Bibliothèques ouvertes : ouvrir le dimanche 2016-


Chaumont sur Loire  25 juin 2015  079

Ouvrir mieux lorsqu’on offre déjà une amplitude hebdomadaire de 84 h (8h30-22h30) ? Fallait-il le faire et pourquoi ? Comment ? Retour sur 8 mois de préparation du projet d’ouverture dominicale de la BU St Serge à partir de novembre 2016.

Pourquoi ouvrir encore plus ?

  • Parce qu’il y a plus d’étudiants (de 18 500 en 2009 à 22 710 en 2016).
  • Parce que les étudiants le demandent et en ont objectivement besoin.
  • Parce qu’on ne peut pas pousser les murs et que seuls deux leviers permettent de jouer sur la capacité d’accueil : le nombre de places et l’amplitude horaire.
  • Parce qu’un co-financement dédié va permettre d’expérimenter si, quand et comment cela est faisable et pertinent pendant 3 ans.

Comment faire ?

Qu’il est long, le chemin…

Comme partout, l’appel à projet BO+ a obligé à avancer à marche forcée et à limiter le temps de concertation avant décision. Ouvrir le dimanche était une décision politique dépassant la responsabilité de l’équipe BU et peu propice à construire du consensus : le portage politique de la présidence de l’UA a a été constant, précieux et indispensable de même que celui du dossier par la COMUE Université Bretagne Loire qui a rendu ce projet d’ouverture dominicale éligible au plan de financement BO+.

Parcours sportif : Le calendrier institutionnel a été rapide et a abouti en environ un semestre, ce qui est peu, au regard du nombre de passages obligés :

→ 4 février = conférence de presse ministère annonce qu’un appel à projet va être lancé
→ 15 février = élection d’un nouveau président, C. Roblédo, à l’UA
→ Fin février et début mars = discussion entre gouvernance et direction de la BU sur l’opportunité de s’aligner. Décision prise d’attendre l’appel à projet officiel.
→ 24 mars = lancement de l’appel à projet officiel du ministère
→ 26 mars 2016 = le président de l’université d’Angers commande officiellement à la direction de la BUA, une étude d’opportunité et de faisabilité sur une éventuelle extension d’horaires d’ouverture
→ Avril = travail en équipe de direction sur le rapport bénéfice-risques d’une ouverture dominicale de la BU de centre ville et sa faisabilité
→ Séance d’information générale des personnels de la BUA et lancement enquête le 22 avril 2016
→ Réunion avec représentants BUA 28 avril 2016
→ Fin enquête 6 mai 2016
Synthèse enquête 9 mai 2016 et recueil des intentions des cadres de la BUA
→ Le conseil documentaire prévu le 10 mai est annulé suite à un cas exceptionnel d’égalité au plus fort reste lors de l’élection des représentants des personnels, non prévue par les statuts. AG des personnels en lieu et place du conseil et remise d’une pétition signée de 42 agents contre le projet.
→ Position officielle COMUE 15 mai 2016
→ Finalisation de la réponse commune 19 mai 2016
→ Information du CA, du CT et du CHSCT sur l’appel à projets entre le 15 et le 25 juin, avant la réponse officielle du ministère
→ Réponse Ministère 25 juin 2016, sous forme d’un communiqué de presse.
→ Information et échanges avec les personnels, par tables de 8 pendant environ 30 minutes, lors de la réunion générale du 30 juin 2016
→ Notification officielle COMUE = 11 juillet 2016
→ Négociation COMUE de répartition des moyens d’accompagnement entre les 7 établissements en septembre-octobre. Aboutissement de la négociation mi-octobre.
→ Motion des représentants des personnels BU B et C contre le projet lue en CPE le 12 septembre 2016 et en CT le 23 septembre 2016
→ Avis consultatif du CHSCT = 7 octobre 4 votes contre, 1 abstention

