Les articles non publiés ont-ils leur place dans une archive ouverte ?

La question fait débat. Dans HAL, il est possible de déposer un preprint non soumis (voire refusé) ; la pratique est même courante dans certaines disciplines où la publication est rare. Si l’on comprend le désir du chercheur de valoriser son travail, le fait que l’article, disponible en libre accès, n’ait fait l’objet d’aucune validation scientifique, pose problème. Bien sûr, le manuel de HAL stipule que tout document déposé “doit décrire un travail de recherche solide, conforme aux règles en usage dans la discipline, comparable aux manuscrits que les chercheurs soumettent pour publication aux comités de lecture de revues scientifiques, d’actes de colloque, etc” (cf. p.11), et l’on ne doute pas du sérieux de la grande majorité des déposants.

Cela étant, rien n’empêche une validation a posteriori d’un texte diffusé dans une archive ouverte. Dans la prochaine version de HAL, en ligne au printemps 2013, il sera ainsi possible de créer des épirevues : des chercheurs pourront se constituer en comité de lecture, sélectionner des textes diffusés sur HAL, et proposer aux auteurs de les publier.

Côté ORBi, archive de l’Université de Liège, seuls les documents acceptés peuvent être déposés : “[l]a référence devra être introduite dans ORBi dès acceptation de publication par l’éditeur ou dès que le document pourra être considéré comme abouti, dans le cas de communications orales par exemple. Les documents en cours de soumission à l’éditeur, mais pas encore acceptés, ne devront pas être introduits.”

Au cours de la présentation du projet faite au SONAS mercredi, Pascal Richomme évoquait la possibilité de charger dans l’archive de l’UA un document non encore publié, mais d’ores et déjà accepté par un éditeur, tel quel ou sous réserve de corrections mineures. Compte tenu du fait que les délais entre la soumission et la publication peuvent atteindre six mois, cette option a l’avantage de permettre une diffusion très rapide de l’article. Bien entendu, cela impliquerait pour le chercheur de modifier son dépôt une fois le papier publié.

Cette option pourra être discutée lors du prochain comité de pilotage, mardi 18 décembre, et proposée aux directeurs de laboratoire pour avis.

Du côté des Belges…

Nous avons déjà évoqué ici l’archive ouverte de l’Université de Liège, ORBi, en production depuis 2007, référençant les publications recherche parues depuis 2002. Il y a quelques jours, l’Université fêtait le millionième téléchargement ! Ce genre de statistiques devrait vous ôter tout doute sur la plus-value que représente la mise en ligne en texte intégral, dans une archive ouverte institutionnelle : diffuser sa production en libre accès, dans un dépôt bien référencé, c’est l’assurance d’être davantage lu (et cité).

Aujourd’hui, ORBi fait des petits et s’exporte : le Luxembourg vient de mettre en ligne ORBilu, et travaille actuellement au signalement des publications dans cette nouvelle archive.

À l’occasion de la récente semaine de l’Open Access, le pays a franchi une nouvelle étape : les grands acteurs de la recherche publique belge ont signé la Brussels Declaration on Open Access. C’est donc au tour de la Belgique de faire de l’Open Access la modalité de diffusion par défaut des publications financées sur fonds publics. Grande-Bretagne, Irlande, aujourd’hui Belgique… la France demain ?

Pour en savoir plus sur l’expérience liégeoise, de nombreuses ressources sont à votre disposition :

  • le blog de Bernard Rentier, recteur de l’ULg, qui fait preuve depuis plusieurs années d’un engagement total en faveur de l’Open access
  • sa récente présentation sur l’Open access à l’Université de Liège, à l’occasion de la semaine de l’Open access
  • bien entendu, les articles parus sur ORBi
  • également, cette série de vidéos interactives produites par l’ULg, pour tout savoir sur l’Open Access.

Le comité de pilotage du projet AO angevin envisage d’envoyer une mission de reconnaissance en territoire liégeois, ce qui ne manquera pas de faire l’objet de compte-rendus ici-même.

Signalons aussi, à titre d’information, même si cela dépasse notre périmètre, quelques-uns des nombreux sites de valorisation de l’ULg :

  • Réflexions, site de vulgarisation scientifique
  • le 15ème jour du mois, actualités de l’Université
  • TEDx ULg, pour les conférences éponymes organisées par l’Université
  • PoPuPS, portail de revues scientifiques disponibles en libre accès

Politiques publiques en faveur du libre accès – quelle voie privilégier ? (2)

Le 23 octobre dernier, l’Irlande a à son tour annoncé l’adoption d’une politique publique en faveur du libre accès aux publications scientifiques financées sur fonds publics. Mais à la différence du Royaume-Uni, il s’agit cette fois d’un mandat “Green OA”.

Cinq grands principes sont énoncés, qui devront être respectés à compter du 1er janvier 2013 :
1. toute production financée (même partiellement) par des fonds publics doit être déposée en archive ouverte
2. les métadonnées de la publication doivent être immédiatement accessibles, le texte intégral doit l’être au plus tard à la date de publication, dans le respect des contrats éditoriaux ; le cas échéant un embargo de 6 mois pour les sciences exactes, 12 mois pour les SHS, peut être mis en place
3. les chercheurs sont encouragés à publier en “Gold OA”, mais ce n’est pas une obligation, contrairement à la politique adoptée au Royaume-Uni
4. les chercheurs doivent déposer leurs publications dans des archives interopérables et permettant l’accès au texte intégral
5. les données brutes de la recherche doivent être également déposées et reliées aux publications, chaque fois que cela est possible.

