Contribution du Conseil supérieur de l’adoption (CSA) sur les conséquences sur l’adoption du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

Consulté le 23 octobre 2012 à l’initiative de la ministre déléguée à la famille, conformément aux dispositions de l’article L. 148-1 du code de l’action sociale et des familles, sur le projet de loi tendant à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, le Conseil supérieur de l’adoption a souhaité approfondir la réflexion quant aux effets de cette réforme en matière d’adoption. Les travaux ont été menés au sein d’un groupe de travail spécifique et la présente contribution a été validée par le conseil supérieur de l’adoption dans sa séance du 9 janvier 2013.

 L’ouverture du mariage au profit des couples de personnes de même sexe aurait pour effet d’étendre à ces derniers les dispositions actuellement applicables aux couples mariés en matière d’adoption. En effet, la réglementation de l’adoption découle de la seule situation matrimoniale des adoptants, qui doivent être mariés ou célibataires.

 Ainsi, les couples mariés de même sexe pourraient, en l’état du texte, déposer une demande d’agrément, engager des démarches en vue d’une adoption d’un enfant, pupille de l’Etat ou étranger, sous réserve du respect des conditions posées par le pays d’origine. Le conjoint du parent de l’enfant pourrait également déposer une requête en vue de l’adoption de l’enfant de son époux ou épouse.

A titre liminaire, le Conseil supérieur de l’adoption tient à rappeler  :

  • que  l’adoption est avant tout une mesure de protection des enfants privés durablement de famille, dont la finalité est de donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille, comme le rappellent les différentes conventions internationales ratifiées par la France et notamment la convention internationale des droits de l’enfant : ainsi, l’article 21 de cette convention précise que les Etats parties s’assurent que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en la matière.

 Le mariage ne donne pas un droit à l’adoption, mais simplement le droit d’engager les démarches en vue d’adoption. Le prononcé de celle-ci est toujours soumis au contrôle du juge, qui vérifie notamment que l’adoption sollicitée est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. Le fait de se voir délivrer un agrément ou même que le dossier d’un candidat soit retenu par un intermédiaire agréé (Agence française de l’adoption ou organisme autorisé pour l’adoption) ne garantit donc pas l’aboutissement du projet d’adoption, aucune obligation de résultat ne pesant sur l’institution concernée.

  • que la loi trouvera à s’appliquer dans un contexte marqué par un déséquilibre entre le nombre de candidats agréés en France (24 000) et le nombre d’enfants adoptables (environ 2 300 adoptions, nationales et internationales, prévues en France pour 2012), alors que 22 000 enfants environ sont, dans le monde, confiés à l’adoption internationale.

S’agissant des pupilles de l’Etat, la proportion de ceux placés en vue d’adoption reste constante (environ 800 sur un total d’environ 2 200 chaque année) et concerne principalement de jeunes enfants en bonne santé.

Cette réalité et les possibilités concrètes réduites pour ces couples de mener un projet d’adoption ne doivent pas masquer les conséquences importantes du projet de loi en matière d’adoption qui  suscitent, pour les membres du conseil, un certain nombre d’interrogations et de réserves tant sur le fond que sur sa mise en œuvre concrète.

A cet égard, le CSA rappelle les termes de son avis du 23 octobre 2012, dans lequel il estimait que « ce texte constitue un bouleversement du champ de l’adoption » et faisait état « de son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant, dans le cas d’adoptions à l’international comme d’adoptions nationales. »

Le CSA a examiné les incidences du projet sans faire aucun lien entre les capacités éducatives et affectives et l’orientation sexuelle des candidats à l’adoption, mais en étudiant les conséquences qu’aurait, pour l’enfant, l’instauration d’un double lien de filiation à l’égard de parents de même sexe lui conférant deux mères ou deux pères.

Pour la majorité des membres du CSA, la possibilité de prononcer une adoption plénière au profit de deux personnes de même sexe constituerait un bouleversement majeur du droit de la filiation, aujourd’hui fondé sur l’altérité sexuelle des parents. L’instauration d’un double lien de filiation à l’égard de deux parents de même sexe aurait pour effet de priver l’enfant de toute possibilité de se voir conférer un parent de l’autre sexe.

Certains membres du CSA s’interrogent ainsi sur les conséquences et le devenir de ces enfants et notamment sur leur construction identitaire, en l’absence de référent parental de sexe opposé.

