Article paru dans la Tribune.
Le bitcoin est né dans une période de crise, après le krach de 2008. A l’époque, il se présentait comme une innovation radicale et entendait répondre à la défiance envers l’État et les banques. Il s’agissait, pour ses partisans, de promouvoir un système financier et monétaire alternatif et autonome, détaché des États, des banques, et qui ne reposerait pas sur des tiers de confiance. Cependant, force est de constater que le bitcoin tombe dans les mêmes travers que la finance classique. Le cours du bitcoin est procyclique, c’est-à-dire qu’il suit et amplifient les évolutions des marchés financiers traditionnels. Ainsi, contrairement à l’or ou au franc suisse, il ne s’agit pas d’une valeur refuge qui s’apprécierait en période de crise.
Alors que le bitcoin se présentait comme une technologie dont les échanges se font sans tiers de confiance, des plateformes comme FTX se sont imposées en tant qu’intermédiaires. À la chute de FTX, certains propriétaires de bitcoin se sont retrouvés dans l’impossibilité de retirer leur portefeuille de bitcoins. Ces épargnants ont été entraînés dans la chute de FTX, soulignant l’échec d’un bitcoin qui pourrait être protecteur du grand public et dont la valeur et la liquidité seraient garanties en toute occasion.
Une perte de confiance
L’autre problème du bitcoin, qui sape son image auprès du grand public, c’est que son fonctionnement consomme énormément d’électricité. En effet, chaque transaction doit être validée par une preuve de travail qui implique de nombreux calculs de la part de centres de « minage » dont la consommation d’électricité annuelle totale est supérieure à 130 TWh, soit la consommation d’un pays tel que l’Argentine. Cette consommation d’énergie pose des problèmes aux pays qui accueillent ces centres tels que le Kazakhstan. Plus largement, l’usage du bitcoin s’avère très polluant. C’est en raison de cette image de monnaie destructive de la planète qu’Elon Musk, plutôt favorable aux crypto-monnaies, dut renoncer à accepter le paiement en bitcoin pour les véhicules Tesla.
De manière générale, le bitcoin génère peu de confiance. En réalité, on ne peut pas vraiment dire qu’il s’agisse d’une monnaie. Il n’en, de fait, aucune des caractéristiques. Il n’a pas de cours légal, sa liquidité est faible et, la plupart du temps, il ne sert pratiquement jamais à acheter quoi que ce soit. En réalité on devrait plutôt parler de crypto-actif. Mais il s’agit d’un actif particulier car, contrairement à une action ou une obligation, il ne génère aucun revenu. Si les gens détiennent des bitcoins, c’est uniquement pour des raisons spéculatives, parce qu’ils espèrent dégager une plus-value en le revendant plus tard, avec l’espoir que son cours augmente.
Le bitcoin a atteint ses limites d’expansion
Pour comprendre la nature spéculative du bitcoin, il faut regarder comment il a progressivement élargi sa communauté d’adoption. À l’origine, le bitcoin était un instrument marginal issu des communautés libertariennes qui souhaitent depuis longtemps introduire des monnaies « libres », détachées des États et de la dette. Puis, il s’est imposé dans des communautés « hacker » en raison de sa technologie spécifique, la blockchain. De là, il a ensuite touché les geeks, les cadres supérieurs adeptes d’innovation, puis le grand public, notamment au moment de la crise Covid de 2020. Mais ces derniers amateurs de bitcoin, très sensibles aux scandales récents, risquent de s’en détourner définitivement.
Au-delà de la crise de confiance épisodique de FTX, le bitcoin semble avoir atteint ses limites d’expansion. Il n’y a plus assez d’épargne fraîche pour l’alimenter, telle une pyramide de Ponzi qui s’écroule quand l’argent frais cesse d’affluer. Néanmoins, le noyau dur de partisans du bitcoin, souvent animés par une vision politique et par une croyance inébranlable en l’avenir de ce type d’instruments, va sans doute demeurer. Pour nombre de ses utilisateurs, l’effondrement récent du cours du bitcoin ne serait qu’une étape normale de consolidation. Ainsi, beaucoup d’entre eux estiment que le moment est opportun pour en racheter. On peut cependant douter qu’ils soient suffisamment nombreux et qu’ils détiennent suffisamment d’épargne pour permettre au bitcoin de retrouver le cours atteint en 2021.
Période complexe depuis fin 2021 pour l’économie des cryptomonnaies. L’halving en avril 2024 est attendu par de nombreuses personnes comme un moyen de relancer le marché, (mais dans quel but ? juste de la spéculation ?)
Ayant travaillé pendant un an dans le marché des cryptos en 2021-2022, les tendances étaient plutôt pessimistes quant à la vision générale du marché, ainsi que l’intérêt même d’une monnaie numérique, qui avait perdu son mantra initial.
Je trouve au contraire que la dépense énergétique du bitcoin est un gage de sécurité et de protection très rassurant, beaucoup plus que les promesses des états endettés, ce qui peut être explique la demande croissante pour le bitcoin