Prototype d’aménagement “comme à la maison” à la BU d’Angers

Cet article a été rédigé par Roman Spilotros, stagiaire DCB26 à la BU d’Angers de septembre à décembre 2017.

Présentation du projet

Les deux groupes de travail que j’ai animés ont été chargés de prototyper pour chaque site un espace confortable où les étudiants pourraient se sentir comme chez eux. L’enjeu majeur de ce projet était d’anticiper les usages de ces espaces et, une fois que ceux-ci seraient mis en place, de voir comment les usagers se les approprieraient.

A Saint-Serge, le groupe de volontaires comptait Sonia C., Céline C., Nicole H. et Pascale L.
A Belle-Beille, le groupe comportait Florent C., Katia F., Valérie F., Nolwenn G. et Véronique T.

Méthodologie

Pour conduire les deux projets d’aménagement « comme à la maison », nous avons adopté une méthode de travail qui associe recherches individuelles, entretiens avec les étudiants et réflexions collectives.

Faites sur le mode du benchmarking, les recherches individuelles avaient pour intention de trouver exemples et contre-exemples provenant du monde des bibliothèques ainsi que d’autres types de lieux a priori confortables (maisons, restaurants, cafés, bars, hôtels…) et de repérer des meubles conformes à un certain nombre de critères (prix, solidité, entretien, utilité, esthétique, empreinte écologique). Nous avons eu recours à plusieurs sources d’informations : Pinterest, Twitter, sites internet de bibliothèques, sites internet de magazines de décoration comme AD, Ideat ou Elle Décoration, sites internet de grandes enseignes comme Ikea[1]… Qui plus est, je me suis documenté sur l’histoire de l’aménagement intérieur des bibliothèques comme sur l’histoire de l’agencement des intérieurs privés, dans le but de remployer certaines idées.

Concernant les entretiens avec les étudiants, ils ont permis d’interroger leur vision d’un espace confortable ainsi que leurs attentes. Ils ont généralement été conduits en binôme. Cette configuration était intéressante à plus d’un titre :
– d’un point de vue pratique d’une part, puisque pendant que l’un prenait des notes, l’autre pouvait rebondir plus aisément sur tel propos de l’enquêté ;
– d’un point de vue stratégique d’autre part, puisque cela aura a priori permis de sensibiliser plusieurs membres du personnel à l’intérêt des entretiens semi-directifs, et notamment à l’importance de laisser parler les étudiants en intervenant le moins possible.

Les entretiens étaient ensuite retranscrits, et envoyés sous cette forme par courriel aux membres des deux groupes. Ils ont entre autres révélé que le confort était pour beaucoup synonyme de chaleur, de calme, d’espace, d’assises rembourrées, de lumière naturelle, de prises électriques, de plantes vertes, de plaids, de coussins, de tapis, de musique ou encore de couleurs. Nombre d’étudiants ont en outre signifié qu’ils auraient aimé disposer de fauteuils et de canapés, que ce soit pour se reposer, travailler ou faire des pauses à plusieurs. Certains enquêtés ont aussi déclaré que l’aspect visuel d’un lieu contribuait beaucoup au confort, et qu’il aurait fallu décorer les deux bibliothèques, pour l’heure très fonctionnelles mais peu attractives, pour qu’on s’y sente mieux. Bien d’autres requêtes ou suggestions ont été faites : conception de niches individuelles permettant de se reposer et de s’isoler ; possibilité de se restaurer au sein d’une zone ; installation d’une machine à café ; création d’un espace de cotravail…

De même que les recherches individuelles, ces entretiens ont permis d’alimenter nos réunions. Celles-ci duraient en moyenne une heure, et avaient lieu une fois par semaine pour chacun des groupes. Nous avons tenu certaines de ces réunions au sein même des espaces devant accueillir les deux prototypes d’aménagement, de manière à confronter directement la réalité de ces lieux aux suggestions des étudiants ainsi qu’à nos idées.

[Ajout du 5/4/2018 | Sécurité en ERP]

La question sur le mobilier qu’on a le droit ou non d’acheter pour se conformer au règlement incendie dans des établissements recevant du public revient régulièrement de la part de nos collègues d’autres établissements.

