Journées Parité de la communauté mathématique 2024

J’ai eu le plaisir de participer aux Journées Parité qui se sont déroulées à Marseille du 1 au 2 juillet. Le programme est accessible sur la page des journées :

http://postes.smai.emath.fr/apres/parite/journee2024/

Un compte-rendu sera bientôt rédigé et publié dans la Gazette de la SMF. Ces lignes se contentent donc de ne refléter que mes sentiments et souvenirs personnels.

Les journées étaient remarquablement bien rythmées et très riches en interventions variées, notamment avec des exposés évoquant des actions menées en informatique pour favoriser la présence des femmes et lutter contre les biais de genre, mais aussi sociaux. J’en retire l’idée que toutes ces initiatives devraient être encouragées et soutenues par le monde politique, avec la mise en place de politiques vraiment ambitieuses. Et cela passe certainement par une meilleure communication de la communauté mathématique sur les inégalités et les biais criants qui la traversent. Comment peut-on encore dire publiquement qu’il n’y a pas de problème d’égalité femme/homme en mathématiques et diffuser, parfois en toute innocence, des discours rassurants du type “Tout va bien, on gère.” ? Non, tout ne va pas bien. Ça, c’est la berceuse qu’on se fredonne avant de s’endormir pour se convaincre que le raisonnement ou le calcul sur lequel on a travaillé une partie de la journée est bien correct, pour éviter l’insomnie. Certaines insomnies ont du bon : elles révèlent nos petits arrangements avec la réalité… Sur les effets de cette dénégation, on peut jeter un œil à l’entretien avec Clémence Perronnet :

https://smf.emath.fr/publications/la-gazette-de-la-societe-mathematique-de-france-180-avril-2024

L’exposé d’Isabelle Régner (PR en psychologie sociale et cognitive, vice-présidente égalité à l’université d’Aix-Marseille) sur les biais de genre et les façons d’y remédier était vraiment stimulant, parfois drôle. L’idée d’organiser en fac de sciences un cours de deux heures en L1 sur les effets de menace du stéréotype donne peut-être un peu d’espoir. En tout cas, le public étudiant bénéficierait d’être exposé à de remarquables exposés comme celui d’Isabelle Régner :

Entre les exposés, nous avions parfois le temps de discuter avec des collègues de diverses universités et d’échanger nos impressions sur nos laboratoires et les actions des commissions parité. La douceur méditerranéenne et l’ombre des platanes a sans doute participé à la convivialité, à moins que ça ne soit la présence des deux chats-gardiens du campus qui grimpaient parfois les marches de l’amphithéâtre pendant les exposés ? Au cours de l’exposé d’Anne Siegel, j’ai entendu qu’il arrive parfois que les référent.es parité soient remis.es en cause dans les laboratoires en informatique. Puis, entre deux platanes et quelques caresses aux félins (ou même pendant des messes basses durant les exposés), on apprend des histoires idoines, impliquant souvent des collègues ronchons, pour reprendre le terme humoristique employé par cette même oratrice. Entre deux cafés, on entend des histoires sur ces messieurs et leurs étranges interactions avec les femmes, étudiantes et collègues. Ils savent toujours mieux qu’elles ce qu’elles doivent faire ; c’est à ça qu’on les reconnaît, à moins que ça ne soit à leur regard un peu intéressé ou complaisant ? Ah, la parade des messieurs tristes ! Toujours là pour jouer les sauveurs, évidemment désintéressés, des demoiselles supposément en détresse qui manquent de confiance en elles et qui ont nécessairement besoin d’un homme qui les aide, voire qui les “suive”. C’est bien commode comme posture, bien hétéronormé surtout. Nous y reviendrons. Il y a plusieurs années, dans la Gazette de la SMF, Indira Chatterji parlait, probablement à leur sujet, “d’hommes faibles” qui se sentent consciemment ou inconsciemment menacés par les femmes :

