Le petit texte qui suit décrit les Lectures Sophie Kowalevski. Il a été publié dans la Gazette de la Société Mathématique de France (octobre 2022, numéro 174). Je l’ai signé avec Clotilde Fermanian Kammerer, Barbara Schapira et Susanna Zimmermann.
Les Lectures Sophie Kowalevski sont une série de cours de master visant à soutenir l’intérêt des étudiantes en mathématiques pour la recherche. Elles se déroulent chaque année dans la douceur printanière de l’Anjou en accueillant une cinquantaine de personnes, avec parité. Deux cours (de huit heures chacun, réparties sur trois jours) sont dispensés par deux chercheuses, l’un en Analyse/Probabilités et l’autre en Algèbre/Géométrie. À ces cours s’ajoute un exposé plus historique ou sociologique sur la place des femmes en mathématiques. Il ouvre parfois des échanges très stimulants entre l’oratrice et le public.
Des chercheuses et des enseignantes-chercheuses, “les marraines”, sont invitées à suivre les cours, à dialoguer avec le public et à proposer du mentorat aux étudiantes qui le souhaitent. C’est aussi l’occasion pour elles de faire la connaissance d’autres collègues qui travaillent dans des domaines thématiquement éloignés.
Outre le plaisir de faire des mathématiques dans une ambiance conviviale où se mélangent étudiantes, étudiants et chercheuses de toute la France (et au delà !), les Lectures sont l’opportunité de transmettre des informations sur les carrières mathématiques et d’offrir une vision plus riche des possibilités qu’ouvre notre discipline. Certaines participantes nous ont ainsi explicitement dit, à l’issue des Lectures, qu’elles étaient désormais motivées à poursuivre vers des thèses en mathématiques. Plusieurs participantes ont aussi vu corrigées des informations manifestement erronées sur les carrières possibles après des études en mathématiques. Non, l’enseignement et la recherche ne sont pas les seuls débouchés !
Quel plaisir également de voir étudiantes et étudiants comparer leurs masters respectifs et en parler ouvertement avec des enseignantes ! Ces discussions variées (sur les mathématiques, l’enseignement, la vie de la recherche) rappellent celles qui ont lieu lors des conférences de recherche. Les Lectures offrent cet aspect interactif et convivial qui fait aussi (et surtout ?) le sel de la recherche. Faire des mathématiques, c’est aussi déambuler au soleil sur un campus, rire avec ses enseignantes et jouer sérieusement devant un tableau.
Certes, cette action vise explicitement les étudiantes, mais la réflexion qui vise à mieux les inclure dans les études mathématiques a aussi des effets sur les étudiants à travers des discours volontairement rassurants et bienveillants. Les étudiants en mathématiques ne se reconnaissent pas tous dans le portrait de solitaires éblouis par les concours, les compétitions ou le prestige scientifique ; nombre d’entre eux rêvent aussi à une communauté mathématique inclusive dans laquelle chacune et chacun a pleinement sa place. Nous pensons que la joie de comprendre des idées mathématiques en se sentant réellement accueilli-e au sein de notre communauté devrait être la matrice des mathématiciennes et mathématiciens qui nous remplaceront.
Puisse cette initiative angevine durer et en faire naître d’autres !