Ouvrir l’accès aux ressources électroniques aux entreprises privées: le pour et le contre

[10/10/2013, 21h00: Mise à jour en fin d’argumentaire, la discussion s’étant poursuivie en interne]

Petite synthèse de quelques échanges sur Twitter sur le thème: faut-il que les BU proposent des abonnements institutionnels aux entreprises, afin que celles-ci puissent accéder aux ressources électroniques ? [merci @dbourrion, @lully1804, @bbober @st_b, @mpuaud, @NaCl2 et @Nico_Asli pour le débat et les remarques]. Réflexion née d’une demande d’une PME angevine souhaitant accéder au WoK et à Science direct. Sachant, bien évidemment, que l’accès aux ressources papier ne motive pas ou peu ce type de demande.

Pour :

  1. Ouverture des BU à d’autres publics que son cœur de cible officiel.
  2. Permettre l’accès à un coût abordable à la recherche publique, pour favoriser le développement du tissu économique local. Après tout, des BU (mais pas celle d’Angers) proposent bien des abonnements gratuits ou moins chers aux chômeurs, pourquoi pas aux entreprises ? D’autre part, si une université parvient à créer des incubateurs d’entreprise, il ne serait pas aberrant que ces dernières puissent accéder, sous condition, aux ressources électroniques.
  3. En période de vaches maigres, permettre une rentrée d’argent supplémentaire, le coût d’un abonnement pour une institution étant supérieure à celle d’un particulier (le double à la BU de Nice, par exemple).
  4. Individuellement, on sait (à Angers en tout cas) que des salariés d’entreprises ont pris des abonnements (cabinet d’avocat, par exemple) payants. Il s’agirait d’officialiser une pratique officieuse.

Contre :

  1. La mission première d’un service public de l’enseignement et de la recherche est de desservir ses publics cibles (étudiant.e.s et EC), pas des entreprises privées.
  2. On a encore bien du mal à proposer des services tout à fait optimaux : avant de songer à élargir à qui que ce soit, faisons déjà en sorte que nos usagers soient satisfaits.
  3. Si l’on pratique un surcoût, il faut le justifier par une qualité de service disons… supérieure ou, à tout le moins, différente. Pour pousser la logique jusqu’au bout, en cas de difficulté d’accès (un éditeur comme Dalloz nous a posé souvent problème ces deniers mois), l’entreprise serait en droit demander des compensations.
  4. Les entreprises privées peuvent très bien souscrire un abonnement à des éditeurs. Certains cabinets d’avocat le font. Si c’est trop cher, rien ne leur interdit de s’associer.
  5. Les contrats des éditeurs ne prévoient pas ce type d’abonnement, on serait probablement dans l’illégalité.
  6. Quelle politique tarifaire appliquer ? Le double d’une inscription classique semble peu onéreux par rapport à ce que nous coûtent ces ressources.
  7. [MàJ du 10/10/13 : plutôt que de proposer de l’accès brut, il serait sans doute plus pertinent de travailler, en BU, avec les services de formation continue. L’accès aux ressources, sous forme individuel, serait couplé à une politique de formation active… et à d’autres services: des espaces de réunion, des ordinateurs, un fablab, des bibliothécaires (si, si) que sais-je encore, le tout ouvert aux chômeurs, aux auto-entrepreneurs ou aux PME n’ayant pas les moyens de payer l’accès aux ressources électroniques].

Voilà. A Angers, la réponse sera donc pour l’instant négative, sachant que les inscriptions individuelles (34 euros) sont toujours possibles. Remarques, questions et prises de position bienvenues.

12 réflexions sur « Ouvrir l’accès aux ressources électroniques aux entreprises privées: le pour et le contre »

  1. Comme j’ai eu l’occasion de le dire sur Twitter, je n’ai pas de réflexion approfondie sur ce sujet. Et d’ailleurs, ce n’est pas sur la question directe de l’accès à la docélec pour les entreprises que j’ai envie de réagir.
    En fait, je suis étonné de l’argument “coeur de métier” avancé précisément par la BU d’Angers.
    D’une part, comparer ton premier argument pour : “Ouverture des BU à d’autres publics que son cœur de cible officiel” avec ce tweet de Daniel : en gros, il aurait mis exactement la même phrase, mais dans la rubrique “contre”.
    Mais surtout, il me semblait que la BUA était, plus que d’autres, sortie du “coeur de cible” qu’on pourrait définir comme : fournir de la documentation aux enseignants, chercheurs et étudiants, dans le cadre de leurs enseignements, recherches et études.
    Vous avez développé une offre de culture générale, de littérature contemporaine, et vous l’avez valorisée comme telle, avec tout un discours autour. Vous avez développé Galerie 5. Vous accueillez des lycéens, des écoles primaires (il me semble en tout cas avoir vu passer des photos — aurais-je confondu ?). Vous avez tendu des perches à la BM pour construire des passerelles en direction du grand public.
    Bref, vous êtes pas mal sortis du “coeur de cible”. Donc pourquoi les services aux entreprises (docélec ou pas) ne feraient-ils pas partie des missions à développer ?
    Après tout, l’Université (telle que la politique nationale actuelle l’envisage, depuis le gouvernement précédent) tend de plus en plus à construire des ponts avec le monde de l’entreprise. Les exploitations industrielles des résultats d’activités scientifiques sont un prolongement normal de la recherche, les étudiants ont “quelque chose à voir” avec les entreprises (avenir, stages, etc.).
    Donc dans ce contexte de partenariats croissants construits dans une démarche globale (sans évoquer même la question de revenus hors dotation ministérielle), pourquoi les services aux entreprises ne seraient-ils pas à inclure dans le “coeur” ?
    A Nice, le campus Sophia-Antipolis, qui se veut espace de rencontres Université-Instituts-Entreprises, est sans doute peu représentatif de l’Université française, mais plutôt au sens de précurseur que d’expérience isolée. Géographiquement ou non, les Universités ont plus envie qu’auparavant de se rapprocher des entreprises. Donc dans cette dynamique les bibliothèques devraient se poser la question de leur propre positionnement, non ?

