Les tests d’utilisabilité se situent dans la sphère des projets Ux ou encore de design de l’expérience utilisateur. Ils ont la particularité de se situer dans une zone à très fort enjeu, celle des points de contact entre services offerts par la bibliothèque (A) et utilisateurs (B).
Qu’est-ce qu’un test d’utilisabilité ? C’est une méthode qui permet d’évaluer un produit/outil en le faisant tester par des utilisateurs, au moyen de scénarios préalablement construits. Les tests d’utilisabilité permettent d’observer directement un utilisateur en train de se servir d’un produit/outil et d’identifier concrètement les difficultés qu’il rencontre. A la BU d’Angers, nous avons déjà mené 4 tests, principalement sur le site internet et le catalogue de la BU. Ils ont tous donné des résultats saisissants et été source d’étonnement professionnel et d’échanges nourris entre bibliothécaires et utilisateurs.
Voici deux exemples :
– le premier concerne l’accompagnement du déploiement de nouvelles conditions d’emprunts à la BUA. Ayant décidé de passer au prêt illimité à compter de septembre 2015, et de placer le service de réservation de livres au cœur du dispositif, pour assurer une rotation satisfaisante des livres les plus demandés, nous avons soumis notre catalogue et son interface de réservation aux clics et remarques de nos utilisateurs. Ce test d’utilisabilité a mis en lumière :
- la visibilité très limitée du bouton déclenchant la réservation,
- la quasi absence d’informations contextuelles pour accompagner le parcours de l’utilisateur et
- le contenu lapidaire des courriels d’information.
Nous avons donc retravaillé l’ergonomie de ces pages, proposé une refonte des intitulés et ajouté des éléments d’information précis pour accompagner une réservation (où récupérer les livres réservés, indiquer un temps d’attente, etc).
Un test de vérification a montré les effets très positifs des améliorations apportées. Nous avons également pu observer une hausse importante du nombre de réservations via notre site internet.
– le second exemple concerne les contenus du site. Nous avons utilisé la technique dite des tris de cartes pour tester deux choses : les contenus que les utilisateurs s’attendent à trouver / dont ils ont besoin sur notre site internet d’abord, et les intitulés des menus du site ensuite. Cet exercice nous a encouragé dans la voie de l’amaigrissement. J’explique : notre logique de bibliothécaires, rédacteurs de contenus, de procédures, de la longue traîne de billets de blog accumulée au fil des ans s’est trouvée subitement confrontée aux réalités d’une espèce différente de la nôtre, que vous connaissez vous aussi : les étudiants. Leurs attentes : un catalogue simple à utiliser, un accès aisé aux informations pratiques, des horaires visibles sur le site, des services organisés et regroupés dans une partie “actions”. Nos sites internet pêchent souvent par excès de contenus, nous voulons trop bien faire, trop en mettre, donner trop de détails, et cela se retourne contre nous. Ma question : vaut-il mieux soigner une vitrine attrayante et facile à mettre à jour et à alimenter ? Ou s’épuiser en alimentant un meuble à mille tiroirs ? Ou encore prendre le risque de donner accès à des informations erronées ou des contenus périmés ? Voici un
aperçu avant / après :
Le principal changement d’organisation concerne la simplification des menus : dans l’ancien site cohabitaient 3 menus, 2 menus sandwichs en haut de page et un sur la gauche. Dans le site remanié, il n’existe plus qu’un seul menu en haut de page et un menu en bas de page. Autre élément marquant : le site repensé est désormais responsive (accessible et adapté aux appareils mobiles), là où l’ancien exigeait de maintenir une version allégée sous un thème dédié “mobile”.
Comment organiser concrètement un test d’utilisabilité ? Munissez-vous de :
- 2 ordinateurs portables et d’un micro,
- téléchargez 1 logiciel gratuit, comme join.me.
Vous avez fait le plus dur. Réservez 2 petites salles (pas forcément l’une à côté de l’autre), achetez un jus de fruit et de quoi grignoter. Prévoyez 30 minutes pour installer le matériel et vous assurer qu’il fonctionne. Comptez ensuite 1 heure de test avec 2 ou 3 volontaires (2 ou 3 fois 20 minutes) et 30 minutes de debriefing avec les collègues participants. Lister les éléments que vous voulez soumettre aux mains expertes de vos usagers afin de créer un scénario. Un test d’utilisabilité ne coûte rien de plus que le temps de travail que vous lui consacrez. N’invitez pas vingt collègues, le debriefing risque sinon de durer beaucoup trop longtemps. Visez six ou sept observateurs maximum. Un test d’utilisabilité n’a pas d’objectif quantitatif, côté utilisateur, deux ou trois participants suffisent pour observer des choses intéressantes.
