(ok, je déroge à ma règle du billet seulement le lundi,
mais ça vaut la peine, je crois).
9,90, c’est le prix, en euros, de la liseuse que la société allemande Txtr vient d’annoncer à l’occasion de la foire de Francfort. Et comme le dit Hubert Guillaud dans le papier que je signale en lien, sans doute, à ces prix, que “le matériel ne sera donc bientôt plus une question”.
Il me semble que cela change pas mal de choses dans la manière dont les bibliothèques étaient en train (doucement) de s’approprier ces outils. De ce que je peux en voir, la plupart des opérations tournant autour des liseuses étaient en effet d’abord des opérations matérielles (achat des outils — et lesquels ; question de gestion matérielle, qui, quoi, comment les prêter, etc.) destinées dans le fond presque autant à acculturer les personnels que les usagers à ces machines.
Avec cette barrière symbolique que vient de franchir Txtr (même si leur liseuse n’est pas un foudre de guerre, n’est pas connectée, n’a pas d’écran tactile – bref, n’est pas plus technologique qu’un livre…), on peut sans doute s’attendre rapidement à une diffusion massive des liseuses chez nos usagers (et Hubert penche pour le même phénomène pour les tablettes, ce en quoi je le suis totalement).
La question de l’offre et des services va alors devenir vraiment centrale pour nous — faites le parallèle avec l’équipement en smartphone : aucune bibliothèque ne pense à prêter des smartphones à ses usagers, mais toutes (euh…) pensent à leur offrir des services mobiles.
Et ça change pas mal la donne, pour nous, non ? Parce que franchement, l’offre documentaire vers les liseuses que nous pouvons offrir pour l’instant, à de très rares exceptions, n’est quand même ni très développée ou facile d’usage (mais ça, c’est surtout un problème d’éditeur), ni encore maîtrisée par nous (ça, c’est notre faute).
La bonne nouvelle derrière cette barre des 9,90 qui tombe, c’est que nous pouvons cesser de nous demander qui va recharger les liseuses que nous prêtons puisque nous allons cesser d’en prêter.
La “mauvaise”, c’est que la problématique qui nous regarde le plus devient encore plus d’actualité, et plus urgente — vraiment plus urgente.
“toutes (euh…) pensent à leur offrir des services mobiles.”
Mais si, Daniel, toutes pensent à leur offrir des services mobiles (pour Noël, par exemple)
Sur le reste, il y a un problème d’offre des éditeurs qui est bel et bien notre problème, en ce sens que c’est manifestement aux bibliothèques de réclamer que cette offre évolue et tienne compte de ce (futur) existant, à savoir : nous avons des lecteurs, qui ont des liseuses, et qui souhaitent nous emprunter des livres.
Je dis “futur”, parce que pour l’instant, si dans le bus je vois quelques iPad, je n’y ai jamais vu d’autre liseuse que la mienne…
Le futur se prépare maintenant 😉 sans quoi il va nous dépasser (ce qui est un beau paradoxe puisqu’il est censé être devant…)
Pour le problème de l’offre, suis d’accord avec toi.
Mais pour que les bibliothèques réclament, encore faut-il qu’elles pensent à réclamer… C’est un peu comme “penser à offrir des services mobiles…” – on ne peut penser (et offrir) des services que si on les connaît un minimum, i.e. si on peut, littéralement, les penser…
On voit bien qu’il y a un souci général de sensibilisation à ces questions – oui, je radote 🙁
les bibliothèques n’ont pas attendu la liseuse à 9€ pour y aller. Mais c’est comme le vélo à 9€ : c’est mieux quand il y a des pistes cyclables..
La question des contenus s’est toujours posée en amont et elle continue à se poser de manière urgente. La gestion des liseuses, au retour des expérimentations faites avec l’Addnb, n’est pas un problème. Vivement l’accès à tous les livres numériques, sous droits, sous licences libres, créatifs !!!
Tu es bien optimiste…
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La question matérielle est désormais également transformée. On pourrait tout à fait imaginer une bib acquérir 1000 appareils (10 000 euros sans prix de gros) pour les donner/louer/prêter/vendre à leurs usagers.
Attention pour autant, le matériel n’est pas magique. Ceux qui ne lisent pas ne liront pas non plus avec ces outils, même si on leur offre !
Ce qui me semble le plus important dans cette perspective qui se transforme, c’est que de nouveaux possibles deviennent envisageables. Imaginons par exemple cette même bibliothèque développant un logiciel adapté pour ces appareils (agnostique aux boutiques d’achats par exemple, open source : permettant à chacun d’y intégrer les livres de son choix, de les faire reconnaître par le système et de permettre par exemple d’en partager lectures et annotations dans un système ouvert : le contraire des iTunes, Amazon et autres Kobo, qui ne vous permettent de partager vos lectures que sur leurs systèmes fermés…). Pourrait-on avoir pour ces appareils, des boutons qui s’intègrent à nos navigateurs pour permettre aux gens de pousser facilement des contenus web dans leurs liseuses comme le fait aujourd’hui le Kindle d’Amazon avec des services du type Klip.me (mais que ne proposent pas la plupart des autres liseuses qui pensent encore que ces outils ne serviront qu’à lire des livres et pas aussi le web…).
