Amandine Jacquet m’a appris qu’un de nos dadas angevins, très répandu dans les bibliothèques ailleurs dans le monde, allait devenir obligatoire en France à compter du 1er janvier 2022. Tous les établissements recevant du public seront désormais tenus d’être équipés d’au moins une fontaine d’eau potable accessible au public (1) par tranche de 300 personnes accueillies.
J’en profite donc pour remettre en lumière cet extrait du billet de février 2019 qui parlait principalement de l’installation de nos distributeurs “sans gobelets”, mais aussi en passant de nos fontaines à eau, parce que c’est maintenant qu’il faut commencer à vous préparer à rendre ce service, nouveau peut-être pour vous et très apprécié des publics, dès janvier 2022.
De l’eau à volonté
Depuis 2010, nous offrons à nos usagers dans chaque BU un distributeur eau froide à 5°, eau chaude à 80°, qui garde l’incontestable mérite d’offrir un service gratuit moyennant un investissement à 1500 € – après des tribulations nombreuses sur le choix du modèle. Si vous souhaitez mettre en place ce service, notez 4 choses importantes pour votre analyse des besoins :
- installation sur le réseau d’eau potable et contrat de maintenance et nettoyage 2 fois par an,
- gros débit (pour éviter les files d’attente) et espace de distribution confortable (au moins 35 cm entre la sortie d’eau et le socle),
- boutons poussoirs robustes,
- système d’évacuation performant +++, une personne sur deux rinçant son mug de la veille à même la fontaine, ce dernier constat s’appuyant sur des dizaines d’observations et la mort par asphyxie par excès d’arrosage d’un papyrus placé à proximité d’une fontaine à l’évacuation insuffisante.
Que d’eau, que d’eau
C’est un service qui rencontre un succès difficile à imaginer. La crise Covid a permis de mettre en évidence, lorsque nous avons mis en place la jauge et l’accès sur réservation en août 2020, que plusieurs dizaines de passages par jours vers la BU n’avaient pas d’autre raison d’être que de venir puiser de l’eau fraîche (par temps chaud) ou chaude (par temps froid) à la fontaine notamment avant et après les cours.
L’installation d’une fontaine bien dimensionnée exige :
- une évacuation vers le réseau d’eaux usées. Les gens vident toutes sortes de choses dans le déversoir, qui se bouche facilement, notamment avec les résidus de sachets de thé, les chewing-gums laissés là. Une poubelle à proximité est une nécessité absolue si on ne veut pas jouer les plombiers amateurs tous les trois matins.
- une alimentation en eau potable tirée depuis le réseau d’eau courante. Le débit de l’eau est une donnée importante pour éviter les files d’attentes à certains moments de la journée. Nous avons choisi un modèle de compétition à 150 l/h pour l’eau fraîche et où remplir une bouteille d’un demi/litre prend 10 secondes et qui permet donc à plus de 100 personnes par heure de se servir de l’eau à la température désirée. L’écart permet de glisser une bouteille de 1,5 litre (compter 30 cm entre la sortie d’eau et la grille d’évacuation). Le réglage du débit est un vrai enjeu si on veut éviter les inondations (trop fort) ou les files d’attente (robinet prostatique).
Le tuyau d’arrivée d’eau est très fin et pourrait se glisser partout. L’évacuation, elle est beaucoup plus contraignante et oblige à n’envisager les possibilités d’installations qu’à proximité des arrivées d’eau courante et évacuations d’eaux usées existantes. N’imaginez pas vous en sortir avec un bac à vider régulièrement. La bonde de la fontaine sert à vider toutes sortes de liquides, en abondance.
Si vous concevez un nouveau bâtiment, tenez compte de la contrainte des 1 fontaine pour 300 places et prévoyez d’en installer une à chaque étage / niveau / plateau. Cela est loin d’être anodin en termes de coûts et réseaux.
Hygiène et sécurité
La question de la mise à disposition de contenants est cruciale. En l’absence de solution, un nombre non négligeable de gens boivent “au robinet”, notamment quand un robinet col de cygne permet de se positionner confortablement. Ce qui n’est guère salubre, même en dehors de toute pandémie grave.