Faut-il accompagner le changement ou le faire ? Un test d’utilisabilité est souvent plus fécond, dans une optique managériale, que tout autre événement professionnel intégrant le mot « changement » dans son intitulé. C’est peut-être là le paradoxe des tests d’utilisabilité : il s’agit d’observer les autres faire, et de s’en nourrir pour adapter à la réalité nos services et outils. Oui, cette méthode est bénéfique dans une optique managériale, parce qu’elle dynamise les équipes en abaissant les barrières fonctionnelles et en atténuant celles de la hiérarchie. Chacun peut observer et dire ce qu’il a vu, sans être forcément un spécialiste ès-site-web. Les tests d’utilisabilité permettent de sortir des débats stériles et des opinions péremptoires sur “ce qui est bien”. Ils permettent aussi de réouvrir la conversation sur les outils numériques avec les utilisateurs et toutes les catégories de personnels de la bibliothèque, sans en faire le pré carré de seuls spécialistes d’informatique documentaire, ni un objet intouchable entre de grandes refontes tous les 3 à 4 ans.
La bibliothèque n’est pas physique d’un côté et numérique de l’autre, elle est indistinctement les deux et cela doit se traduire dans le travail quotidien et être visible dans l’organigramme fonctionnel. Créer/recréer une DSI à l’intérieur des bibliothèques universitaires n’est pas forcément une bonne chose. Computers in libraries analysait déjà en 2014 la question des périmètres nécessairement complémentaires des uns et des autres http://www.infotoday.com/cilmag/mar15/Robison-Wenzler-Marquez–The-Academic-Library-and-Campus-IT.shtml
A Angers, nous avons fait le choix de renoncer à la section numérique, au profit d’une mission transversale, ouverte à des agents dont les missions ne se limitent pas au numérique, voire à ceux qui n’ont aucune dimension numérique dans leur profil de poste, comme gage d’ouverture et de rayonnement des projets au sein de la structure. Pourquoi se plaindre de voir des projets numériques ne trouver qu’un faible écho parmi les équipes, lorsque ces dernières n’y sont associées qu’au moment du lancement ? Les tests d’utilisabilité permettent de proposer une touche de couleur numérique dans les profils et à impliquer des agents dans la réflexion sur les services en ligne, dans une optique orientée utilisateurs. C’est une façon habile et simple d’impliquer les agents dans des projets à caractère numérique, à différents moments de la vie des projets, en contournant le problème du coût d’entrée technique, et en permettant une meilleure compréhension des enjeux. Les quatre tests réalisés à Angers en 2015 ont vu presque 40% des agents de la structure s’impliquer, toutes catégories confondues.
Elevator pitch (argumentaire éclair)
Tout commence et tout finit par une décision. Chaque manager, responsable de bibliothèque et/ou directeur de SCD est libre de décider la mise en place de tests d’utilisabilité dans son établissement. Pour achever de vous convaincre, voici 4 quatre arguments décisifs :
– vous ne prenez aucun risque : les agents qui participent aux tests ne sont pas évalués sur cette activité, la structure d’un test d’utilisabilité est légère et peut prendre la forme d’un one shot, contrairement à un groupe de travail classique, potentiellement plus lourd à mettre en place.
– le quotidien devient projet : vous faites travailler vos équipes sur un objet connu et concret, vous mettez du projet à la portée des agents, OUI, grâce à vous le quotidien devient projet.
– vous récoltez immédiatement les fruits de votre travail : chaque test donne des résultats et produisent des changements visibles par tous, à court, moyen et long terme.
– vous faites du bien à vos équipes : ENFIN, et c’est indubitablement le plus important, vous faites du bien à vos équipes en valorisant leurs compétences transversales, comme l’esprit de synthèse et les capacités d’observation, vous bonifiez vos agents et contribuez à les former.
Pour réaliser vos premiers tests d’utilisabilité, voici deux documents incontournables : une grille de consignes pour les observateurs, et un vademecum destiné à guider les volontaires qui se soumettront au test. A vos tests d’utilisabilité !