https://smf.emath.fr/publications/la-gazette-des-mathematiciens-155-janvier-2018

Pour titiller la curiosité de mon lectorat, je vous livre la dernière phrase : “Les expériences de [3] suggèrent que dans un environnement majoritairement masculin, l’arrivée de femmes dans la hiérarchie provoque une réaction hostile de la part des hommes les plus faibles.” Pour se défendre, les “hommes faibles” disposent essentiellement de deux stratégies : la séduction et l’intimidation (dans tous les cas, il s’agit de rouler les mécaniques pour expliquer qu’on est supérieur). Plus il y a de femmes dans les laboratoires, plus il y a de regards sensibles aux comportements visiblement non professionnels ou maltraitants (visant aussi bien des collègues que des étudiantes). De même, les commissions parité rendent parfois visibles des comportements peu recommandables ; leurs seules existences peuvent mettre à jour des comportements de domination qui dépassent les questions de genre. Qu’on imagine un instant l’effet du cocktail séduction-intimidation (parfois assorti de condescendance-mépris) sur le public étudiant. Voilà pourquoi les référent.es parité sont parfois remis.es en cause : les messieurs tristes (et sans doute quelques mesdames) s’accrochent âprement au peu de privilèges qu’ils croient avoir puisqu’ils ne croient pas avoir d’autres ressources. Ils se comportent essentiellement comme des héritiers : ils s’attendent donc à être servis et peut-être même aimés, quelle que soit la qualité scientifique et humaine de leur travail. C’est pourquoi, bien souvent, ils ne peuvent pas accepter que les arguments réfléchis soient préférés quand il faut prendre une décision. Qu’on m’entende bien : nous sommes toutes et tous menacé.es par l’idéologie hétéro-patriarcale et par la transformation en “ronchon” ; seules la réflexion, l’expérience (et finalement le travail sur soi) peuvent nous éviter cette effroyable transformation ou nous permettre de devenir meilleur.es. Refermons cette triste parenthèse sur la remise en cause des référent.es parité.

Le lundi soir, la journée s’est achevée par un moment interactif au théâtre-forum. Des comédien.nes ont joué de courtes pièces sur le thème des discriminations à l’université (notamment sexisme et homophobie). Puis les pièces étaient rejouées une seconde fois et tout spectateur pouvait interrompre la pièce et prendre la place d’un.e comédien.ne pour changer le déroulement. Les échanges avec le public étaient très nombreux et drôles, même si les situations jouées étaient parfois très pénibles. Pénibles, parce que déjà vues ou vécues sous des formes assez proches. Ce qui me frappe par exemple dans certains comportements maltraitants, c’est leur caractère insidieux : on laisse à la personne maltraitée le soin de déduire pourquoi elle est une cible.

Les journées se sont terminées avec une table ronde sur les enjeux LGBT+ en maths, à laquelle j’ai participé. Un tel éclairage sur les questions LGBT+ lors des journées parité était une première. Rétrospectivement, ce n’est pas tant la table ronde elle-même qui m’a particulièrement touché que les discussions que nous avons eues pour la préparer, sur une terrasse au soleil, puis à quelques pas du Vieux-Port dans la soirée. Que va-t-on dire ? Quel message communiquer ? Évoquera-t-on des expériences personnelles ? Comment ?

Je me souviens que ces questions m’ont suivi jusqu’au fond de mon lit dans les jours qui ont précédé. On sait que les personnes LGBT+ sont plus exposées à de nombreux risques pour leur santé du fait des préjugés qui pèsent sur elles ; il y a des mesures statistiques de ce phénomène. Cela dit, on a peut-être une petite tendance à oublier que les individus ne sont pas des statistiques. Je n’ai pas pu m’empêcher de me souvenir des nombreuses discriminations parfaitement explicites qui m’ont visé tout au long de ma vie, du lycée jusqu’à aujourd’hui. Insultes, jets de cailloux (oui, oui !), être suivi dans la rue, pressions pour rester discret, sans parler des débats “politiques” ni de tous ces petits comportements qui visent à vous écarter. Et, parfois, on me fait encore comprendre que je ne sais pas vraiment de quoi je parle les rares fois où je m’exprime explicitement. C’est un peu désolant. Et j’ai repensé à un camarade d’une association LGBT que je fréquentais il y a 20 ans. Il est mort à 25 ans ; dépression, alcool, puis probable suicide. Une statistique ou la réalité qu’on ne veut pas voir ? On peut mourir d’être exclu, ou s’exclure soi-même pour avoir la paix. Et je me suis endormi.

Le lendemain, Flora Bolter (Fondation Jean Jaurès) a permis de structurer la discussion autour de thèmes cohérents. Le tour de table était vraiment captivant : entendre la parole de mathématicien.nes LGBT m’a fait beaucoup de bien. Les commentaires que je me fais parfois à moi-même sont manifestement, et sans surprise, le lot d’autres personnes. On a pu rappeler que la marche pour l’égalité des droits avait une histoire récente (pacs, mariage).

Eh non, jusqu’à mes 30 ans, je n’avais pas le droit de me marier avec qui je voulais, contrairement à la plupart de mes collègues.

Eh oui, l’atmosphère homophobe de la société française a un coût : elle s’invite dans les foyers des personnes LGBT et monopolise du temps pour lutter contre les effets des agressions, un temps pris à d’autres activités. Plusieurs interventions ont insisté sur l’importance d’améliorer l’accueil dans les laboratoires et les départements de mathématiques en se référant aux besoins formulés par les enseignant.es-chercheur.es et les étudiant.es. La minimisation et le déni des problèmes ne sauraient constituer des solutions raisonnables face aux comportements agressifs et discriminants : on sait même que la négation de ces problèmes va de pair avec le maintien de ces discriminations.