Notre choix de proposer de l’eau chaude et de l’eau froide (très contraignant et restreignant le nombre de modèles et d’entreprises) a exigé d’ajouter une signalétique prévenant du risque de brûlures avec l’eau sortant autour de 85°C.
Lors de la passation des marchés ménage, il vous faudra penser à demander ou ajouter le nettoyage humide quotidien ou deux fois par jour de la fontaine : les traces d’eau, a fortiori en région calcaire, font vite “sale” et pour garder votre fontaine rutilante, un effort particulier est nécessaire.
Au moment de l’installation de la fontaine, faites des travaux pour adapter le revêtement de sol : nous avons remplacé le flowtex (moquette rase pour collectivités), irrémédiablement tachée au bout de 5 ans sous la fontaine, par un sol vinyl, dont l’entretien est beaucoup moins pénible et qui permet de déceler très rapidement les fuites avant que l’étage du dessous ne s’en plaigne.
Et ma bonbonne ?
Au regard du débit dans une bibliothèque publique , évitez les petites fontaines de bureau à bonbonne (qui seront invariablement vides et dont le remplacement deviendra un sujet épineux en équipe) où vous ne pouvez laisser passer qu’un gobelet. Les gens essaieront d’y glisser des bouteilles d’eau, et en mettront partout.
Un conseil : pour un lieu public, laissez tomber la bonbonne, sauf si vous avez un agent de logistique toujours présent, de très bonne volonté, qui n’a jamais mal au dos et une équipe très dévouée pour l’appeler plusieurs fois par jour pour changer la bonbonne de 5 litres (souvenez-vous, à Angers, nous sommes sur du débit de 150 litres à l’heure…)
Les dessous des sous de l’eau
Alertez vos hiérarchies : une bonne fontaine à eau, c’est souvent plus de 800 € et donc de l’investissement. Il faut le prévoir dans votre budget 2022… Si votre université ou votre collectivité passe un marché, essayez d’être là, à la table des négociations et au moment de la rédaction du CCTP, armé.e du présent billet, pour ne pas vous retrouver avec un produit sous-dimensionné qui va vous donner du fil à retordre, des sols à nettoyer et, en fin de compte, ne rendra pas le service demandé.
L’eau, c’est la vie. La vie, c’est l’entropie. Et l’entropie humide, c’est la chienlit.
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<p(1) Extrait de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie, article 77, transcrit dans le Code de l’environnement, article L541-15-10, partie III : “À compter du 1er janvier 2022, les établissements recevant du public sont tenus d’être équipés d’au moins une fontaine d’eau potable accessible au public, lorsque cette installation est réalisable dans des conditions raisonnables. Cette fontaine est raccordée au réseau d’eau potable lorsque l’établissement est raccordé à un réseau d’eau potable.”
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/ et
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041568974/
Extrait du décret n° 2020-1724 du 28 décembre 2020 relatif à l’interdiction d’élimination des invendus non alimentaires et à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage :
“« Art. D. 541-340. – Pour l’application du quatorzième alinéa du III de l’article L. 541-15-10, on entend par “fontaine d’eau potable”, tout dispositif de distribution d’eau potable, raccordés à un réseau d’eau potable, permettant le remplissage d’un récipient pour boisson.
“Sont soumis à l’obligation de mettre à disposition du public au moins une fontaine d’eau potable, les établissements recevant du public relevant de la première, la deuxième ou la troisième catégorie telles que définies à l’article R. 123-19 du code de la construction et de l’habitation, dès lors qu’ils sont déjà raccordés à un réseau d’eau potable.
Le nombre de fontaines mis à disposition du public est adapté à la capacité d’accueil de l’établissement. Ce nombre est d’au moins une fontaine d’eau potable pour les établissements pouvant accueillir simultanément 301 personnes. Il est augmenté d’une fontaine d’eau potable par tranche supplémentaire de 300 personnes.
Ces fontaines d’eau potable sont indiquées par une signalétique visible et leur accès est libre et sans frais.”
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042753962
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000039041014/2019-09-01/