Tout a commencé en 2011 avec la très dynamique infirmière de prévention du SUMPPS (Service Universitaire de médecine préventive), C. Rioual.
Dotée d’un budget pour faire des animations à l’aide d’une équipe de moniteurs étudiants, de matériel adapté (jeux, tests, etc.) et d’une énergie considérable, C. Rioual a commencé à développer des animations hors les murs en 2010-2011 : quelques soirées d’hiver dans les bars préférés des étudiants, des journées de sensibilisation aux thématiques sommeil, alimentation, MST, alcool, contraception, sécurité routière etc. dans les halls d’accueil des facultés venaient compléter les classiques présentations en amphi de début d’année.
Lorsqu’elle est venue demander à intervenir dans l’enceinte des BU au printemps 2011, Maud Puaud, en charge de la valorisation des collections à l’époque, a défini avec elle un modèle solide, reconduit d’année en année depuis novembre 2011 :
- Un stand de prévention et d’échanges dans le hall de chaque BU le premier lundi du mois, en alternance à belle Beille et à Saint Serge, soit 4 fois par an dans chacune.
- La possibilité d’organiser, en fonction des espaces, des animations spécifiques : parcours “Tu t’es vu quand tu as bu”, tests d’audition dans les petites salles de groupe, tests d’effort…
- Lorsque les collections le permettent, nous proposons une sélection documentaire autour de la thématique.
- Au fil du temps se sont ajouté le bar à tisane, et depuis deux ans, des ateliers massage et relaxation.
Chaque stand permet à l’équipe du SUMPPS d’échanger avec plusieurs centaines d’étudiants en quelques heures. Les ajustements se sont faits au fil de l’eau, après un échange de bilan chaque fin d’année entre M. Puaud et C. Rioual : évolution des horaires (la tranche 11h-16h30 s’est révélée plus efficiente que la 9h30-15h), ritualisation de certaines thématiques en lien avec le calendrier national de prévention (mois sans Tabac, Journée mondiale du sida)…
2/ 8 ans d’apprentissages
Nous avons beaucoup appris de cet accueil d’un autre service dans nos espaces.
D’abord en observant directement l’efficacité des stands pour échanger sur des questions complexes : là où les flyers restent lettre morte, où le recours à l’accueil ne se fait que pour ce que les gens imaginent déjà y trouver (questions de prêt, d’orientation), le fait d’aller vers les utilisateurs de la BU pour leur proposer un échange direct apporte plein de choses.
Suite aux premières interventions de C. Rioual et son équipe, nous avons lancé:
- les premiers stands de présentation d’Ubib en 2012, repris chaque année jusqu’à aujourd’hui et qui ont essaimé dans la plupart des 19 SCD du réseau…
- une collaboration pendant 2 ans de 2013 à 2014 avec la direction du numérique pour une présentation de début d’année des services numérique “BUAssistance” ;
- des stands de rentrée en 2015 et 2016 ;
- des stands de présentation du matériel en prêt et services “invisibles” (ubib, rendez-vous avec un bibliothécaire) à partir de 2017.
Nous avons pu constater qu’un bon moyen de communiquer sur nos services « invisibles » est d’aller en parler avec le public fréquentant les BU sans attendre qu’il vienne nous poser des questions.
En matière d’évolution des compétences, nous avons observé un vrai avant/après en 2013, lorsque C. Rioual a mis en place une formation spécifique “prise de contact “avec son équipe de moniteurs. Côté BU, nous avons réalisé, en spectateurs, la différence de posture entre “attendre que les gens viennent à nous” et “aller vers”, et l’effet d’attraction que pouvait avoir le fait de proposer des choses concrètes à faire, de poser des questions ouvertes, d’écouter plutôt que de parler…
Un pas de côté sur une perception globale de nos utilisateurs… et de nous-mêmes !
Pour la petite histoire, ce partenariat m’a permis quelques expériences improbables en BU, comme celle d’enfiler un préservatif sur un phallus en silicone dans une boîte noire, faire un parcours avec des lunettes simulant une alcoolémie de 1,5 g dans le sang, d’entendre des témoignages de parcours utilisateurs d’alcool tout au long d’une soirée étudiante, de pédaler pour mixer un smoothie de fruits frais ou de me faire masser le dos au travail… 😉
Ces stands ont par ailleurs été l’occasion d’ évoquer en équipe de direction certaines thématiques parfois douloureuses comme celle des addictions en milieu professionnel , et ont directement nourri notre réflexion sur le “jusqu’où ne pas aller trop loin” en matière d’ouverture des BU en nocturne afin de respecter le besoin de sommeil des étudiants.