Eh non, l’absence d’insultes explicites ne signifie pas qu’un comportement déplacé soit dépourvu de motivations sexistes/LGBT-phobes, notamment quand les cibles sont des femmes ou des personnes LGBT. Sinon, il faut croire à des insultes et des agressions sexistes/LGBT-phobes “spontanées”, issues du néant. Les comportements d’exclusion et de dénigrement qui visent les femmes, les personnes racisées, les personnes LGBT+ ou issues de milieux défavorisés devraient systématiquement être l’occasion d’un exercice de jugement. Combien de fois n’entend-on pas ici ou là, pour expliquer des attitudes troublantes : “Il est un peu vieux jeu” ou “C’est un collègue maladroit ; il n’est pas méchant.” ? Combien de fois ne voit-on pas réduites à des problèmes interpersonnels des interactions répétées qui visent seulement à écarter ou à exclure ? À la dixième “maladresse”, on devrait s’interroger et épargner aux personnes ciblées le soin de tout régler elles-mêmes.

Un message qui ressort de la table ronde est le suivant : on peut avoir été aveugle à des comportements condamnables ou même avoir mal agi à diverses occasions ; il n’est jamais trop tard pour corriger ses erreurs. Je suis sûr que cela devrait parler à une population dont le métier l’amène si souvent à corriger des erreurs et à en tirer parfois de très salutaires enseignements. Plusieurs personnes ont aussi rappelé qu’on ne peut pas lutter efficacement contre le sexisme si on oublie de lutter contre le racisme et les LGBT-phobies, notamment la transphobie. Le sexisme n’est-il pas qu’un sous-produit de l’hétéronormativité, qui suppose des relations stéréotypées entre des catégories elles-mêmes stéréotypées ?

Pour l’avenir, j’espère que les femmes, les personnes LGBT+ et toutes les personnes qu’on cherche à exclure seront mieux considéré.es et écouté.es dans la communauté mathématique que leurs prédecesseur.es ne l’ont été. Rendons visibles les mathématiques des personnes LGBT+ en France et organisons un grand événement pour les célébrer !

Lectures Sophie Kowalevski 2024

La quatrième édition des Lectures Sophie Kowalevski a eu lieu à Angers du 4 au 6 juin 2024. Les lectrices étaient Federica Fanoni et Marielle Simon. Merci à Jenny Boucard pour son exposé sur Sophie Germain !

Après quatre années passées à Angers, les Lectures partent en voyage. Elles auront lieu à Orléans du 3 au 5 juin 2025. Bon voyage à elles !

Lectures Sophie Kowalevski 2023

Je me rends compte que je n’ai pas pris le temps d’écrire un petit billet pour dire un mot des lectures Sophie Kowalevski de cette année ! Il faut croire que je suis bien occupé… Elles ont pourtant bien eu lieu, du 31 mai au 2 juin. Nos lectrices étaient Ramla Abdellatif et Mylène Maïda. Merci à Clémence Perronnet pour son exposé sur les lycéennes et les maths ! Une photo émouvante valant mieux qu’un long discours :

Résidence automnale de mathémartistes à Angers

Du 30 octobre au 10 novembre, le laboratoire de mathématiques d’Angers a eu la joie d’accueillir deux mathématiciennes et artistes, Annalisa Panati (maîtresse de conférence à Toulon) et Coni Rojas-Molina (maîtresse de conférences à Paris-Cergy). Annalisa est écrivaine, Coni est illustratrice.

Dans les activités de recherche comme dans les activités artistiques, le temps joue un rôle essentiel. Sans un temps dédié, sans un certain havre de tranquillité, la réflexion et l’expérience sensible perdent de leur qualité et de leur profondeur. C’est pourquoi, ce fut un plaisir de soutenir leurs activités créatrices avec les fonds du projet régional de Clotilde Fermanian Kammerer, de l’Institut Universitaire de France et de la Maison des Mathématiques de l’Ouest. Une telle résidence d’artistes est, il faut le souligner, un événement singulier en France.

Entre les phases créatives des deux artistes, le programme de ces deux semaines fut dense :

