Monsieur Patate, Bibliothécaire

Je pose ici ma présentation de ce vendredi 30 novembre matin auprès de la licence Pro UA Traitement et gestion des archives et des bibliothèques.

La commande initiale était “La bibliothèque sur Internet”, mais je vais essayer d’élargir le propos autour de deux idées qui font pivot, soit la bibliothèque continuum, pour éviter la posture classique bibtradi vs bibnum ; et le bibliothécaire comme Monsieur Patate, professionnel aux nécessaires multiples facettes/compétences qui peuvent changer facilement.

Évidemment, en filigrane, il y a l’idée que Monsieur Patate ne peut pas/plus faire l’économie du technique/numérique, quel que soit son niveau d’intervention/hiérarchique — on peut rêver.

Mon généraliste n’est pas un spécialiste

Un billet récent parlant en fait de tout autre chose a vu émerger dans ses commentaires une des questions qui me tiennent à coeur, celle de savoir si les négociations Couperin doivent être menées par des volontaires de la profession (dont je salue ici l’engagement), ou par des négociateurs extérieurs spécialisés, recrutés seulement pour cela.

Cette problématique, en fait, croise la problématique plus large de notre (non)professionnalisation dans les domaines qui ne sont pas traditionnellement au coeur notre métier. En l’espèce, il me semble que nous avons collectivement tendance à penser que, parce que nous sommes des généralistes, nous saurons ou savons remplir toutes les fonctions, y compris les plus spécialisées.

Et il me semble que c’est une grave erreur dont on constate les effets, donc, sans doute sur les négociations commerciales dont il est question plus haut (je reste persuadé que les éditeurs nous baladent un peu comme ils le veulent), mais aussi, par exemple :

  • quand nous nous piquons de monter des supports de comm’ visuelle dont, très souvent, le principal effet est de faire saigner les yeux de ceux qui les regardent (la comm’, c’est un métier, il y a des écoles pour ça) ;
  • quand nous nous engageons en toute bonne foi dans des dossiers du type “portail” de bibliothèques et autres outils informatiques “très techniques” avec comme bagage le seul léger vernis acquis au cours de notre formation (l’informatique, c’est un métier, il y a des écoles pour ça) ;

avec pour effets, si je reprends les deux exemples ci-dessus :

  • de nous faire perdre toute crédibilité auprès de nos usagers et d’obtenir, au mieux, un effet de confortation dans l’image ringarde que nous avons encore souvent ; au pire, un magnifique effet repoussoir ;
  • de nous retrouver avec des usines (informatique) à gaz que nous ne maîtrisons pas, qui ne fonctionnent pas, ne rendent pas les services attendus, et ont coûté à la collectivité des sommes avec plusieurs zéros quand des outils plus performants et beaucoup moins chers existent (en l’espèce d’ailleurs, je constate souvent que le fait de savoir à peu près de quoi on parle dans ce domaine évite que l’on me raconte et vende n’importe quoi sous couvert d’un discours technique totalement bidon mais indécelable par un cons’ généraliste) ;

De fait, je pense que dès que nous sortons de notre coeur de métier (i.e. la documentation, sa gestion et sa mise à disposition) et quelle que soit notre entrain à nous attaquer à ces questions de spécialistes, nous prenons le risque certain de mal faire (sauf très rares exceptions qui ne constitueront jamais la règle).

En résumé, le fait de savoir sous quelle cote sont rangés les manuels de commerce ou de comm’ ou d’informatique ne fait pas de nous des commerciaux ou des communicants ou des informaticiens, mais montre simplement que nous savons où est la documentation — c’est tout et c’est ça notre métier.

Et l’une des conséquences logiques des constats de ce billet est que notre formation initiale ne doit plus être une formation de généralistes comme elle continue à l’être, mais une formation de vrais spécialistes à l’issue de laquelle on trouvera enfin sur le terrain des (bib)managers, des (bib)communicants,  des (bib)négociateurs, des (bib)informaticiens, etc.

Sans cette logique de spécialisation qui participe de notre professionnalisation collective encore très largement à faire, nous continuerons à être ce que nous sommes : de très bons élèves, emplis de bonne volonté et de courage, et qui sont surtout des proies faciles.

De quoi ça a l’ERE ?

(MàJ du 21 novembre 2012)

Suite aux échanges dans les commentaires, j’ai donc trouvé les résultats ERE sur le site Couperin – bref. On a retrouvé les résultats mais il y a quand même un souci de disons… communication : rien sur la page officielle, rien nulle part, et aucun collègue Doc-élec dans mon environnement ne semblait savoir ce que devenaient et où étaient ces résultats d’une enquête nationale, donc.

(/MàJ du 21 novembre 2012)

L’enquête annuelle ERE vient d’arriver dans nos boîtes aux lettres électroniques. Pour ceux et celles qui ont la chance de l’ignorer, ERE est l’Enquête sur les ressources électroniques acquises par les S.C.D., S.I.C.D. et bibliothèques d’établissements d’enseignement supérieur et participe de ce qui est censé être la boîte à outils de pilotage des SCD au niveau du ministère.

J’ai un problème général avec les enquêtes, et j’ai un très gros problème personnel avec ERE, pour deux raisons :

  •  La dernière publication des résultats et analyses de cette enquête date de… 2004 (sans rire — et encore, vous n’avez pas ouvert le fichier en question, qui laisse rêveur) ;
  • les formulaires de recueil d’ERE me semblent totalement inadaptés à ce qu’est la doc élec en 2012 (en fait, j’ai à chaque fois l’impression que le formulaire n’a pas bougé depuis des siècles ou quelque chose comme ça, et qu’on dénombre des choux avec un outil fait pour compter des bananes).

