le Royaume-Uni apporte ainsi son soutien au libre accès tout en garantissant aux éditeurs le maintien, voire l’augmentation substantielle de leurs recettes, puisque le financement de la publication ne pourra pas s’accompagner dans le même temps d’une baisse proportionnelle des abonnements institutionnels. Certains s’inquiètent déjà des effets pervers et craignent à juste titre que ce type de politique ne fasse que renforcer la crise de l’édition scientifique : alors que les tarifs des abonnements qu’imposent les éditeurs aux universités sont devenus insupportables, la crainte que ce type de politique publique ne fasse qu’étrangler davantage la recherche publique est légitime.
[1] sur ce sujet, lire Gratuité ou libre accès? Poser les termes du débat, c’est déjà y répondre en partie écrit par Marin Dacos sur Blogo numericus
[2] le DOAJ indique pour chaque revue référencée une ligne “Frais de publication”, exemple ici avec la catégorie “Medicine (General)”.