  • Accueil de l’exposition “Emmy Noether, une mathématicienne d’exception” (amenée de l’Institut Henri Poincaré par les soins de Clotilde). Clotilde fait partie du comité scientifique de cette exposition, tandis que Coni en a été l’illustratrice. L’exposition est visible sur le campus du 6 novembre au 7 décembre 2023.
  • Coni a réalisé un petit fanzine reprenant les illustrations de l’exposition.
  • Répétitions de la lecture de la pièce de théâtre “Emmy s’en moque”, écrite par Annalisa. Le texte a été relu et travaillé (notamment sa traduction depuis l’italien). La lecture a eu lieu le mardi 7 novembre à 18h sur le Campus de Belle-Beille, à quelques pas de l’exposition sur Emmy Noether. Coni a également décrit son travail d’illustratrice à l’issue de la pièce.
  • Accueil de deux classes de terminale du lycée Joachim du Bellay (Angers) le 7 novembre. Que leurs enseignants, Anthony Page et Corinne Renault, soient remerciés de leur disponibilité ! Les élèves sont resté·e·s deux heures sur le campus (une heure pour découvrir l’exposition, une heure d’échange avec l’une des résidentes et moi-même). Ce fut l’occasion de discussions autour des études à l’université, des mathématiques, des parcours variés qui mènent aux mathématiques. Annalisa, Clotilde, Coni et moi avons ainsi évoqué nos différents parcours et notre vision de l’activité de mathématicien·ne. Cela a parfois suscité l’étonnement des élèves… et des enseignant·e·s et enseignant·e·s-chercheur·e·s présent·e·s. Cet étonnement a eu un je-ne-sais-quoi de réjouissant ; il a fait vivre les discussions. Cela souligne, je crois, l’importance d’exposer les jeunes générations, notamment les jeunes femmes, à une multitude de non-exemples, si on peut dire, mais aussi à des genres variés (dans tous les sens du terme).

Ce séjour a permis de commencer à concevoir le chapitrage d’un nouveau Document-BD et les grandes lignes d’un scénario. Annalisa a aussi commencé une phase de documentation en vue d’une pièce de théâtre sur une célèbre mathématicienne, tandis que Coni a pu mener un travail graphique sur une nouvelle BD et sa traduction française. Mais… je n’en dis pas plus !

Peu après le départ de nos deux artistes, l’exposition Emmy Noether a été officiellement inaugurée, conjointement à celle des œuvres de l’artiste plasticien, Yan Bernard.

Pour conclure ce billet, je ferai un dernier commentaire plus personnel. Mon lecteur ou ma lectrice anonyme n’aura pas manqué de remarquer la prépondérance du féminin dans ces activités artistiques. Ce n’est pas un hasard : c’est un choix. C’est le même choix qui a mené à l’organisation annuelle des Lectures Sophie Kowalevski depuis 2021 (en souvenir d’une brillante mathématicienne, écrivaine et voyageuse). Exister, c’est insister, comme on dit ! Garantir l’accès aux sciences pour tou·te·s, quel que soit le genre ou l’origine sociale, est incontournable si l’on souhaite vraiment un développement juste et efficace des sciences, mais aussi, tout simplement, une société plus humaine.

Une matrice angevine

Le petit texte qui suit décrit les Lectures Sophie Kowalevski. Il a été publié dans la Gazette de la Société Mathématique de France (octobre 2022, numéro 174). Je l’ai signé avec Clotilde Fermanian Kammerer, Barbara Schapira et Susanna Zimmermann.

Les Lectures Sophie Kowalevski sont une série de cours de master visant à soutenir l’intérêt des étudiantes en mathématiques pour la recherche. Elles se déroulent chaque année dans la douceur printanière de l’Anjou en accueillant une cinquantaine de personnes, avec parité. Deux cours (de huit heures chacun, réparties sur trois jours) sont dispensés par deux chercheuses, l’un en Analyse/Probabilités et l’autre en Algèbre/Géométrie. À ces cours s’ajoute un exposé plus historique ou sociologique sur la place des femmes en mathématiques. Il ouvre parfois des échanges très stimulants entre l’oratrice et le public.

Des chercheuses et des enseignantes-chercheuses, “les marraines”, sont invitées à suivre les cours, à dialoguer avec le public et à proposer du mentorat aux étudiantes qui le souhaitent. C’est aussi l’occasion pour elles de faire la connaissance d’autres collègues qui travaillent dans des domaines thématiquement éloignés.

Outre le plaisir de faire des mathématiques dans une ambiance conviviale où se mélangent étudiantes, étudiants et chercheuses de toute la France (et au delà !), les Lectures sont l’opportunité de transmettre des informations sur les carrières mathématiques et d’offrir une vision plus riche des possibilités qu’ouvre notre discipline. Certaines participantes nous ont ainsi explicitement dit, à l’issue des Lectures, qu’elles étaient désormais motivées à poursuivre vers des thèses en mathématiques. Plusieurs participantes ont aussi vu corrigées des informations manifestement erronées sur les carrières possibles après des études en mathématiques. Non, l’enseignement et la recherche ne sont pas les seuls débouchés !

Quel plaisir également de voir étudiantes et étudiants comparer leurs masters respectifs et en parler ouvertement avec des enseignantes ! Ces discussions variées (sur les mathématiques, l’enseignement, la vie de la recherche) rappellent celles qui ont lieu lors des conférences de recherche. Les Lectures offrent cet aspect interactif et convivial qui fait aussi (et surtout ?) le sel de la recherche. Faire des mathématiques, c’est aussi déambuler au soleil sur un campus, rire avec ses enseignantes et jouer sérieusement devant un tableau.