En outre, le projet de loi pourrait  ajouter une nouvelle source de discrimination pour l’enfant adopté, liée à la structure familiale différente de celle des autres enfants.  Il convient d’assurer la protection et le respect de l’enfant en mettant en place des outils de sensibilisation et d’accompagnement afin qu’il ne souffre pas de cette situation. Des mesures d’information des futurs adoptants et des professionnels et d’accompagnement des candidats à l’adoption et des enfants devraient être prévues à cette fin, et donc des moyens y afférant.

En ce qui concerne plus particulièrement l’adoption internationale, les membres du CSA constatent que la plupart des pays d’origine refuse les candidatures à l’adoption formées par des couples de même sexe. La souveraineté des Etats d’origine des enfants doit être respectée. Par ailleurs, les membres du CSA relèvent que, dans les pays acceptant les candidatures formées par des couples de même sexe (Afrique du Sud, Brésil..), les enfants proposés à l’adoption internationale sont principalement des enfants à besoins spécifiques (fratrie, âge élevé, pathologie), dont le profil ne correspond pas toujours aux souhaits des candidats à l’adoption.

Face à cette réalité, le CSA insiste sur la nécessité d’adopter une démarche de vérité et de transparence à l’égard de ces Etats comme de l’enfant. Ainsi, toute stratégie individuelle qui serait fondée sur la dissimulation, en cachant le fait de vivre avec une personne de même sexe afin de mieux garantir l’aboutissement du projet pourrait avoir de graves répercussions. En effet, le fait de tromper les autorités dans lesquelles l’adoption est réalisée en cachant volontairement un élément essentiel qui, s’il avait été connu, aurait empêché la réalisation de ce projet, constitue une manœuvre dont l’ensemble des candidats célibataires pourrait ensuite pâtir.

Plus généralement, certains membres du CSA craignent que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe se traduise par la fermeture des pays acceptant les célibataires, au motif que l’enfant pourrait éventuellement par la suite être adopté par le conjoint de même sexe que l’adoptant.

 Les membres du CSA se sont également penchés sur la situation des enfants vivant d’ores et déjà dans des familles homoparentales et dont le lien de filiation n’est établi qu’à l’égard d’un parent. Certains membres du CSA considèrent que la possibilité pour un époux d’adopter l’enfant de son conjoint de même sexe peut répondre à l’intérêt de l’enfant. En effet, cette possibilité, qui concernerait les familles homoparentales d’ores et déjà constituées, pourrait  apporter à l’enfant la sécurité juridique et une meilleure stabilité nécessaires à son développement. D’autres membres du CSA considèrent que des mécanismes autres que l’adoption auraient pu été envisagés afin d’assurer la sécurité juridique des enfants vivant dans ces configurations familiales.

Enfin, le CSA souhaite qu’une réflexion de fond soit engagée en vue d’une réforme globale de l’adoption afin de mieux garantir, en toute circonstance, l’intérêt de l’enfant.

L’adoption internationale sur France Culture

Du 21 au 25 janvier, l’émission de radio « Cultures-Mondes » sera consacrée au thème : “Faîtes des enfants !”.
L’émission du lundi 21 janvier a été consacrée à la dimension politique et diplomatique de l’adoption internationale : “Adopter : droits et verrous”. Invités : Yves Denéchère, Mirel Bran, Alexandre Boiché.
Présentation de l’émission et podcast : http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-faites-des-enfants-14-adopter-droits-et-verrous-2013-01-21
Cultures-Mondes sur France Culture, du lundi au vendredi, 11 h 00 – 11 h 50, animateur : Florian Delorme, productrice déléguée : Lucile Commeaux.