En dehors d’un premier équipement pour lequel il vaut mieux faire plus que moins, le règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) indique clairement dans les articles AM15 et AM16, Chapitre 3, section 4,  que “Le gros mobilier, l’agencement principal, les stands et les aménagements de planchers légers en superstructures, situés dans les locaux et les dégagements, doivent être en matériaux de catégorie M 3. Ces dispositions ne concernent pas le mobilier courant, pour lequel aucune exigence n’est imposée. Le gros mobilier qui comprend les caisses, bars, comptoirs, vestiaires, etc., et l’agencement principal qui comprend les écrans séparatifs de boxes, rayonnages, bibliothèques, étagères, présentoirs verticaux, casiers, estrades, etc., doivent occuper des emplacements tels qu’ils ne puissent gêner ou rétrécir les chemins de circulation.Ils doivent être éventuellement fixés au sol ou aux parois de façon suffisamment rigide pour qu’une poussée de la foule ne puisse les déplacer.”

Rien dans la section pour les ERP de type S (Bibliothèques) ne sur-contraint par rapport au règlement général. L’ameublement français diffuse en ligne une fiche synthétique claire (plus facile à lire que le règlement sur Légifrance !) des contraintes et latitudes d’actions  en matière de mobilier dans les ERP. Aucune exigence n’est imposée dans la réglementation pour quelques fauteuils, méridiennes, canapés dans une zone a priori non fumeur et “habitée”.

Scénarios mis au point par les groupes

Après plusieurs moutures, les deux prototypes ont fini par être esquissés sous la forme suivante :

– A Saint-Serge, le groupe a envisagé de créer un espace doté d’assises confortables et de tables basses. Nous avons prévu d’installer cet espace au sein du carré presse car les usagers avaient déjà pour habitude de s’y reposer, d’y faire leurs pauses, d’y discuter à voix basse, d’y réviser ou d’y travailler sur ordinateur. Plutôt que de modifier cette palette d’usages, nous avons pensé qu’il suffirait d’augmenter le confort de ce lieu, de lui donner un caractère domestique et de le personnaliser pour obtenir la dimension « comme à la maison ». Ce coin presse a du reste l’avantage de disposer de grandes baies vitrées donnant sur la Maine et offrant une belle luminosité. Il présente toutefois l’inconvénient d’être assez froid l’hiver, et assez chaud l’été. Aussi avons-nous aimé l’idée de mettre à disposition des usagers des plaids qui seraient régulièrement lavés et stockés dans une caisse (une « malle aux plaids »). On pourrait éventuellement installer des ventilateurs l’été, ou prêter des éventails. Quant à la décoration, plusieurs idées ont été évoqués : posters, affiches, horloges affichant différents fuseaux horaires… Enfin, pour faire de cet espace comme à la maison une sorte de niche abritée par le coin presse, nous avons pensé à disposer différemment les quatre modules du meuble à périodiques : ces quatre modules pourraient ainsi être utilisés comme des séparateurs d’espace, à l’instar d’un paravent.

– A Belle-Beille, le groupe a décidé de transformer en zone confortable l’espace DVD, jusqu’alors uniquement occupé par des bacs et peu investi par les étudiants. Pour vider cet espace, nous avons décidé de répartir les DVD documentaires par discipline au sein des différentes salles de la bibliothèque. Quant aux DVD fictions, nous n’avons pas souhaité les déplacer : nous avons choisi de remployer d’anciennes étagères sur un pan de mur de sept mètres de long afin de les y placer. Dans l’idéal, l’espace ainsi gagné doit permettre de créer plusieurs îlots, séparés les uns des autres par des plantes et des paravents en feutre antibruit, et offrant chacun une ambiance différente. Le groupe aimerait aussi que les murs soient peints, le sol revêtu de tapis ou de jonc de mer. Concernant les meubles Emmaüs, l’idée était de jouer la carte de l’éclectisme et de faire cohabiter des styles divers pour que chacun puisse y trouver son compte. Surtout, il s’agissait de proposer plusieurs types d’assises pouvant répondre à des besoins différents (travail sur ordinateur, lecture de livres, repos voire sieste, discussion de groupe…) Le groupe aurait toutefois aimé compléter ce mobilier par quelques achats chez Ikéa.