Certes, cette action vise explicitement les étudiantes, mais la réflexion qui vise à mieux les inclure dans les études mathématiques a aussi des effets sur les étudiants à travers des discours volontairement rassurants et bienveillants. Les étudiants en mathématiques ne se reconnaissent pas tous dans le portrait de solitaires éblouis par les concours, les compétitions ou le prestige scientifique ; nombre d’entre eux rêvent aussi à une communauté mathématique inclusive dans laquelle chacune et chacun a pleinement sa place. Nous pensons que la joie de comprendre des idées mathématiques en se sentant réellement accueilli-e au sein de notre communauté devrait être la matrice des mathématiciennes et mathématiciens qui nous remplaceront.

Puisse cette initiative angevine durer et en faire naître d’autres !

Cérémonie IUF 2022

Avec Susanna Zimmermann, nous avons eu le plaisir de participer à la cérémonie des nouveaux membres de l’IUF le 17 octobre dernier en compagnie du directeur du LAREMA, Laurent Meersseman, et de la première vice-présidente de l’université d’Angers, Françoise Grolleau. Quelques photos sont disponibles par ici.

What is LGBT mathematics?

One could consider this question an awkward one, since gender and sexual orientation seem to have nothing to do with mathematics. After all, is it not just only about imagination, reason, and proofs of theorems? Each time I am facing such a view point, I can’t prevent me from asking: would you also say that poetry is only about writing poems, that painting is only about painting pictures, that music is only about playing notes, or that philosophy is only about creating new concepts. Not only such reductions are inaccurate, they also constitute strong statements against thinking and its inherent danger. By this, it might in fact be perfidiously stated that mathematics is not an art. A true art always transcends itself and faces dangers. Moreover, without motivations (etymologically what puts in motion), there is simply no art. Motivations connect us with the breath of our soul and they sometimes want to go far beyond what we can conceive or imagine. It is likely a naive illusion to believe that there are only scientific motivations to mathematics. Do we really have to remember that Plato thought that our souls were immortal because they were able to see eternal ideas? Without flying into the Platonic sky, would we be surprised to discover a link between the spectrum of autism and the desire for mathematics? We all have motivations, be they unconscious (like vital trends). Poets commit themselves to resist oppression by expressing unspeakable feelings. In the same way, apparently neutral paintings often send moral messages. For instance, in The Death of Seneca by Rubens, Seneca doesn’t die by his own hand whereas we know that he committed suicide (considered the ultimate freedom for the Stoics).

The Death of Seneca

Suicide was a sin for the Catholic Church. Homosexuality too. By the way, this Church still calls my sexuality “intrinsically disordered“. In the late nineties, this vocabulary has been used by the right wing of the French Parliament to deny the homosexuals the right to contract civil unions. In these dark ages, there were demonstrations where slogans such as “Burn the faggots” were used. I was 16 and starting loving mathematics. Some people fought against my future rights allegedly to protect children, ignoring that their own could be gay. I am 39 and still remember their fear glowing with hate. Being hated is appalling since, in mirror, hate ends up insinuating itself in your heart. This is destructive when you are young, gay, and permeable to homophobia. Fortunately, civil union eventually went voted. Fourteen years later, so was the marriage, after months of demonstrations against an unbearable equality. Let us close this intrinsically disordered parenthesis. Thinking that mathematics should remain pure of commitments gives me a strange feeling. All mathematicians should care of each other. They should understand that we are not all equal and that it matters precisely because mathematics aims at universality. But the magic of mathematics is not enough to make us equal: this would be very naive to think so in a world where a significant number of countries do not protect LGBT people from discrimination or violence. In all North African countries, homosexuality is still forbidden. In Russia, there is no protection, and the recent events even cast a gloomy light on the LGBT-phobia of the Russian state (which should remind us of purges in Chechnya). When I travel for research and that my friend can come with me, I always experience some diffuse feelings: is it safe to go? Of course, no one can be perfectly safe everywhere, but the risks are not the same for everyone. Talking about risks… We know that LGBT people are over-represented in terms of suicide risk, also in France, see the page. I deeply think that suicide is a freedom, but it should not be just a risk involved by a sick society. I have “survived” the social pressures and the risks inherent to my gay condition. However, my life is not the rule: how many of “these people” (as recently said by a French Minister) will we never meet in mathematics? Why should all these potential colleagues or collaborators stay in the limbo? Yes, social selection exists: less than one mathematician over four is a woman, in France. If one really loves mathematics, one wants it to reach its full potential. That is why the mathematical community should embrace actively all the human beings and extends its desire of universality not only to the boundaries of the universe, but also to the boundaries of our eternal (he)art.

P.S. The reader might be interested in the following association: http://lgbtmath.org/ or in the blog https://anthonybonato.com/

Lectures Sophie Kowalevski 2022

Les Lectures ont eu lieu cette année à Angers du 30 mai au 1 juin. Elles ont réuni une quarantaine d’étudiantes et étudiants. Ce fut l’occasion de nombreuses discussions mathématiques (et pas que !) autour des cours de Simona Rota Nodari et d’Olga Paris-Romaskevich ou de l’exposé de Catherine Goldstein.