Adoption, politique et diplomatie entre Russie et États-Unis

L’une des mesures les plus hostiles prises par Moscou contre Washington depuis la Guerre froide. C’est ainsi qu’est présentée la loi promulguée le 28 décembre par Vladimir Poutine qui – entre autres – interdit l’adoption d’enfants russes aux États-Unis.
Pourquoi une telle mesure ? Il s’agit d’une réponse « émotionnelle mais adéquate » des autorités russes à la loi américaine dite « liste Magnitski » qui interdit de séjour aux États-Unis les responsables russes impliqués dans la mort en prison en 2009 du jeune juriste Sergueï Magnitski ou dans d’autres violations des droits de l’homme… et prévoit de geler leurs biens.
La loi russe contre les adoptions par des Américains porte elle le nom de Dima Iakovlev, un enfant russe adopté aux États-Unis en 2008 et mort oublié par son père adoptif américain dans une voiture en pleine chaleur. Sur les 60 000 enfants russes adoptés depuis 1992 aux États-Unis (962 en 2011), 19 seraient morts de mauvais traitements. La loi « Dima Iakovlev » met immédiatement un terme à 52 procédures en cours qui n’avaient pas encore abouti, selon le délégué du Kremlin aux droits de l’enfant, Pavel Astakhov. Il s’agit surtout d’orphelins malades (trisomie, HIV, paralysie cérébrale), peu prisés des adoptants nationaux.
Si une majorité de Russes consultés par sondage soutiennent la loi, celle-ci provoque des débats, jusqu’au sein du Gouvernement, ce qui est rare. Plusieurs ministres ont déspprouvé, au premier rang desquels le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov. L’opposition anti-Poutine tente d’exploiter ces divisions au sein de l’élite au pouvoir en appelant à manifester contre cette loi le dimanche 13 janvier au centre de Moscou, si la municipalité de la capitale autorise le rassemblement… A suivre.
(Source AFP)

Le droit d’adopter, mais après ?

Entretien avec Didier PAILLAT : didier.paillat@courrier-ouest.com
Le Courrier de l’Ouest, 16 novembre 2012.

Professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers, Yves Denéchère a publié en 2011 : Des enfants venus de loin. Histoire de l’adoption internationale en France (Armand colin). Il siège en tant que personnalité qualifiée au Conseil supérieur de l’adoption (CSA). Le CSA a émis récemment un avis sur l’adoption par les couples homosexuels qui découle du projet de loi sur le mariage pour tous. « En dehors de tout jugement de valeur », Yves Denéchère prévient : « Obtenir le droit à l’adoption ne signifie pas qu’on pourra adopter, loin de là ».

Qu’est-ce que le CSA ?
Yves Denéchère : « C’est un organe consultatif qui donne son avis sur chaque projet de loi touchant l’adoption. Et donc sur le mariage homosexuel qui implique la possibilité d’adopter, le projet de loi est en cours d’examen. Créé en 1975, le CSA est composé de parlementaires, de représentants des conseils généraux, d’associations d’adoptés et d’adoptants, plus six personnalités qualifiées”.

Et quel est l’avis du CSA ?
« Sans entrer dans le détail, car ses travaux sont confidentiels, on peut dire qu’il a un avis réservé. Avis qui a été donné fin octobre au Conseil d’Etat. Un groupe de travail a été constitué afin de pouvoir faire des propositions dans le cadre du débat parlementaire”.

Et quel est votre point de vue ?
« Un point de vue d’historien et de chercheur. On est là devant un cas de concurrence entre les causes (au sens de combats) : d’un côté la cause des personnes homosexuelles ; de l’autre celle des enfants et des droits de l’enfant en particulier. Le malaise vient peut-être du fait qu’on est obligé de se positionner en faveur d’une cause au détriment de l’autre. C’est une question complexe. Des enfants élevés par des couples homosexuels, il y en a, mais la question posée ici, c’est de savoir si le droit doit sciemment prévoir l’adoption d’enfants par des couples homosexuels ».

Rappelez-nous les chiffres de l’adoption.
« En 2011, il y a eu 2 800 enfants adoptés (800 enfants français et 2 000 étrangers) pour 28 000 agréments. Donc une adoption pour dix agréments valides sans parler des demandes en cours. De plus, l’adoption internationale baisse constamment : en 2012 on va passer de 2 000 à 1 500 enfants ».

Prenons le cas des enfants français.
« L’apparentement d’un pupille de l’Etat est décidé par un conseil de famille, qui regroupe des représentants du Conseil général et d’associations familiales. Le conseil de famille va-t-il choisir un couple homosexuel plutôt qu’un couple hétérosexuel ? N’oublions pas que le conseil de famille a un impératif : choisir « dans l’intérêt de l’enfant », car l’adoption, c’est donner une famille à un enfant qui n’en a pas, et non l’inverse. Le droit à l’enfant n’existe pas ».