    • Merci pour ces remarques.
      Deux réponses:
      1/le coeur de cible: cela fait plusieurs années que nous ouvrons la BU à d’autres publics – tous ceux que tu as cités. Aujourd’hui, nous arrivons à la fin d’un cycle et nous nous interrogeons très clairement sur le maintien de cette politique d’ouverture. Le problème tient en peu de mots: cette politique d’ouverture profite essentiellement aux étudiants des autres établissements d’enseignement supérieur privés ou publics. Au niveau du pôle universitaire angevin, nous sommes les seuls, avec la BM, à pratiquer une politique d’ouverture large, que ce soit au niveau des horaires (de loin les plus étendus de l’agglo, notamment à Saint-Serge) ou des publics (la BM propose une offre d’abonnement gratuite pour les moins de 26 ans). Or, un certain nombre ce ces établissements supérieurs ont compris l’intérêt d’une externalisation officielle ou officieuse de leurs services documentaires. Du point de vue des étudiants, c’est d’abord la recherche d’espaces de travail confortables qui est recherchée. Du point de vue des enseignants ou des étudiants avancés, c’est l’accès aux ressources électroniques. Une école d’ingénieur comme l’ESEO, avec laquelle nous avons une convention depuis l’année dernière a tout simplement fermé son centre de documentation. D’autres établissements ont une politique plus ambigüe. Agrocampus Ouest a par exemple dénoncé la convention qui nous liait: seul l’accès aux ressources papier et aux espaces est gratuit; les ressources électroniques sont payantes,ce qui n’était pas le cas auparavant.
      Il me semble nécessaire d’expliquer cela car si nous voyons les chiffres de fréquentation augmenter d’année en année (très bien !), nos moyens, eux, diminuent, et nous arrivons à saturation durant certaines périodes de l’année. Nous n’avons pas les moyens humains de proposer une nouvelle palette de services en ligne ou sur place pour ces acteurs que, je le reconnais, nous connaissons mal.
      2/ Le lien avec les entreprises: d’une manière générale, je partage ton point de vue sur les liens à créer avec le tissus économique de la région. Il faut cependant voir les choses en face: proposer un abonnement à 80 € comme vous le faites, c’est de la subvention déguisée. En effet, le prix à payer par les entreprises pour un abonnement en propre serait bien plus élevé. Sur le fond, pourquoi pas ? Sur la forme, cette subvention doit-elle uniquement être versée par l’université ? Les CCI, les régions, les agglomérations n’ont-elles pas un rôle à jouer… et de l’argent à verser ?

      A mon niveau, il s’agit donc bien plus d’une question de moyens que de principes. Quoique… Accueillir les publics privés (étudiants ou entreprises), pourquoi pas, mais 1/les étudiants de l’université restent prioritaires ; 2/il n’y a rien de gratuit. Donc, il faut payer, et au juste prix. Mais qui, et combien ?

    • Ma position est la suivante (en résumé) : je suis pour tout ce qu’on veut, toutes les ouvertures du monde, les expérimentations, etc., à condition de mettre en face les moyens (entendre, RH et qualité des RH) de faire du service de qualité.
      Là, clairement, nous ne pouvons plus suivre. C’est dommage, mais c’est comme ça pour l’instant.

  2. L’accès à la doc elec pose pour l’instant trop (et de plus en plus) de problèmes pour les entreprises, selon moi ce n’est pas un élément très positif de nos offres. C’est plus vers les services, fourniture d’espaces, d’outils de découverte de docs par ex. (et non fourniture des docs eux-mêmes) qu’il y a du potentiel.
    Reste que cela a un coût, et qu’il est souvent difficile d’obtenir l’adhésion des personnels, très “service public”, pour ce genre de projet.

    question subsidiaire: et pour les associations, quel prix, quels docs, quels services?
    Merci pour le débat Mxsz.

