9,90

(ok, je déroge à ma règle du billet seulement le lundi,
mais ça vaut la peine, je crois).

9,90, c’est le prix, en euros, de la liseuse que la société allemande Txtr vient d’annoncer à l’occasion de la foire de Francfort. Et comme le dit Hubert Guillaud dans le papier que je signale en lien, sans doute, à ces prix, que “le matériel ne sera donc bientôt plus une question”.

Il me semble que cela change pas mal de choses dans la manière dont les bibliothèques étaient en train (doucement) de s’approprier ces outils. De ce que je peux en voir, la plupart des opérations tournant autour des liseuses étaient en effet d’abord des opérations matérielles (achat des outils — et lesquels ; question de gestion matérielle, qui, quoi, comment les prêter, etc.) destinées dans le fond presque autant à acculturer les personnels que les usagers à ces machines.

Avec cette barrière symbolique que vient de franchir Txtr (même si leur liseuse n’est pas un foudre de guerre, n’est pas connectée, n’a pas d’écran tactile – bref, n’est pas plus technologique qu’un livre…), on peut sans doute s’attendre rapidement à une diffusion massive des liseuses chez nos usagers (et Hubert penche pour le même phénomène pour les tablettes, ce en quoi je le suis totalement).

La question de l’offre et des services va alors devenir vraiment centrale pour nous — faites le parallèle avec l’équipement en smartphone : aucune bibliothèque ne pense à prêter des smartphones à ses usagers, mais toutes (euh…) pensent à leur offrir des services mobiles.

Et ça change pas mal la donne, pour nous, non ? Parce que franchement, l’offre documentaire vers les liseuses que nous pouvons offrir pour l’instant, à de très rares exceptions, n’est quand même ni très développée ou facile d’usage (mais ça, c’est surtout un problème d’éditeur), ni encore maîtrisée par nous (ça, c’est notre faute).

La bonne nouvelle derrière cette barre des 9,90 qui tombe, c’est que nous pouvons cesser de nous demander qui va recharger les liseuses que nous prêtons puisque nous allons cesser d’en prêter.

La “mauvaise”, c’est que la problématique qui nous regarde le plus devient encore plus d’actualité, et plus urgente — vraiment plus urgente.

Les frontières floues

Depuis maintenant 5 ans que je suis à Angers, mon boulot m’a amené à travailler de plus en plus étroitement avec mes collègues de la DDN (Direction du Développement Numérique, ex DSI). Le chemin a été long, il a fallu se connaître, apprendre à travailler ensemble, il a fallu surtout pour moi, je crois, devenir un minimum crédible à leurs yeux, ce qui n’est pas un mince affaire : ce sont des spécialistes d’un domaine pointu qui a ses propres règles de fonctionnement, en particulier au niveau de procédures rigoureuses ; je suis un bricoleux autodidacte généraliste oubliant souvent les procédures et fonctionnant quasiment tout le temps en mode fuzzy. Mais à force de patience (surtout de leur côté), je crois qu’on travaille plutôt pas mal ensemble maintenant.
Du coup, je commence à me demander maintenant pourquoi une section numérique existe dans la BUA (comme dans les autres BU ?), et s’il ne serait pas plus logique que les bibnums relèvent en partie (dans les organigrammes ou dans des missions temporaires précises, type task force) de la DDN/DSI ou plutôt d’un pôle transversal ou méta qui aurait fonction de s’occuper de la documentation et des accès à cette documentation, mais aussi de valorisation et de communication numérique, d’indexation des contenus, d’archivage, d’identité numérique, etc.
Cela permettrait de mélanger les approches métier et les visions, les habitudes, les lectures du monde. Cela permettrait également à chacun de sortir de ses logiques enfermantes et sclérosantes, de ses habitudes, des biais qui finissent par se mettre en place quand on fonctionne en circuit fermé (du genre croire que les usagers utilisent tous la recherche avancée ou connaissent par coeur le Dewey, suivez mon regard). Cela nous permettrait enfin de mettre à disposition de tous des compétences (les nôtres) utiles à tout projet numérique d’une université (la plus évidente des compétences étant celle liée aux questions d’indexation, mais c’est à mon avis loin d’être la seule qui peut nous rendre précieux à nos collègues DDN et à l’Université en général, sur les projets numériques).
C’est juste une idée, encore vague et qui je pense, devrait/peut être testée facilement sur le terrain. Vous en pensez quoi ?