Que se passera-t-il, selon vous ?
« Imaginons que pendant plusieurs années un conseil de famille ne choisisse aucun couple homosexuel, il y aura dépôt de plainte pour discrimination. Les contentieux vont se multiplier. Mais qui pourra reprocher au conseil de famille de décider dans l’intérêt de l’enfant. Aujourd’hui, déjà, les conseils de famille attribuent très peu d’enfants aux célibataires ».

Et pour l’adoption internationale ?
« Les couples homosexuels auront le droit d’adopter en France, mais, à l’étranger, ce sont les pays sources qui décident. Or dans 70 pays du monde ; notamment en Afrique et en Asie, l’homosexualité est considérée comme un délit voire un crime. Il est clair que les autorités et les opinions publiques de ces pays, notamment la Chie n’accepteront pas que leurs enfants soient adoptés par des homosexuels étrangers ».

La loi pourrait donc se retourner contre ceux qui croient en bénéficier.
« En effet. Un couple demandera, et obtiendra l’agrément d’adoption, c’est-à-dire le droit d’adopter, mais il ne pourra guère trouver d’enfant à adopter. Sauf à présenter une demande en tant que célibataire et à condition de cacher son homosexualité. Mais cela pourrait se retourner contre la France car le pays concerné pourrait se fermer à l’adoption internationale. Il faut savoir que certains pays d’origine exigent un droit de suivi jusqu’aux 18 ans de l’enfant. Désormais, de nombreux pays refusent même les célibataires parce qu’ils craignent qu’ils ne cachent des projets d’adoption par des homosexuels ».

Qu’en est-il dans les pays où les couples homosexuels peuvent déjà se marier ?
« On a un exemple très probant, celui de la Belgique, où le mariage homosexuel est autorisé depuis 2003 et le droit d’adopter en vigueur depuis 2006. Aucun couple homosexuel belge n’a pu adopter un enfant étranger depuis cette date ».

Les homosexuels pourraient donc déchanter, selon vous ?
« Cela montre la différence entre le principe et la réalité. Ce sont les pays qui ont la main sur les berceaux qui décident. Sans parler des organismes français d’adoption (il y en a une quarantaine). Dans leur majorité, ils sont contre l’adoption par les couples homosexuels, ne serait-ce que parce qu’ils savent que ces dossiers seront refusés à l’étranger. Mais la difficulté de pouvoir exercer un droit est-elle une raison suffisante pour ne pas accorder ce droit ? »

Qu’en pensent les adoptés eux-mêmes ?
« Ils sont très réservés, si j’en juge par l’avis du Conseil national des adoptés qui vient de se créer ».

Soutien à l’enseignement des sciences humaines dans les facultés de médecine

Réaction à l’article évoquant la formation médicale à l’Université d’Angers : « La faculté de médecine gangrenée par l’ésotérisme » paru dans l’édition du jeudi 25 octobre 2012 du journal Ouest-France.

Il est regrettable que la nécessité d’un enseignement en sciences humaines dans la formation médicale soit remise en cause dans la mesure où il aborde des thèmes aussi importants que le droit médical, l’histoire des sciences, l’histoire de la médecine, la sociologie, la relation avec le malade ou bien l’éthique. « Ce qui est gênant, c’est le coefficient considérable accordé aux sciences humaines : 200 points sur 500 » indique Olivier Hertel dans son interview accordée à Ouest-France. L’enseignement des sciences humaines dispensé par la Faculté de médecine d’Angers ne représente en réalité que 20 % des enseignements obligatoires en première année (à savoir 200 points sur 1 000). Ce taux est tout à fait conforme aux recommandations de la Commission pédagogique nationale des études de santé qui sont suivies par l’ensemble des facultés de médecine françaises. L’Université d’Angers s’inscrit donc dans une démarche nationale et n’est en rien « un cas unique en France ».