→ Vote du calendrier d’ouverture avec ouverture dominicale en conseil documentaire le 18 octobre (10 voix pour, 3 contre)
→ Avis consultatif du CT exceptionnel 21 octobre 2016 = avis unanime des 10 représentants contre le projet et demandes de clarification
→ Suite à demandes concernant la sécurité du CHSCT, dépôt le 28/10 d’un nouvel appel à projet pour co-financer le renforcement des équipes d’agent de sécurité et réaménagement du sas d’entrée
→ Avis consultatif CT 18 novembre 2016 = 8 votes contre, 2 abstentions
→ Vote officiel par le CA de l’université le 24 novembre 2016 de l’expérimentation pour 3 ans de l’ouverture de certains dimanches de la BU Saint Serge
→ Signature de la convention de reversement COMUE UBL Université d’Angers fin novembre

Faute de temps, il n’y a pas eu de co-construction formalisée du modèle d’ouverture avec les personnels de la BU, en dehors des personnes impactées par le dispositif (cadres, responsables du recrutement étudiant, responsables de planning) et des travailleurs étudiants. Nous avons considéré qu’il était possible de s’appuyer sur le modèle qui fonctionnait en soirée depuis 2009, correspondait à ce que proposait de financer le Ministère, et était déjà le résultat d’un travail de 18 mois de réflexion avec les personnels de 2008 à 2009. Cette approche directive, assumée, a donné prise à la mise en place d’un rapport de force polarisé entre opposants et promoteurs du projet, conséquence inévitable d’une mesure à forte portée symbolique et encore largement controversée dans l’ensemble de la société française.

Comme le montre la liste des principales étapes institutionnelles ci-dessus, le dialogue social a été présent : le choix de l’université d’Angers a été de mener le projet dans la plus grande transparence en consultant toutes les instances, quand bien même les conditions de travail des personnels permanents n’étaient affectées que très marginalement (42 heures d’astreinte téléphonique dominicale par an et par personne pour 6 personnels volontaires).

Repenser le schéma de travail des moniteurs

Concrètement, l’enquête a mobilisé 3000 étudiants et a montré que la demande était la plus significative sur la BU Saint Serge. Comme pour les soirées, ce grand site de centre ville, servant les étudiants de droit, de santé, de tourisme et de sciences de l’ingénieur, offrant 800 places, bien desservi par le tramway, y compris le dimanche, était un lieu particulièrement propice à l’expérimentation. Le plus gros impact organisationnel a été de nous obliger à revoir tout le schéma de travail de l’équipe de moniteurs.

Ce gros chantier de réflexion, mené par N. Kiker et C. Fais, a inclus :

  • la consultation de l’équipe de 12 moniteurs en poste en 2015-2016, qui ont pu s’exprimer librement, la règle interne étant de limiter les contrats à une seule année universitaire.
  • l’établissement d’un cadre de règles a priori = ne pas dépasser 1 dimanche par mois, 2 soirées à 22h30 par semaine, faciliter les remplacements ponctuels.
  • l’utilisation de techniques de créativité, permettant de monter un modèle visuel, analogique (paper-board et post-it) en utilisant un prototype de planning matérialisant les équipes étudiantes et les plages de travail sur 8 semaines.
  • et bien sûr l’investissement de toute l’équipe en charge du recrutement, de la formation, du suivi des plannings, des contrats, qui a relu, critiqué, fait évoluer et amélioré la trame initiale.

Bu STS 2015  41  “Dimanches année zéro” 

Moniteurs à Belle Beille = 1 équipe de 3 étudiants 3 à 4 permanences du lundi au jeudi : de de 17h30 à 20h + 1 samedi sur 3 de 8h30 à 17h30 sur le site de Saint Serge

Moniteurs à Saint Serge = Roulement de 4 équipes de 3 (soit 12 moniteurs) sur 4 semaines moniteurs_stserge

Ceux qui ont suivi l’épisode précédent notent le doublement de la taille de l’équipe de moniteurs Saint Serge, qui passe de 6 à 12.

