Article publié dans Le SNESUP, n°685, mai 2020
Le confinement a entrainé une brutale décélération de l’économie française. Un tiers de la production nationale a disparu. C’est considérable et cela explique la chute de 5,8% du PIB calculée par l’INSEE pour le premier trimestre. Il est à peu près certain que le second trimestre verra une contraction encore plus forte se produire, la période de confinement y étant plus longue. Il ne faut pas non plus perdre de vue que la qualité de l’activité s’est elle-même dégradée. Ainsi, malgré le dévouement de son personnel, notre système éducatif n’a pas été en mesure d’apporter un service public satisfaisant à l’ensemble des élèves et étudiants. La distanciation n’est pas compatible avec l’éducation et de nombreuses activités sociales.
Mais les difficultés économiques risquent de ne pas prendre fin avec le déconfinement pour au moins deux raisons.
La première est que la crise sanitaire n’est pas terminée. Selon les épidémiologistes, le virus ne disparaitra pas dans les prochains mois. Il faudra donc maintenir dans la durée des mesures de distanciation. Or, celles-ci vont forcément se traduire par un profond changement des comportements. Dans la culture, l’évènementiel, le tourisme, la restauration, les transports, etc., il faut s’attendre à ce que la crise se prolonge bien au-delà de l’été.
La seconde raison d’être pessimiste est liée à la manière dont la période de confinement a été gérée sur le plan économique. En facilitant et en généralisant le chômage partiel, le gouvernement a souhaité mettre l’économie « sous cloche » avec l’idée que les entreprises pourront repartir comme avant une fois la cloche relevée. Mais, en réalité, tout n’a pas été gelé. Les loyers, les remboursements d’emprunt et de nombreuses charges fixes ont continué d’être exigés des entreprises et des ménages alors même que les revenus d’activité s’effondraient. La rente a de fait été protégée en vertu de la sacralité des contrats. Cette situation a créé une asymétrie dans la répartition des revenus qui a duré tout le temps du confinement. Les propriétaires ont touché les loyers d’entreprises dont l’activité avait disparu. Pour répondre à ce problème, le gouvernement a demandé aux banques de financer les besoins de trésorerie. Mais cela va se traduire par une hausse de l’endettement dans un secteur déjà très endetté.
On a tendance à s’inquiéter beaucoup de l’endettement public. Certes, les mesures prises pendant le confinement vont accroitre la dette publique, mais celle-ci est aujourd’hui garantie par la politique très accommodante de la banque centrale. Aussi, même si cette dette devait passer à 120 ou 130% du PIB à la fin de 2020 cela ne mettrait pas l’État en péril. En revanche, le niveaux d’endettement des entreprises risque fort de porter atteinte à leur solvabilité et à celle des banques. Au final, cette crise économique pourrait dégénérer en crise bancaire et financière à l’automne.
Difficile de dire comment cette situation se dénouera. Mais ce qui est sûr, c’est que les rapports entre créanciers et débiteurs ne sont pas de simples questions économiques. Ce sont aussi des rapports sociaux et politiques. En cela, il faut espérer que le rétablissement d’une éventuelle crise financière ne soit pas l’occasion d’une nouvelle réponse comptable, mais qu’il soit l’occasion d’un véritable débat sur la nature de notre modèle économique et sur la question de savoir qui devra payer le coût de cette crise et qui devra être épargné.