L’ouvrage Médecine, santé et sciences humaines, mis en cause par l’enquête de Sciences et avenir est édité sous la responsabilité du Collège national des enseignants de sciences humaines et sociales en médecine dans la collection « Médecine et sciences humaines » aux éditions Les Belles Lettres. Il s’agit d’un ouvrage pluridisciplinaire destiné à accompagner l’enseignement obligatoire de sciences humaines et sociales au sein de la formation médicale et des formations en santé. Il s’adresse aux étudiants et à tous ceux qui s’engagent dans les métiers du soin ou qui s’intéressent aux questions épistémologiques, éthiques et sociales impliquées par la médecine contemporaine. Les auteurs sont des spécialistes des thèmes abordés travaillant aussi bien en sciences humaines (anthropologues, économistes de la santé, historiens, juristes, philosophes, psychanalystes, psychologues, sociologues) que dans le monde de la santé (biologie, cancérologie, génétique, gériatrie, médecine générale, médecine interne, neurologie, neurochirurgie, psychiatrie, rééducation fonctionnelle, et dans les soins infirmiers). Le projet résulte de la collaboration de responsables et enseignants en sciences humaines et sociales des facultés de médecine françaises.

Face à ces accusations infondées d’ésotérisme, l’Université d’Angers et de nombreux universitaires apportent leur soutien le plus complet à Jean-Marc Mouillie, maître de conférences en philosophie et président du Collège national des enseignants de sciences humaines des facultés de médecine, reconnu par ses pairs.
Pour signer la lettre de soutien :
http://www.univ-angers.fr/fr/universite/actualites/lettre-de-soutien.html

Pour la participation des adoptés aux débats sur l’adoption

Un Conseil National des Adoptés (CNA) a été créé le 29 septembre 2012 à l’initiative de responsables d’associations d’adoptés qui considèrent que les personnes adoptées sont exclues des débats actuels, autour de l’adoption par des homosexuels notamment, alors qu’elles sont aujourd’hui des adultes et capables de s’exprimer sur le sujet.
Le but du CNA est de construire le dialogue nécessaire entre différents acteurs et parties prenantes de l’adoption en fondant sa réflexion et son action sur « l’intérêt supérieur de la personne adoptée »
Le CNA promeut la création d’un service public d’accompagnement post-adoption et entend aborder sans complexe ni tabou toutes les problématiques qui sont celles des adoptés. Il se pose comme une référence consultative en matière d’adoption du point de vue l’adopté.
La présidente du CNA est Hélène Charbonnier, présidente de Racines Coréennes, Cécile Février, présidente de La voix des Adoptés en est la secrétaire générale et le trésorier est Yvann Lamy président de l’AFAENAC (Association des Familles Adoptives d’Enfants Nés au Chili).

Une nouvelle revue dédiée à l’étude des relations internationales

Monde(s). Histoire, Espaces, Relations est le nom d’une revue scientifique qui entend combler un vide éditorial et fournir un lieu d’expression et de publication pour des tendances neuves de l’histoire internationale, déjà largement représentées à l’étranger mais encore peu développées en France : histoire transnationale, histoire connectée, histoire globale, histoire mondiale. Il s’agit donc d’une publication dont les problématiques se réclament spécifiquement de ces nouvelles approches.
L’objectif de l’équipe éditoriale de Monde(s), réunie autour de Robert Frank, est de repenser l’histoire des phénomènes transnationaux en l’enrichissant des réflexions propres aux spécialistes de l’ensemble des aires géographiques, bouleversant ainsi les chronologies et les points de vue trop européocentrés ou prisonniers d’un certain « nationalisme méthodologique », c’est-à-dire trop centrés sur un seul continent.
Le premier numéro de Monde(s). Histoire, Espaces, Relations (mai 2012) propose un dossier intitulé Le débat transnational réalisé par Sabine Dullin et Pierre Singaravélou. Il est consacré aux origines internationales des grands débats publics de l’époque contemporaine (citoyenneté et intégration, colonisation et décolonisation, droit d’ingérence et souveraineté territoriale, promotion de la santé publique, etc.). Ces nouvelles préoccupations ont en effet émergé par le biais de réseaux transnationaux de savants, de réformateurs et de militants et à la faveur de moments d’émotion ou de prise de conscience à l’échelle internationale. Ces réseaux se sont pour la plupart institutionnalisés dans les années 1880-1920 et ont produit de nouveaux savoirs, expertises et catégories qui circulent au-delà des frontières.
Le numéro 2, annoncé pour novembre 2012, présentera un dossier intitulé Empires réalisé par Pierre Boilley et Antoine Marès.
La revue est publiée sur papier et en ligne (deux numéros par an) par les éditions Armand Colin.
Pour en savoir plus : http://www.monde-s.com/

L’adoption internationale en France, nouveau sujet d’histoire

Sans archives, l’historien ne peut pas travailler. Les premiers cas d’adoption internationale en France étant apparus au cours des années 1960, ce phénomène n’a pas pu être étudié par les historiens avant les années 2000 en raison de la rareté des sources. Yves Denéchère, historien au CERHIO, a été le premier à se lancer dans cette étude. Il a publié « Des enfants venus de loin – Histoire de l’adoption internationale en France » en 2011.