Merci à Anaïs Crestetto et Clotilde Fermanian Kammerer de leur présence !

Pour plus d’informations : https://www.lebesgue.fr/fr/LSK2022/programme

Méandres du directeur

Cela fait bientôt un an que je suis directeur du département de mathématiques d’Angers. Ce constat est l’occasion d’une petite réflexion. On oublie parfois qu’un directeur de département est aussi et surtout un enseignant-chercheur. L’image qu’on s’en fait parfois comme d’un être essentiellement “administratif” me semble terriblement fausse et même désobligeante : un directeur qui ne serait qu’un gestionnaire ne s’interrogeant pas ou ne s’étonnant de rien serait une bien piètre personne. Peut-on même concevoir qu’un enseignant-chercheur cesse de se poser des questions et se complaise dans des habitudes ou des croyances ? Alors, plutôt que de justifier mon besoin naturel de douter, le mieux est sans doute de penser, de panser. Plusieurs expériences m’ont amené à écrire les lignes qui suivent. Ces expériences sont à la fois humaines et mathématiques et concernent de près ou de loin la place de l’imagination et du dialogue dans les mathématiques, et plus largement dans les relations humaines. J’espère que mes lecteurs et mes lectrices me pardonneront certaines formules obscures : je n’en ai pas trouvé de meilleures pour décrire les teintes variées de mes expériences. Puisse de cette obscurité jaillir un peu d’intelligence.

Lorsqu’on évoque les mathématiques, de multiples images apparaissent. Elles sont d’abord un peu confuses, puis on distingue des formes et des relations. Ces relations, souvent écrites, les équations, ne sont jamais bien loin des formes. Elles sont d’ailleurs aussi abstraites qu’elles. Qu’on se demande un instant ce qu’est un carré, aussitôt, une image se présente, celle d’un quadrilatère un peu spécial. L’image nous impressionne, elle nous captive. Quelle étrange expérience quand on y songe ! Lorsqu’on s’imagine un carré, qu’on le voit mentalement, qu’on en parcourt les côtés, qu’on se pique à ses angles droits, un phénomène surprenant se produit : le monde extérieur, celui que perçoivent nos sens, vient d’être aboli. Soudain, la conscience toute entière s’est trouvée au chevet du carré. Nous étions, il y a un instant à peine avec ce carré rêvé, suggéré par l’auteur de ces lignes. Nous le voyions, il nous était présent, mais il n’était pas sous nos yeux. Où était-il ? Bien sûr, à son évocation, nous aurions pu avoir une feuille et un crayon sous la main et le tracer. Nous aurions pu le rendre, en quelque façon, plus réel, plus visible. Qu’est-il ce carré que nous considérions à l’instant ? Est-il un souvenir ? Les souvenirs sont mouvants et ils peuvent donc souvent nous tromper. Ce carré n’a pas l’air trompeur, son image est stable. D’où lui vient cette espèce de fidélité que la plupart des souvenirs ne possède pas ? Peut-être a-t-il été souvenir autrefois dans l’enfance. Que lui est-il arrivé ? Il n’est plus seulement une image ou un souvenir. Ce phénomène se produit d’ailleurs pour certains souvenirs de notre existence personnelle. Peut-on croire que l’image d’une personne il y a longtemps disparue soit un simple duplicata de l’expérience qu’on a vécue avec elle ? Cette question se fait particulièrement vive lorsqu’on vient de perdre un être aimé, car on ressent parfois un subtil dégoût à résumer une relation à des images-fétiches. On sent que le souvenir naïf ne sera pas suffisant pour sauver de l’oubli la relation qu’on avait avec le mort. Une collection d’images glanées au fil des ans, de bribes de conversations, de sourires, de pleurs, d’intonations ne suffit pas à elle seule à l’œuvre de la mémoire. Car dans la multitude des images, il y a aussi beaucoup d’insignifiance. Ce qui émeut dans le sourire soudain ressuscité de l’être disparu, ce n’est pas l’image elle-même, ce n’est pas l’émotion ressentie autrefois (d’ailleurs, on peut se souvenir avec joie de grandes tristesses et réciproquement). Alors, comment sauver l’être profondément aimé pour éviter qu’il ne meure tout entier ? Que faire qui soit à la mesure de notre amour ? On peut bien croire, quasi mystiquement, que tout ce qui se produit dans le monde se conserve dans une mémoire universelle, que tout être vivant laisse en elle une trace indélébile. Cela ne suffit pas au cœur peiné qui sent l’irréversibilité de la vie et de la mort. Qu’il y ait un Être omnimémoriel ou pas, on raconte la vie de ceux qui nous ont quittés. On parle du disparu aux autres, mais on s’en parle aussi et surtout à soi, à travers les autres. L’œuvre de la mémoire, dans ce qu’elle touche à notre responsabilité, est impossible sans récit et le récit lui-même ne peut exister qu’avec autrui. On répondra à ceci qu’on peut bien soliloquer, mais tout psychologue sait que quand on parle seul, on parle encore à quelqu’un. D’ailleurs, l’activité de penser elle-même est un dialogue entre soi et soi-même. Allons encore plus loin : tout dialogue authentique est un dialogue avec soi. On s’étonne parfois de la possibilité de se parler à soi-même, mais c’est surtout le fait d’une naïveté de l’ego. Bien au chaud dans ses habitudes, calfeutré dans une maison où il se croit seul, il ne croit pas au Horla. Durant toute notre existence, pourtant, autrui nous accompagne comme notre conscience : il est en nous autant que nous sommes en lui. De même, nous sommes aussi confondus avec notre conscience que notre conscience est confondue avec ce dont elle a conscience. C’est cette compénétration qui rend la pensée possible : autrui est la condition de toute pensée.