MàJ 08 octobre 08:32

En fait je crois que la difficulté c’est d’avoir un pôle méta fluide sans tomber dans des groupes de travail ad hoc sur chaque projet, et dans lesquels tous les participants ne se sentent pas nécessairement super impliqués (et donc ne s’impliquent pas super).
Oui, voilà : la difficulté est de trouver une forme stable dans sa fluidité (la stabilité assure le bon fonctionnement des choses et l’avancée du travail de manière régulière, la fluidité permet d’agréger les bonnes personnes au bon moment et à ce moment-là seulement).

Tableau noir

(Première note, on attaque dur)

Le principal souci d’un responsable de bibliothèque numérique n’est pas dans la technique, il est dans l’humain et dans cette question que je trouve de plus en plus fondamentale : comment faire pour amener tous les collègues à évoluer sans heurts dans un environnement professionnel où la technique (entendez, les ordinateurs, les outils mobiles, le web, etc.) est de plus en plus incontournable ?

Il n’est pas besoin d’être grand visionnaire pour remarquer que la plupart des personnels des bibliothèques actuellement en place sont issus du monde papier, des bibliothèques papier (c’est d’ailleurs souvent, cela, le livre papier, qui les a amenés dans ce métier), et qu’ils ignorent encore beaucoup de choses du web, par exemple, de ce qui s’y passe, et de comment ça s’y passe.

Il n’est pas besoin d’être grand devin pour voir que cela ne changera pas avant un bon moment : le recrutement et la formation initiale des cadres de bibliothèques en particulier continue à n’aborder ces problématiques (pratiques) contemporaines que vaguement (selon le calendrier maya et mes calculs, le concours de conservateur comportera à l’oral une légère épreuve pratique php-mysql ou XML ou une mise en situation Facebook en 2067, pour mes 100 ans).

Nous n’avons donc pas (plus) le choix : nous devons investir en local dans de la formation massive, de terrain, au plus près des collègues, qu’il faut accompagner dans la grande migration sous peine de se retrouver avec un fossé de plus en plus large entre les besoins quotidiens de la bibliothèque, la pratique de nos usagers, et les possibilités/connaissances de ceux et celles qui y travaillent.

Et cette formation ne peut se plus réduire à une acculturation simple, comme nous avons essayé de le faire à la BUA avec des cycles de formation généraliste d’une heure sur des thèmes comme “les blogs”, “les CMS”, “Openoffice”, etc

Nos besoins demandent que nous allions vers du tableau noir lourd, du TD, de l’apprentissage concret par la pratique quotidienne, i.e., que nous réussissions à intégrer les problématiques et pratiques techniques dans la routine de chaque personnel de bibliothèque, en les amenant à mettre les mains dans le cambouis tous les jours, ce qui suppose de passer beaucoup de temps au départ avec eux à se partager la souris.

En dehors de cet investissement énorme en temps et en énergie, qui reposera en grande partie sur la bibliothèque numérique où sont censées être regroupées principalement les compétences dont on parle ici, je ne vois pas de solution pour prendre le virage dans lequel nous sommes déjà en retard, mais vous, peut-être que si : les commentaires sont ouverts.

Le web est une drogue dure…

et je suis définitivement accro.

Ce blog n’est pas le premier ni le seul que j’anime, mais c’est le premier, je crois, que j’ouvre un dimanche — mon addiction est donc en train de s’aggraver.

Il devrait être question sur ce blog, en vrac, de tout ce qui constitue l’environnement professionnel d’un personnel des bibliothèques vivant et travaillant au 21ème siècle (vaste programme). C’est la ligne directrice que je vais me donner, sachant que je ne respecte (presque) jamais mes lignes directrices. Nous verrons bien. C’est le web, en fait, qui décidera.

En attendant, à vous de cliquer…