Le jour où les bisounours mordront les vautours

<MàJ du 20 janvier, 20:12> La position des associations pro et acteurs concernés par cette histoire BNF est attendue avec impatience. Elle sera évidemment décisive, en particulier concernant la question de l’anonymat des “libérateurs” que j’évoque ici. Tout le monde attend. Soyez prudents. </MàJ>

Contexte #1

Un mouvement “souterrain” de privatisation des biens communs par des sociétés marchandes, mouvement dont une nouvelle manifestation vient de se produire avec la signature par la BNF d’un accord livrant une masse considérable de documents à des firmes privées très loin d’avoir des visées philanthropiques ;

Contexte #2
Le suicide d’Aaron Swartz, que je ne peux m’empêcher de lier au procès en cours contre lui à propos de l’affaire Jstor (même si évidemment, cela n’explique pas tout) ;

Conviction #1
Toutes les discussions du monde, les signatures de pétition, les tables rondes, n’arrêteront pas ces firmes ;

Conviction #2
Tant que les bibliothèques se comporteront comme des bisounours, les vautours les mangeront ;

Conviction #3
C’est le groupe qui fait la force (ou “on ne pourra pas amener tout le monde à mettre fin à ses jours” ou “tu ne peux pas arrêter les nuages avec un filet à papillons”)

Proposition
Il est temps pour nous de mettre en place une sorte d’équilibre de la terreur qui repose sur un principe simple : un certain nombre de bibliothécaires (nombre suffisant pour rendre toute poursuite trop compliquée/coûteuse) s’engage à libérer (i.e. diffuser sur le net, via torrent par exemple, ou tout autre moyen technique) tout document issu du domaine public qui aurait été privatisé et qui aurait été acquis par l’institution dans laquelle le bibliothécaire travaille ; et le cas échéant, ces bibliothécaires mettent cette menace à exécution collectivement.

Conséquence #1
Le marché devient de fait beaucoup moins intéressant pour ces firmes, qui savent qu’elles s’engagent sur un terrain miné sur lequel elles risquent d’avoir à se battre devant la justice, autour de questions sur lesquelles leur image sera ternie (et les vautours n’aiment pas ça, les vautours préfèrent passer pour de blanches colombes), et dans des procès qui finiront par leur coûter de l’argent, surtout s’il y a plusieurs “libérateurs” à poursuivre (les vautours n’aiment pas dépenser leur argent, les vautours sont des rapaces) ;

Conséquence #2
Le rapport de forces s’inverse, et on peut enfin arrêter de se faire allègrement plumer en pleurant en plus parce que les vautours sont vraiment trop trop méchants ;

Conséquence #3
On va un peu s’amuser, ça nous changera.

Cela vous plaît, comme idée, j’en suis certain. Non ?

De quoi ça a l’ERE ?

(MàJ du 21 novembre 2012)

Suite aux échanges dans les commentaires, j’ai donc trouvé les résultats ERE sur le site Couperin – bref. On a retrouvé les résultats mais il y a quand même un souci de disons… communication : rien sur la page officielle, rien nulle part, et aucun collègue Doc-élec dans mon environnement ne semblait savoir ce que devenaient et où étaient ces résultats d’une enquête nationale, donc.

(/MàJ du 21 novembre 2012)

L’enquête annuelle ERE vient d’arriver dans nos boîtes aux lettres électroniques. Pour ceux et celles qui ont la chance de l’ignorer, ERE est l’Enquête sur les ressources électroniques acquises par les S.C.D., S.I.C.D. et bibliothèques d’établissements d’enseignement supérieur et participe de ce qui est censé être la boîte à outils de pilotage des SCD au niveau du ministère.

J’ai un problème général avec les enquêtes, et j’ai un très gros problème personnel avec ERE, pour deux raisons :

  •  La dernière publication des résultats et analyses de cette enquête date de… 2004 (sans rire — et encore, vous n’avez pas ouvert le fichier en question, qui laisse rêveur) ;
  • les formulaires de recueil d’ERE me semblent totalement inadaptés à ce qu’est la doc élec en 2012 (en fait, j’ai à chaque fois l’impression que le formulaire n’a pas bougé depuis des siècles ou quelque chose comme ça, et qu’on dénombre des choux avec un outil fait pour compter des bananes).

Ma première réaction que je reçois l’appel à remplir ERE est tous les ans de me mettre à hurler et de demander à genoux à mes N+1 que nous cessions enfin (dans un salutaire élan de désobéissance civique) de remplir cette enquête qui occupe pas mal de monde au niveau national et semble n’avoir aucun sens, en tous les cas vu du côté de ceux qui la remplissent (ce sentiment, si j’en crois les gens que je croise IRL ou que je followe sur Twitter, est largement partagé).

Et puis, cette année, comme je vieillis et que je me bonifie (hum…), je me suis dit qu’il fallait que je devienne constructif.

Donc, je demande très simplement et publiquement aux personnes et à la structure qui gèrent l’enquête ERE :

  • en priorité, que les données recueillies depuis 2004 soient enfin mises en ligne, y compris sous forme de données brutes si personne n’a le temps ou l’envie ou la mission de les traiter (ERE étant une enquête web, il y a forcément une base de données derrière : il suffit de faire un export sql de la base et de mettre cet export à disposition, on se débrouillera avec ensuite – un export sql, ça prend 10 minutes) ;
  • éventuellement, que les formulaires soient actualisés pour qu’en ouvrant ERE, ce sentiment d’être en 1980, d’avoir une moustache et de porter un sous-pull orange, cesse (j’ai toujours détesté porter ce type de fringues).

Par ailleurs, comme je doute que l’audience de RJ45 dépasse mon village, si vous pouvez pousser cette supplique à qui de droit là-haut, et/ou la diffuser et/ou l’appuyer où que vous soyez, faites-le, qu’on sorte tous du ridicule.

PS : oui, l’ESGBU est un peu du même tonneau et je n’en pense pas moins, mais à chaque jour suffit sa peine.