Cependant, l’ego veille, tel Penthée au sommet de son pin. Son destin est le conflit avec autrui, réduit à n’être qu’un adversaire radicalement différent. L’histoire de Penthée, racontée et commentée par Jean-Pierre Vernant, devrait pourtant nous édifier et nous mettre en garde. Ce mythique roi de Thèbes refusa l’hospitalité à Dionysos, le dieu vagabond, le dieu étranger. Il refusa même de reconnaître en lui un dieu. Malgré ce rejet radical (ou à cause de lui), Penthée fut fasciné par Dionysos, cet étranger aux airs efféminés. En lui déniant la possibilité d’être son semblable, il prit le risque de vivre rejeté hors de lui-même. Naturellement, cette polarisation et cette séparation radicale voulues par Penthée firent le lit d’une obsession pour Dionysos et ses œuvres (notamment l’ensorcellement des thébaines réduites à l’état de nature et vivant nues avec les animaux de la forêt). Penthée fut alors subjugué par le dieu, amené à porter les mêmes vêtements féminins que lui et à épier nerveusement la communauté des femmes du haut d’un pin. Lui, l’homme libre et viril, sûr de son identité, c’est-à-dire enfermé en elle, devint l’esclave de son imagination. Que faisaient les femmes dans la forêt ? Qu’est-ce qui rendait Dionysos si ensorcelant et si séduidant ? Que pensait-t-il ? Pourquoi disait-il ci ou ça ? Que cherchait-il ?
Ce roi, arrogant dans ses certitudes et confit dans ses habitudes, en fut réduit à n’être plus qu’une marionnette obsédée par des fantasmes. Les femmes alors, furieuses d’être épiées par l’importun, le firent tomber de son pin et le mirent en pièces.

Penthée n’est pas seulement l’épouvantail grec de l’hospitalité, il est aussi un exemple frappant d’absence de pensée. L’ego ne pense pas : il n’est que la vie repliée sur elle-même et ignorante d’elle-même. Le rejet d’autrui semble avoir chez Penthée pour corrélat une imagination, une activité fantasmatique, très active. L’autre, installé radicalement hors de lui-même, intrinsèquement rejeté, rejaillit dans sa psychologie sous forme de fascination : les femmes, si différentes des hommes, l’obsèdent ; Dionysos, l’étranger rejeté, devient un modèle. L’imagination de Penthée est de l’ordre d’une possession démoniaque : une fois l’autre refoulé, l’altérité resurgit de toutes parts et fait le siège de Penthée. Et le combat est perdu d’avance.