Maintenant, comme tu le dis, voilà une perspective qui pose d’une manière encore plus urgente toutes les autres problématiques… Et notamment, comme tu le soulignes, l’offre documentaire, bien sûr, surtout avec des appareils qui vont avoir du mal à répondre à des solutions en streaming. Si déjà elles parvenaient à collecter des offres de contenus ouverts pour les faire glisser dedans… La curation de sources, d’articles, de contenus ouverts… adapté à ses publics, reste bien sûr au coeur de la question du rôle des bibliothécaires demain… Il est temps pour les bibliothèques de s’armer à leur tour d’offres conçues par eux et pour leurs publics. D’offrir une alternative qui finira par faire venir discuter les auteurs et éditeurs pour qu’ils y répondent autrement.
Il est temps depuis longtemps 😉
“Il est temps depuis longtemps”… Pas tant que ça 😉
Jusqu’à présent, nombre de perspectives n’étaient possibles que par des groupements de bibliothèques. Décider par exemple d’ouvrir un site média, de curation de contenus d’actualités, ou un site communautaire dédié à un public particulier (les amateurs de livres roses par exemple, ou les étudiants en droit de première année) ne pouvait s’imaginer que via un regroupement de bibliothécaires. En fait, peut-être est-ce désormais accessibles à une bibliothèque qui se lancerait seule sur l’une de ces thématiques. Développer un logiciel pour une liseuse à 10 euros… semblait avant inatteignable, sans une force de frappe regroupant plusieurs bibliothèques. Désormais, cela devient accessible à une seule bib : c’est juste un budget. Un temps de développement. Ca peut se financer facilement. Ce qui a longtemps empêcher les bib de bouger était l’immobilité des structures nationales, qui n’ont jamais été capables (ou presque) de se mettre ensemble pour faire des choses. Désormais, les bib peuvent faire toutes seules. Ca aussi, ça permet de faire changer les perspectives 😉
Mais tout le monde est vachement optimiste dis donc… Pour moi, rien n’a vraiment changé et l’argument de l’immobilisme des structures nationales comme explication de l’immobilisme des bibs ne tient pas.
Je pense que ça fait bien longtemps que les bibs peuvent faire des trucs seules, et bien longtemps que la plupart… bon… 🙂
Je veux dire, des budgets importants étaient là avant – et on les utilisait ailleurs (je peux donner des noms de bibs qui dépensent toujours, en 2012, des millions d’euros en revues papier) ; maintenant les budgets baissent (les coûts aussi), mais je te fiche mon billet qu’on va entendre encore longtemps de très bonnes raisons de ne rien faire.
Je continue à penser que le problème n’est pas financier, ni politique, mais intellectuel, au sens où la majorité des pros que je croise ne “pensent” pas le web et les outils mobiles et tout ça – au sens où, ne les connaissant/fréquentant que très vaguement, ils ne peuvent pas les comprendre de l’intérieur et donc les penser – pas plus qu’ils ne peuvent en conséquence penser les politiques et actions qui vont avec.
Preuve simple : combien de directeurs de Bu actifs sur Facebook/Twitter/Blog ?
Cela dit, rien n’empêche évidemment de faire et d’avancer en local – mais perso, je suis moins optimiste (globalement, sur le métier et les bibs comme collectif) que toi ou mercurekotkot…
J’espère juste me tromper totalement.
Oui, tu as raison. Mais avant, il fallait un gros budget pour faire des choses avec le num. De plus en plus, de petits budgets suffiront… qu’on va pouvoir plus facilement céder à ceux en charge de ces questions. Amener 100 liseuses dans une bib était impossible hier (machines, logistique, etc.). En donner 5000 demain (avec un logiciel dédié qui lui pourra être innovant) sera envisageable.
C’est une forme de prise de pouvoir, mais qui n’est possible qu’avec des budgets qui ne soient pas significatifs, mais qui permettent de faire beaucoup plus.
Ok, vu comme ça, oui : quand j’ai lu ton billet, la première chose que j’ai pensé, c’est que ça ne coûterait pas tant que ça – à l’échelle d’un budget d’université – que d’acheter une tablette par étudiant… Donc oui, ça bouge les lignes sur le matériel, quand même (et ça fait bouger ou dramatise tout le reste, cf. mon billet). Pour les bibs, reste à voir comment elles vont se saisir du truc, et pas le subir (parce que pour l’instant, j’ai quand même l’impression qu’on le subit largement).
La nuit porte conseil 🙂
(PS : bon j’avoue, c’est quand même excitant tout ça)
Et pendant ce temps, à Vera Cruz, certains éditeurs français essaient encore de vendre des PDF à 20 euros ! Haha, le PDF qui vaut deux fois le prix de la liseuse, c’est pour demain ! Mais tout ça, c’est la faute au piratage, hein…
Heureusement, c’est seulement à Vera Cruz…
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