Ma première réaction que je reçois l’appel à remplir ERE est tous les ans de me mettre à hurler et de demander à genoux à mes N+1 que nous cessions enfin (dans un salutaire élan de désobéissance civique) de remplir cette enquête qui occupe pas mal de monde au niveau national et semble n’avoir aucun sens, en tous les cas vu du côté de ceux qui la remplissent (ce sentiment, si j’en crois les gens que je croise IRL ou que je followe sur Twitter, est largement partagé).

Et puis, cette année, comme je vieillis et que je me bonifie (hum…), je me suis dit qu’il fallait que je devienne constructif.

Donc, je demande très simplement et publiquement aux personnes et à la structure qui gèrent l’enquête ERE :

  • en priorité, que les données recueillies depuis 2004 soient enfin mises en ligne, y compris sous forme de données brutes si personne n’a le temps ou l’envie ou la mission de les traiter (ERE étant une enquête web, il y a forcément une base de données derrière : il suffit de faire un export sql de la base et de mettre cet export à disposition, on se débrouillera avec ensuite – un export sql, ça prend 10 minutes) ;
  • éventuellement, que les formulaires soient actualisés pour qu’en ouvrant ERE, ce sentiment d’être en 1980, d’avoir une moustache et de porter un sous-pull orange, cesse (j’ai toujours détesté porter ce type de fringues).

Par ailleurs, comme je doute que l’audience de RJ45 dépasse mon village, si vous pouvez pousser cette supplique à qui de droit là-haut, et/ou la diffuser et/ou l’appuyer où que vous soyez, faites-le, qu’on sorte tous du ridicule.

PS : oui, l’ESGBU est un peu du même tonneau et je n’en pense pas moins, mais à chaque jour suffit sa peine.

Service public

Petit billet autour du service public (entendu au sens bibliothécaire, i.e. une plage de présence en salle pour renseigner nos usagers) et de ses rapports avec la bibliothèque dans sa manifestation numérique.

Résumons : le Décalogue contient une onzième loi non écrite, mais qui régit les bibliothèques. Cette loi est simple : “Tout le monde doit faire du service public”.

Je ne vais pas interroger cette loi ici aujourd’hui (j’ai quand même de grosses interrogations sur le “Tout le monde” : je pense qu’il serait bien préférable, pour X raisons, d’avoir des gens formés/spécialisés à l’accueil et au service public et d’autres en backoffice occupés à d’autres tâches tout aussi importantes, que de pousser absolument en front office des professionnels qui, pour certain/e/s, sont infiniment plus à l’aise/nécessaires ailleurs — bref) mais je souhaite témoigner comme bibliothécaire numérique.

Je n’apparais pas (plus) sur les plannings de service public de la BUA (certaines de mes collègues Bibnum, si : elles cumulent donc avec ce qui suit). Et pourtant, je fais du service public. En réel quand  je dépanne physiquement telle ou telle machine d’étudiant.e qui bloque. À distance et en “virtuel” (ce terme me fait bien rire) et hors des horaires d’ouverture de la bibliothèque physique (non, le web ne s’arrête pas après 22h30, non plus le dimanche, non plus pendant les vacances — en fait, scoop, le web ne s’arrête jamais et nos usagers non plus).

Problèmes (qui sont autant de questions) :

  • Comment rendre ce service public “virtuel” apparent aux yeux des collègues qui pourraient se demander pourquoi diable je ne fais pas de service public, grosse feignasse de cadre que je suis ? (là, nous sommes dans le symbolique) ;
  • Comment intégrer ce service public “virtuel” au temps de travail (ben oui, des fois, quand tu règles un souci à 23h00 un dimanche, tu te dis que quand même, quand même, quoi) ?
  • Comment en répartir la charge (l’été, les WE, quand je suis au Pôle Nord, etc) ?
  • Bonus :  si la onzième loi dit que “Tout le monde doit faire du service public” alors mon esprit retors pense immédiatement à rajouter “y compris virtuel” à cette loi et là, je crois qu’on a un problème, Houston…

Question complémentaire aux collègues bibnum des autres Bu : c’est géré comment chez vous tout ça ?

La provocation Drupal

Oui, c’est un peu faire de la provoc aux machines, que de parler de Drupal sur une plate-forme WordPress… Mais bon, c’est encore les humains qui commandent, donc..

Pourquoi est-ce que je suis tous les jours bluffé par Drupal ? Par qu’il est d’une modularité incroyable, d’une part ; et parce que ses modules et Views en particulier lui donnent une puissance sidérante une fois qu’on commence à comprendre comment ça marche (pour ce qui me concerne, mes neurones ont versé des larmes de sang les premiers mois pour saisir Views, mais ça va mieux — aujourd’hui, par exemple, je n’ai même pas pleuré en travaillant sur l’un des outils en cours de construction interne).

Certes, WordPress marche ‘out of the box’ quand Drupal demande d’installer une brassée de modules pour simplement proposer une interface de rédaction backoffice en WYSIWYG — mais pour monter un site comme celui de la BUA (comme d’autres que je ne peux pas vous montrer pour l’instant), et pour le faire évoluer, c’est Drupal qu’il vous faut, parce que vous pourrez faire quasiment ce que vous voulez, la seule limite étant, comme souvent, entre la chaise et l’écran.

Donc en résumé : pour un blog ou une plateforme de blogs, WordPress, sans hésiter ; pour un site web, Drupal, sans hésiter non plus — et le bougre fait tourner quelques sites qui doivent accueillir un peu de monde quand même…

(non, ce petit billet n’est pas destiné à initier un long débat trollesque entre pro WordPress et pro Drupal — pour Spip, euh, joker — mais plutôt à introduire la thématique sur RJ45)