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Observations faites à la suite de l’installation des meubles Emmaüs à Belle-Beille

Fin novembre, nous avons récupéré les canapés, fauteuils et tables basses réservés chez Emmaüs. Comme le garage de la BUA était plein, nous les avons temporairement répartis dans les différents espaces du rez-de-chaussée. Les séances d’observation ainsi que les entretiens menés dans les jours qui ont suivi ont montré que les étudiants qui utilisaient ces meubles les appréciaient beaucoup.

La semaine suivante, nous avons muni les DVD documentaires de nouvelles étiquettes et, après avoir modifié leur localisation dans Aleph, les avons répartis entre les différentes salles de la bibliothèque. Ensuite, nous avons monté les étagères pour y placer tous les DVD fictions.

Une fois ce chantier mené à bien, nous avons installé les sièges confortables au sein de l’espace, le lundi 11 décembre. Les séances d’observation que nous avons menées pendant ma dernière semaine de stage ont révélé que ce prototype n’occasionnait pas de bruit à proprement parler, et que les usages réels correspondaient à ceux que nous avions imaginés : les étudiants utilisent en effet cet espace pour réviser, faire des fiches, se reposer, dormir, jouer sur leur téléphone, lire, travailler sur ordinateur, chercher des dvd, faire des pauses à plusieurs, s’isoler, discuter ou passer des appels téléphoniques à voix basse, travailler en petit groupe…

Des points en suspens

Plusieurs points restent à éclaircir et à trancher :

– Laisse-t-on les étudiants mettre leurs chaussures sur les canapés et méridiennes ? Si non, comment les sensibiliser ? Par l’installation d’un meuble à chaussures ? Par une signalétique appropriée ? Par affichage d’un « règlement intérieur » de l’espace expliquant le concept du « comme à la maison » et invitant les étudiants à prendre soin des meubles comme si c’étaient les leurs ?

– Laisse-t-on les étudiants déplacer les meubles, au risque de voir un fauteuil barrer une issue de secours ? Si non, faut-il faire des rondes pour veiller à ce que la disposition reste telle qu’elle est actuellement ? Ou faut-il penser une signalétique appropriée ?

– Que faire si les étudiants laissent des détritus sur les tables basses, comme cela est déjà arrivé une fois ? Faut-il penser à mettre à leur disposition des balayettes comme dans les carrés de Saint-Serge ?

– Concernant la cohabitation entre l’espace « comme à la maison » et la Galerie 5, quelle séparation prévoir ? Le groupe voudrait des paravents en feutre gris de chez Ikéa à 49 euros pièce, qui ont l’avantage d’être antibruit et d’être assez design. La responsable des galeries Lucie P. souhaiterait une cloison blanche, pour pouvoir éventuellement exposer une œuvre sur la face côté galerie. Cette solution serait mal accueillie par certains membres du personnel, qui considèrent que ce type de séparation haute va occulter la vue que l’on a actuellement de l’espace. Quant à Lucie P., elle souhaite que l’espace “comme à la maison” ne soit pas pris pour une installation par les étudiants. Quid d’éventuels affiches ou posters d’artiste, que le groupe aurait voulu mettre sur le mur le long de l’escalier ?


[1] Nous nous sommes notamment appuyés sur une enquête commanditée par Ikea au sujet de la vie à la maison. Le rapport de cette enquête évoque plusieurs sujets que nous avons par ailleurs retrouvés lors des entretiens avec les étudiants : l’importance des objets et des sensations (vue, toucher, odorat, ouïe, goût) ; le fait que certaines personnes se sentent davantage chez eux à l’école ou au travail ; les sentiments et valeurs associées à la maison ; le besoin de partager et d’échanger ; la volonté d’avoir un espace à soi ; la recherche d’un équilibre entre connexion et déconnexion… Voir notamment http://lifeathome.ikea.com/explore/ et http://lifeathome.ikea.com/home/en/beating-battles.html