Vient de paraître dans la Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine sous le titre : Les “enfants de Madame Massu”. Œuvre sociale, politique et citoyenneté pendant et après la guerre d’Algérie (1957-1980).
L’Association pour la Formation de la Jeunesse (AFJ) est créée à Alger en 1957 dans le but de recueillir des enfants musulmans isolés et de leur apporter une formation assurant leur avenir. Présidée par Suzanne Massu – épouse du général qui mène alors la « bataille d’Alger » -, l’association gère plusieurs établissements accueillant des centaines de yaouleds. L’entreprise sociale n’est pas exempte de dimensions politiques et de motivations idéologiques : il s’agit aussi de préparer ces garçons à devenir des citoyens français à part entière dans une Algérie nouvelle, celle proclamée notamment sur le forum d’Alger en mai 1958. Confrontée à l’évolution politique de la question algérienne, l’association s’adapte. Profitant d’une colonie de vacances organisée en Béarn durant l’été 1961, des dizaines d’enfants restent en France, d’autres sont amenés d’Alger au printemps 1962. Dans les années 1960 et 1970, les adolescents grandissent, entrent en formation professionnelle puis s’insèrent dans la vie active, se marient et gardent un lien personnel fort avec Suzanne Massu. Parallèlement à cette intégration par le monde professionnel, les jeunes sont invités à changer leurs prénoms arabes ou berbères pour des prénoms français, à confirmer leur nationalité française. Aujourd’hui encore ils entretiennent une mémoire ténue des « enfants de Madame Massu » comme ils aiment s’appeler eux-mêmes. Des sources inédites et très diverses (archives de l’AFJ, ANOM, SHD, ECPAD, CDHA et un corpus de sources orales) permettent d’éclairer la réponse politique et sociale à la situation des Yaouleds dans un contexte de guerre où les enjeux autour de l’enfance et de la jeunesse sont exacerbés. Le prolongement de l’action au-delà de la guerre d’Algérie permet de mieux cerner les intentions biopolitiques et les modalités pratiques qui transforment des enfants nécessiteux d’Alger en citoyens français, comme si c’était une victoire symbolique et ultime au-delà de l’Algérie française.
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