Cette petite histoire peut nous éclairer sur certains aspects de l’imagination. On pourrait un peu naïvement croire que l’imagination enrichit le monde en nous faisant voir l’invisible. Elle nous montre bien un carré absent et parfait ; elle réinsuffle la vie aux morts ; elle nous permet de nous figurer les pensées des autres ou d’envisager le divin… Elle nous transporte ailleurs sans que nous ayons à bouger. Quelle faculté admirable ! Mais quelle en est la condition ? L’imagination rend visible l’invisible… et invisible le visible. Cette permutation quasi miraculeuse se produit au prix d’un éloignement de la sensation. En premier lieu, l’imagination n’enrichit pas le monde, elle le remplace ; elle lui substitue des images produites, mélanges de souvenirs, de sensations, d’intentions… Elle nous montre des possibles. Ainsi, mon interlocuteur pourrait penser ci ou ça, ressentir ci ou ça. Interpréter les expressions d’un visage, c’est d’abord imaginer des intentions. On peut s’étonner que, dans ces lignes, l’imagination soit décrite comme une personne (Dionysos !) toute entière vouée à la monstration. Elle semble à la fois dénuée d’intention et pleines d’intentions souvent contradictoires. La contradiction est manifeste dans le présent par la réunion de multiples images-intentions collectées en des temps différents de notre expérience personnelle. En imaginant, on rêve éveillé ; on rêve au présent. Que faire avec ces contradictions de l’imagination, c’est-à-dire avec la multiplicité de nos états de conscience présents et passés ? Lorsqu’on dort, c’est-à-dire durant le tiers de notre existence, on fait bien souvent avec. Lorsqu’on dort, qui dort vraiment d’ailleurs ? Ne serait-ce pas l’autre en nous ? Le sommeil nous libère en quelque sorte de l’altérité. À l’état de veille, nous avons affaire avec les autres, les autres nous-mêmes. Quelle angoisse ! Mais qui suis-je ? Pour me poser cette question, je sens bien que je ne peux pas coïncider avec moi-même : la question me dédouble et la question se dédouble elle-même ! Je suis l’auteur et l’auditeur de la question et la question devient soudain “Qui es-tu ?”. Je me croyais seul, mais l’interrogation a fait paraître l’autre, l’autre que j’ai été, l’autre que j’ai rencontré. Puissante imagination ! L’autre vient de paraître et, pourtant, où que je regarde autour de moi, il n’y a personne. Cette expérience doit nous instruire : dès que nous nous croyons seuls, nous ne le sommes plus. Un autre veille, prêt à surgir et à devenir notre interlocuteur ou notre tentateur : tel est l’enseignement de la solitude. Bien sûr, cela incite à la prudence dans les relations humaines. Car sait-on vraiment à qui on parle ? Est-ce à celui qui est ici, devant moi, visible, accessible au toucher ? Ou est-ce à l’autre qui surgit dans les moments de solitude ? Soudain, l’imagination peut surgir et bannir celui qui est là, lui le vivant, lui l’inconnu et le remplacer par l’autre, celui qui n’est pas là, mon Horla, moi… mois. Fascinante imagination ! Ne la blâmons pas trop, car celle qui peut nous séparer de nos semblables nous aide aussi à les rencontrer. La faculté de dédoublement qu’elle suscite contribue à la reconnaissance des autres, confondus provisoirement avec soi-même. Le dialogue avec soi-même élimine alors peu à peu les possibles et soi-même se métamorphose en autrui, déshabillé de l’imagination. Nous étions seuls et nous sommes devenus deux, nous sommes devenus un. Le dialogue nous a donné deux existences indépendantes, mais il nous a aussi ramenés à soi, le sujet de tout dialogue, ce sujet à deux voix, qui est bien plus que nous. En miroir, le dialogue fait naître des sujets comme des déclinaisons de soi, une même âme en deux corps ; en cela, il est parent de l’amitié. Avant la rencontre, nous nous croyons toujours seuls, mais nous le formulons rarement avec clarté : à quoi bon le faire ? La parole nous exorcise de cette croyance, de la tentation solipsiste. Notre existence individuelle n’est pas plus assurée que celles des autres : elle est seulement rêvée, imaginée. Cette identité est une image parmi les autres, une image fétichisée, car on croit à notre propre permanence. Dans la multitude des images, il y a beaucoup d’insignifiance, disions-nous : notre identité, comme toutes les images, est en proie à l’insignifiance. Le carré imaginé lui aussi est prêt à se dissoudre dans l’absurde. Aucune Idée platonicienne ne vient le sauver ; pourtant, il demeure, quand bien même nous ne voudrions plus y croire. De même, notre existence demeure lorsque nous nous déshabillons dans le dialogue avec autrui. Elle n’est plus seulement une image ; elle est aussi une relation, une relation amicale, oserait-on presque dire. Le carré absent et l’être aimé disparu ont en commun la relation qu’on souhaite entreprendre (et qu’on vit) avec eux, malgré leur absence. On les imagine ; et on sent, on vit, on sait qu’ils ne sont pas . Ce savoir est le signe d’un éden dans les tourments d’une imagination agitée. “Je suis avec eux malgré leur absence.” Cette distance, cette congédiation partielle de l’imagination est le début d’une pensée. “Tu es imagination, tu n’es pas ce que tu représentes”, diraient les stoïciens. Cette distinction entre l’image et l’être par le moyen du langage est proprement l’acte pensant. Tant que ce qui est demeure dans le silence, les images nous agitent et nous passionnent ; et l’autre, là, l’étranger, devant moi, qui vit, qui respire, peine à trouver son chemin vers une existence indépendante, car je ne sais pas qu’il est . En ignorant sa présence, c’est aussi ma propre présence que j’ignore. Alors ce carré que j’imaginais tout à l’heure, où est-il ? Il existe dans le monde des êtres aimés et disparus, celui du récit, du dialogue, de la pensée, dans le monde du malgré. Nulle Idée, nulle âme particulière n’est nécessaire pour le conserver. La parole, seule, résonnante et raisonnante le sauve du néant en en faisant plus qu’une image : une pure relation avec autrui.