Le travail de recrutement, suivi, gestion, établissement de contrats, formation, encadrement est accru dans la même proportion dans la phase de lancement, qui passe mécaniquement de un mois à deux mois.

Comme pour les soirées, l’ouverture dominicale repose donc sur :

  • 3 moniteurs, rémunérés 10h pour 7h de travail effectif.
  • 2 agents de sécurité pour le dimanche (le CHSCT a exigé l’ajout d’un agent supplémentaire).
  • 1 cadre A, bon connaisseur des contrats de maintenances et procédures en cas d’incident, en astreinte téléphonique (pas de présence sur place, sauf temps d’intervention d’urgence). Le modèle de gratification des astreintes sera renégocié dans le cadre d’un travail global de l’université en 2017, mais la piste retenue est celui d’une valorisation financière et non d’une récupération en temps. Chaque cadre ne peut être mobilisé que 6 dimanches par an au maximum, à la suite de son samedi de permanence physique. Le dispositif ne repose que sur les cadres volontaires = 6 sur 7 en 2016.
  • Aucune astreinte des autres services de l’université (sauf contrats de maintenance – portes, ascenseurs, groupe électrogène, centrale incendie, télésurveillance 24/24) = en cas de panne réseau, serveur, etc. la résolution attendra le lundi.
  • Aucune mobilisation ni travail supplémentaire demandé aux personnels de catégorie B et C.
  • Une excellente coordination en back office des plannings (merci Planning biblio), de la formation, des recrutements, du suivi quotidien, des cahiers de suivi d’anomalies, des procédures dans l’intranet et classeurs d’accueil, etc. etc. Bref, ce n’est possible que dans des bibliothèques qui tournent bien en journée !

Tableaux moniteurs

Ce modèle est à tester dans la durée, et il s’agit d’une version bêta qui devrait évoluer d’année en année, suite aux focus group que nous organiserons en fin d’année avec les moniteurs étudiants, à l’analyse de la fréquentation, au retour des collègues en charge des équipes d’étudiants et des plannings et grâce au suivi effectué par les instances (conseil documentaire, CT, et CHSCT).

Les services

Une vraie bibliothèque = Comme pour l’ouverture en soirée, nous ouvrons une vraie bibliothèque, avec tous ses services de base (prêts/retours, communications magasin, communication des PEB, inscriptions, copieurs, wi-fi, réservations de salle, prêts de matériel). Les moniteurs et le cadre d’astreinte ne pouvant répondre à tout, tout de suite, une attention toute particulière est portée aux outils de suivi, de signalement d’incident et de questions complexes, de manière à ce que les professionnels ou les spécialistes d’un domaine puissent prendre la relève et effectuer un suivi personnalisé des demandes particulières dans les jours qui suivent.

La touche CROUS : le projet bibliothèques ouvertes a été l’occasion de remettre sur le tapis une vieille idée qui nous tient à cœur depuis longtemps, l’ouverture de la zone de distributeurs café, boissons et snacks du CROUS aux mêmes horaires que la BU, y compris pendant les petites vacances et jours fériés.

Un projet de convention est en cours et l’appel à projet permettra de financer, nous l’espérons, la mise sous contrôle d’accès de la zone en soirée de 20h à 22h, le samedi après midi, pendant les périodes de fermeture complète du CROUS et bien sûr, le dimanche après midi.

Le rêve caché = faire de la BU un vrai lieu de culture et de sociabilité étudiante le dimanche, et non une simple ferme à révisions, augmenter le public des expositions, faciliter l’organisation d’événements ouverts sur la ville et la société civile (de type hackathons, créathons, fête de la science, etc.) et réaménager à terme le rez-de-chaussée pour plus de modularité, de collaboration, d’échanges et d’usages.

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Les erreurs de parcours

La communication : nous avons arbitré, au moment de la validation des supports de communication faits pour l’année en juillet, pour une communication orientée usagers, optimiste, et annoncé l’ouverture dominicale en novembre.