Ce programme s’inscrit dans la droite ligne des récentes recommandation et communication de la Commission européenne et va même jusqu’à inclure la question de la mise à disposition des données brutes, qu’encourage également l’UE sans toutefois y contraindre les bénéficiaires de cofinancements européens.

Le projet d’archive recherche de l’Université d’Angers relève de la même inspiration que le mandat irlandais. À quand l’adoption d’une telle politique pour les universités françaises ?

Politiques publiques en faveur du libre accès – quelle voie privilégier ? (1)

Nous l’avons vu, l’Union européenne encourage vivement les états membres à adopter des politiques publiques en faveur du libre accès aux publications scientifiques. Libre aux gouvernements de favoriser pour cela la voie dorée de la publication en open access ou la voie verte des archives ouvertes.

Le Royaume-Uni a opté cet été pour le “Gold OA” : suivant les recommandations du rapport Finch, Accessibility, sustainability, excellence: how to expand access to research publications, paru en juin 2012, le Research Councils (RCUK) a annoncé le 16 juillet dernier l’adoption d’une politique publique contraignant les chercheurs à non seulement diffuser en libre accès leurs travaux financés sur fonds publics, mais en imposant en plus que cette mise à disposition passe par l’édition en libre accès. Cette obligation entrera en vigueur le 1er avril 2013.

Si l’on ne peut que saluer l’engagement fort que représente l’adoption d’une politique publique pour l’Open access, le choix du “Gold OA” obligatoire, et la définition qui en est donnée dans le rapport Finch, sont plus contestables, pour plusieurs raisons.

D’abord, le groupe Finch réduit la publication en Open access au seul modèle auteur-payeur, méconnaissant la diversité des modes de financement [1]. Il suffit de “feuilleter” le DOAJ (Directory of Open Access Journals) pour s’apercevoir que ce modèle est même minoritaire [2], la plupart des éditeurs de revues en libre accès ne faisant pas supporter les frais directement aux auteurs. Le raccourci opéré s’explique partiellement par le fait que la publication dans des revues dites “hybrides” (dans lesquelles on peut choisir de publier gratuitement, et dans ce cas l’article ne sera accessible qu’aux abonnés de la revue, ou en open access sous réserve de financer l’article) est encouragée.

Ensuite, de fait, si la voie dorée est réduite aux publications à APC (Article Processing Charges), le surcoût qu’implique la mise en place d’une telle politique publique est considérable, et le groupe Finch ne s’y trompe pas, qui prévoit un budget de 50 à 60 millions de £ pour le financer.

Le Royaume-Uni apporte ainsi son soutien au libre accès tout en garantissant aux éditeurs le maintien, voire l’augmentation substantielle de leurs recettes, puisque le financement de la publication ne pourra pas s’accompagner dans le même temps d’une baisse proportionnelle des abonnements institutionnels. Certains s’inquiètent déjà des effets pervers et craignent à juste titre que ce type de politique ne fasse que renforcer la crise de l’édition scientifique : alors que les tarifs des abonnements qu’imposent les éditeurs aux universités sont devenus insupportables, la crainte que ce type de politique publique ne fasse qu’étrangler davantage la recherche publique est légitime.

[1] sur ce sujet, lire Gratuité ou libre accès? Poser les termes du débat, c’est déjà y répondre en partie écrit par Marin Dacos sur Blogo numericus
[2] le DOAJ indique pour chaque revue référencée une ligne “Frais de publication”, exemple ici avec la catégorie “Medicine (General)”.

L’Union européenne engagée en faveur du libre accès

Le Septième programme-cadre, dit FP7, qui s’achève fin 2013, comprend depuis 2008 un projet pilote en faveur du libre accès aux résultats de la recherche, pour 20% de son budget global. Les domaines concernés sont l’énergie, l’environnement, la santé, les technologies de l’information et de la communication, les infrastructures électroniques de recherche et les SHS. Dans ce cadre, les cofinancements accordés par l’Union européenne s’accompagnent d’une obligation de mise à disposition des résultats en libre accès. Les chercheurs restent libres d’opter pour la voie qui leur convient le mieux, dorée, publication en open access, ou verte, dépôt en archive ouverte.

À partir de 2014, le programme Horizon 2020 prend la relève, et le pilote est généralisé : désormais, l’obligation de mise à disposition en libre accès concernera tout projet cofinancé par l’UE.

Le 17 juillet dernier, deux documents de la Commission européenne ont été mis en ligne, expliquant cet engagement en faveur de l’Open access : une recommandation “relative à l’accès aux informations scientifiques et à leur conservation”, et une communication, Pour un meilleur accès aux informations scientifiques : dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche.

La recommandation est l’occasion de prises de position fortes et sans ambiguïté. “les politiques de libre accès aux résultats de la recherche scientifique devraient s’appliquer à toutes les activités de recherche financées par des fonds publics” (p.3), et il est recommandé aux états membres de veiller “à ce que le système des carrières universitaires soutienne et récompense les chercheurs qui adhèrent à une culture de partage de leurs résultats de recherche, notamment en garantissant le libre accès à leurs publications et en élaborant, en encourageant et en utilisant de nouveaux modèles, critères et indicateurs alternatifs pour l’évaluation des carrières” (p.6).