Beaucoup de livres avaient été écrits sur l’adoption d’enfants étrangers sous l’angle sociologique, juridique mais jamais historique. Yves Denéchère a voulu reconstituer l’Histoire dans laquelle les mémoires familiales peuvent se retrouver. Il a consulté des archives de diverses administrations, du ministère des Affaires étrangères ou encore d’associations. Mais l’adoption étant avant tout une aventure humaine, il a voulu « mettre un peu de chair » dans tous ces documents administratifs, recueillant aussi les témoignages d’adoptants et d’adoptés.

La restriction de l’adoption internationale
Premier constat des recherches menées par l’historien : c’est en raison de la réduction du nombre d’enfants adoptables en France dans les années 1980 que les Français se sont tournés vers l’étranger. À ses débuts, l’adoption internationale était surtout justifiée pour sortir les enfants de la guerre (Corée, Viêtnam) et de la misère. Aujourd’hui, la distinction est bien établie entre l’humanitaire et l’adoption internationale.

La procédure d’adoption est devenue longue et compliquée. « Les histoires d’adoption sont très différentes, mais tous les adoptants s’accordent à dire que la procédure équivaut à un parcours du combattant », note Yves Denéchère. Alors que 30 000 agréments sont actuellement valides en France, 2 800 enfants étrangers ont été adoptés en 2011 et 800 enfants français. La France fait partie des pays européens qui a le plus recours à l’adoption avec l’Espagne et l’Italie. Elle figure en bonne place au niveau mondial juste derrière les USA. leader en matière d’adoption.

La Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale a mis en place des règles strictes et a mis fin à un certain nombre d’abus et de trafics d’enfants en 1970-1980. Juridiquement, l’adoption existe pour donner une famille à un enfant qui n’en a pas et non l’inverse. La convention de la Haye de 1993 précise bien que l’adoption internationale ne peut avoir lieu que si « une famille appropriée ne peut être trouvée dans son État d’origine ». Les enfants étrangers adoptables sont moins nombreux depuis l’entrée en vigueur de cette norme internationale. Et particulièrement les nourrissons, pour qui les États d’origine trouvent facilement des familles sur place prêtes à les accueillir. Le « profil » des enfants étrangers adoptables a donc nettement changé. Les enfants plus âgés, les fratries ou encore les enfants handicapés sont davantage orientés vers l’adoption internationale.

Les États ont la main sur les berceaux
Les pays d’adoption « historiques » entendent davantage contrôler les adoptions. Yves Denéchère, spécialiste de l’histoire des relations internationales, observe que les opinions publiques refusent de laisser partir leurs enfants. Elles perçoivent ces tentatives comme du pillage de la richesse humaine de leur pays. Les gouvernements font de la question de l’adoption un instrument géopolitique, dépendant de leurs liens diplomatiques. La Chine ouvre et ferme ses portes en fonction de considérations idéologiques et des affinités politiques du moment. « Les Français adoptent dans 60 pays d’origine différents », dénombre Yves Denéchère. Beaucoup d’enfants originaires de pays asiatiques ont été adoptés dans les années 1970, puis les enfants d’Amérique du Sud en 1980 et désormais les pays africains. L’Éthiopie, les pays d’Europe de l’est, la Chine, la Russie et la Colombie figurent parmi les pays qui proposent le plus d’enfants aux français.

Les apports de cette recherche et l’expertise d’Yves Denéchère sont reconnus puisqu’il vient d’être nommé par décret interministériel membre du Conseil Supérieur de l’Adoption en tant que personnalité qualifiée. Le CSA émet des avis et formule toutes propositions relatives à l’adoption. Il est obligatoirement consulté sur l’évolution législative et réglementaire en ce domaine.

Thérèse Rosset