Grave erreur = des plaquettes, panneaux d’information et une mention en gros caractères dans le carnet de notes distribué à tous les étudiants sur l’ouverture dominicale ont donc été diffusés avant que tous les votes institutionnels aient eu lieu. Cela a bien évidemment crispé le dialogue social et nous avons dû organiser une communication corrective indiquant que le calendrier était conditionnel, puis adapter le calendrier d’ouverture initialement prévu.

Nous avons réussi à éviter une perte de revenu pour les moniteurs étudiants concernés en les mobilisant sur des samedis, mais à vouloir aller trop vite, nous avons commis une vraie erreur… dont nous tirerons leçon utile à l’avenir.

Le dialogue interne : nous avons opté délibérément, au vu du potentiel de discorde lié au projet et du peu de temps disponible, pour une approche directive dans la phase de décision, nous remettant à l’arbitrage de la présidence de l’université à l’issue de l’étude de faisabilité, et à celui du ministère pour juger de la pertinence d’allouer ou non des moyens supplémentaires pour ouvrir davantage une bibliothèque déjà largement ouverte.

Nous avons  informé, régulièrement, mais de manière descendante, les équipes, qui n’ont, du fait de cette décision, pu s’approprier le projet,  ni réfléchir et partager leur réflexion, comme l’équipe de direction s’est donné le temps de le faire, sur la balance bénéfices/risques d’une ouverture dominicale.

Cela a entraîné une forte polarisation et la mise en place d’une dialectique de “ceux qui combattent le projet” vs “ceux qui le défendent”, que nous aurions préféré éviter, car la dynamique collective et la tranquillité d’esprit de tous en ont été temporairement affectées. Il est impossible, a posteriori, de savoir si une approche laissant plus de place à la concertation générale et au débat a priori aurait permis d’arriver à un résultat à la fois satisfaisant pour les utilisateurs et respectueux des positions des personnels. Tout ce que nous pouvons dire est que la manière dont nous avons fait les choses n’était ni optimale, ni facile à vivre, tant pour les cadres que pour le reste de l’équipe, et notamment pour tous ceux qui regardaient cela d’assez loin et souhaitaient continuer à faire au mieux leur travail dans une atmosphère de confiance mutuelle.

Qui n’en veut ? Puisse ce billet ne pas décourager ceux qui pensent que certains services publics remplissent leur vocation première à être ouverts au moment où les gens sont disponibles pour en profiter pleinement et que la plus belle BU du monde ne sert à rien, ni à personne, quand elle est fermée à ses utilisateurs. Ouvrir largement, c’est possible, pas si cher (environ, manu large, 1000 € par dimanche à Saint Serge, fluides, salaires, amortissement du bâtiment compris), et c’est un beau moyen de défendre une certaine idée de ce que les services publics peuvent offrir à la société toute entière, loin de clichés méprisants ou misérabilistes.

Beaucoup ne seront pas d’accord et nous ne chercherons à convaincre personne ni à nourrir une polémique facile : une expérimentation comme la nôtre peut permettre de confronter les idées à la réalité et de nourrir le débat en se basant sur des faits, de voir si les réponses à des questionnaires se transforment bien en présence réelle, si le dispositif est soutenable dans la durée, humainement comme financièrement, et si la logistique arrive à suivre. To be continued.

[images BUA – E. Jourdet – CC0] L’image qui ouvre le billet a été prise en 2015 au Festival des jardins de Chaumont sur Loire (signalétique du jardin éphémère des plantes carnivores)

Les premiers résultats 2016-2017

La direction du pilotage et de l’évaluation de l’Université d’Angers a réalisé un bilan synthétique de la première année d’expérimentation. Deux conclusions : il y a du monde, selon le même schéma que les autres périodes de l’année, et comme les vendredi et samedis.

 

Graphique sur moyennes horaires fréquentation dominicale BU St Serge.

Graphique sur moyennes horaires de fréquentation dominicale BU St Serge 2016-2017

Le premier dim

Le premier dimanche, 27 novembre, 13 h | E pur si muove