Ce texte correspond au travail de préparation d’une interview vidéo accordée au Figaro.
Cela fait 20 ans aujourd’hui que nous avons abandonné les monnaies nationales pour l’euro. Pour aucun candidat à la présidentielle, il n’est question de revenir sur la monnaie unique. Les Français ne veulent plus en entendre parler ?
Les Français craignent surtout pour leur épargne et leur pouvoir d’achat. Changer de monnaie leur paraît sans doute comme un saut dans l’inconnu.
Le problème est surtout qu’il est impossible de négocier un retour au franc de manière apaisée. À l’échelle européenne, l’euro est une institution intouchable. D’après les traités, tous les pays membres de l’UE ont vocation à rejoindre l’euro. Quitter la monnaie unique n’est pas prévu par les traités, ce qui signifie que quitter l’euro signifie quitter l’Union Européenne.
La monnaie unique a-t-elle rempli ses fonctions : réduire les inégalités ?
La fonction première de la monnaie unique était de créer un grand marché financier européen en supprimant les cloisons monétaires entre les différentes économies. De ce point de vue, elle a réussi. L’unification monétaire permet au capital de circuler librement et sans aucune contrainte.
Cependant cela a aussi radicalisé la concurrence entre les pays. Chacun essaie d’attirer le capital, ses investissements industriels, au détriment de son voisin. Cette logique a accentué les différences entre l’Europe du Sud, périphérique et les pays du Nord qui disposent d’atout tirés de leur histoire et de leur géographie.
La libre circulation du capital a aussi profité à l’évasion fiscal et rend très difficile aux États de taxer les grandes entreprises.
L’euro devait maintenir les prix à des niveaux bas. A-t-elle tenu cette promesse ? Et l’inflation ?
Globalement, oui. La zone euro est une zone de très basse inflation par rapport aux États-Unis par exemple. Néanmoins, l’inflation n’est pas la même dans tous les pays et cela engendre des difficultés pour la BCE qui doit mener des politiques monétaires uniformes.
Pourquoi n’arrive-t-elle pas à concurrencer le dollar ?
La puissance d’une monnaie ne dépend que d’un paramètre économique. Elle est aussi liée à la puissance militaire et politique. Le dollar tire sa force de la force des États-Unis en tant qu’acteur global capable d’imposer l’usage de sa monnaie.
On reproche souvent à l’euro ses effets néfastes sur la croissance et les exportations françaises. Ces accusations sont-elles justes ?
Globalement, la zone euro est très compétitive et dégage un gigantesque excédent commercial. C’est justement dû à la concurrence très forte que se livrent entre eux les industriels dans le cadre du marché unique. Mais il faut bien comprendre que des excédents commerciaux ne sont possibles qu’en comprimant la consommation des ménages. Or, la France s’est toujours refusée à s’attaquer au pouvoir d’achat des ménages. D’où son déficit commercial qui est unique aujourd’hui au sein de la zone euro.
Je ne suis pas sûr néanmoins que la politique néo-mercantiliste de la zone euro soit un modèle à suivre pour le monde. De ce point de vue, les déficit commercial structure des États-Unis démontre que les excédents commerciaux ne sont pas nécessaires à la puissance et au dynamisme économique.
Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour améliorer l’euro ?
Beaucoup d’économistes estiment que l’euro est une monnaie incomplète et qu’il faudrait créer un budget commun de la zone euro afin de composer les déséquilibres qui se créent en son sein.
Je suis personnellement assez dubitatif vis-à-vis de cette solution.
D’une part, rien ne garantit que la création d’une Union de transfert serait suffisante pour limiter les ravages de l’hyper-concurrence économique et industrielle dans laquelle les pays les plus fragiles sont plongés.
D’autre part, il n’est pas du tout certain que les pays les plus riches et excédentaires acceptent à moyen et long terme de financer le niveau de vie des pays plus pauvres. On l’a vu en 2015 avec la Grèce. Créer une union monétaire sans union politique risque de renforcer les tensions politiques entre les pays européens.
Bonjour David,
Analyse toujours aussi bonne et objective.
J’espère que nous pourrons à la fête de l’humanité
Bruno
L Euro entraine une concurrence entre les entreprises mais aussi entre les administrations des Etats. Et la concurrence est un facteur d émulation. On compare comment sont gérés les systèmes de soin ou l education ou l administration publique. Certes ce n est pas abouti, mais c est essentiel.