Au-delà de l’anecdote, tous les exemples ci-dessus montrent à quel point inviter le SUMPPS dans les bibliothèques universitaires peut être utile pour apprendre à regarder notre public à travers d’autres prismes que celui du seul « consommateur de bibliothèques et de documentation » et d’avoir une approche plus globale et humaine de ses besoins.
2/ De l’animation orientée étudiants à une démarche globale de prévention au sein de l’équipe de la BUA
Notre collaboration avec le SUMPPS a gagné une épaisseur supplémentaire à l’occasion d’un projet étudiant au printemps 2018 : des étudiants d’une école de santé de l’UA (Issba) ont mené un projet de prévention tutoré par C. Rioual. Ils ont choisi de travailler sur la prévention des dorsalgies et TMS chez les étudiants. A l’occasion de ce projet, les étudiants porteurs du projet ont pris contact avec un kinésithérapeute et ergonome du Centre de la main de Trélazé, F. Degez, qui a accepté, à titre gracieux, de les former à quelques exercices simples à proposer en amphi pour soulager lombaires et cervicales.
A ce point du projet, les étudiants se sont dit que la BUA pourrait être également un bon lieu d’intervention. Ils nous ont demandé la permission d’y faire une animation pour les étudiants.
Or, nous souhaitions, sans toujours savoir par où prendre le problème, travailler sur le mieux-être au travail dans notre équipe où plus d’un tiers des collègues souffre de TMS. Nous avons donc, avec l’accord des étudiants, invité l’infirmière et le médecin du travail ainsi que tous les collègues volontaires à être formés par F. Degez en même temps que les étudiants relais du SUMPPS et les étudiants porteurs de projet.
Double bénéfice : les collègues ont ainsi l’occasion de mieux comprendre les motivations de l’animation en salle de lecture et peuvent se saisir, s’ils le souhaitent, d’une occasion de faire évoluer leurs postures au poste de travail.
Nos collègues de la médecine du travail se sont emparés de l’idée avec enthousiasme et nous ont proposé, après la matinée de formation sur la base du volontariat, une intervention systématique « au poste de travail » avec conseils d’installation in situ et démonstration de gestes faciles à faire dans le bureau même pour « rembourser, tout au long de la journée, sa dette posturale ». L’aval de la médecine du travail, le caractère systématique et collectif permet à chacun de s’autoriser à changer ses habitudes plus facilement que si le groupe n’était pas associé à la définition de ce qui pourrait devenir une nouvelle norme sur ce qu’on peut faire/ne pas faire de son corps au bureau.
En parallèle, nous poursuivons l’équipement, à la demande, des collègues en matériel ergonomique : souris verticales ou horizontales, claviers courts, lutrins de saisie.
Nous n’avons pas encore confirmé l’essai et rembourser sa dette posturale au bureau est loin d’être rituel partagé par tous ; nous sommes néanmoins plusieurs à nous autoriser étirements et gainage au travail… sans que la qualité de ce dernier ne s’en ressente, bien au contraire !
L’intervention a eu lieu : les étudiants relais sont passé toute une matinée dans la bibliothèque faire du conseil personnalisé aux étudiants à leurs places de travail au moment où l’infirmière du travail faisait de même dans les bureaux. A midi, nous avons utilisé le système de diffusion audio de la BU pour inviter tous les présents à une séance collective d’étirements guidée par les étudiants relais à chaque plateau des salles de lecture.
La marque BU est très puissante : lors de l’animation Prévention postures, au moment où tous les utilisateurs de la BU ont été invités à 5 minutes de travail sur leur corps plutôt que sur leurs manuels et où l’action s’est faite plus intrusive, 1/3 des usagers, soit environ 200 personnes, sont sortis manger. Nous n’avons pas eu sur le coup les quelques mails de protestation qui accompagnent parfois les initiatives à caractère artistique, mais avons bien senti que le positionnement d’une BU là où l’on ne attend pas peut être une gêne pour des utilisateurs venus réviser en paix.
Notre argumentaire tient en peu de mots: plus de 3500 heures d’ouverture pour les usages classiques, moins de 1% d’actions d’ouverture… Ces 1% concourent à nourrir autrement notre image et à affirmer qu’une BU ce sont bien des services, des livres et des espaces de révision… mais pas que et que nous sommes aussi là pour nourrir 1001 manières d’apprendre !