    • Pour les associations: très bonne question. Plus généralement, je pense qu’il faut développer notre offre de service aux acteurs locaux. On pourrait très bien imaginer d’avoir des offres réservées aux micro-entrepreneurs/associations/PME de moins de 5 salariés/chômeurs. Les BU pourraient jouer le rôle d’espace de travail, de rencontre, avec des prestations spécifiques.
      Mais là encore, il faut les moyens humains et financiers.

  3. La bibliothèque interuniversitaire Cujas propose, via son service Cerdoc, la “fourniture de documents à distance destiné aux professionnels du droit (cabinets d’avocats, consultants, documentalistes), écoles, instituts et particuliers à la recherche de documentation juridique” (http://biu-cujas.univ-paris1.fr/fr/node/253).

    Ce service permet effectivement des rentrées d’argent, mais c’est un service à part, réservé. Leur page ne précise pas si cela concerne la docélec, mais il s’agit d’un service à destination des entreprises (ici les cabinets d’avocats) de recherche et de fourniture bibliographique et on pourrait le déduire. En écrivant cela, je me rends compte qu’il y a une valeur ajoutée et une spécificité qui rend ces “usagers” VIP de la bibliothèque. On peut supposer au prix fort.

  4. J’avais mis de côté ton article il y a quelques semaines et je le reprends à l’instant.
    Je trouve très intéressant les différents commentaires sur les liens à créer avec le tissu économique local sur le plan de la documentation professionnelle (Kompass, Sagaweb, Techniques de l’ingénieur…) en particulier le rôle que pourrait avoir la CCI.
    Je crois avoir lu il y a quelques temps déjà que l’UTC permettait l’accès à ces ressources électroniques aux entreprises lui versant la taxe d’apprentissage. J’avais trouvé l’initiative intéressante car on était bien dans le donnant / donnant que peut amener un partenariat entre un établissement et les entreprises. Est-ce que c’est toujours d’actualité ?
    Cela serait, en tout cas, une belle valeur ajoutée dans les campagnes de récolte de taxe d’apprentissage, à condition, bien sûr, que l’on soit capable de mener et de rationaliser la récolte de la TA à une échelle d’établissement, au lieu d’être en ordre dispersée comme c’est encore le cas 🙂
    De la même manière, a-t-on connaissance d’université permettant à leurs alumnis de continuer d’accéder aux ressources documentaires (ou autres d’ailleurs) ? A l’heure où toutes les universités se posent des questions sur la façon de créer un sentiment d’appartenance, il s’agit sans doute d’un canal à creuser.

    • Bonjour [et désolé: commentaire approuvé tardivement, passé à la trappe],

      Merci pour ces remarques et suggestions.
      L’idée qu’une partie de la TP puisse être reversée aux bibliothèques universitaire me semble être un bon scénario, nécessitant cependant quelques calculs (quelle serait la part reversée aux différents services ?)

      La pierre d’achoppement se situe à mon avis à un triple niveau:
      – contractuel d’une part. Je ne suis pas un spécialiste de la doc élec, mais les éditeurs vont à mon avis encadrer précisément ce type de demande, pour autant qu’ils l’acceptent (oui, visiblement, puisque des BU proposent le service). Je serais curieux néanmoins de voir sous quelles modalités.
      – au niveau du nombre d’étudiants/institutions desservies d’autre part. Tu sais que le prix de l’abonnement dépend du nombre d’usagers desservis. Si l’on inclut les alumnis, cela augmente de facto le public cible… et donc le prix de l’abonnement.
      – au niveau RH enfin. Comme le souligne Daniel, il faut pouvoir assurer un service au poil derrière. C’est ce que la bibnum de la BUA s’efforce de faire, avec 4 personnes (3,5 EPT) en temps normal – actuellement, 2 personnes travaillent en plus sur des projets spécifiques – mais qui sont loin de ne faire que cela. L’idée d’une cellule technique dédiée, à l’université, aux relations avec les entreprises, pourrait être une piste à creuser.

  5. Pour pour pour!
    Je ne connais pas du tout le cas particulier d’Angers, mais toutes les universités ont besoin de rentrées d’argent, et beaucoup d’entreprises/de particuliers ont besoin des services d’une BU (docéléc, presse pro, espaces de travail, aide à la recherche…). Il y a des gens qui payent des entreprises privées pour avoir des espaces de co-working ou un accès à la documentation, ce sont nos domaines, offrons-les donc au public. La frontière entre public professionnel et public universitaire va aller en s’atténuant, c’est déjà le cas avec les stages, les diplômes pro dont les intervenants sont extérieurs à l’université, ce sera encore plus le cas si l’université assure davantage sa mission de formation tout au long de la vie.
    Question financement, à mon avis sur des projets d’ouverture à ce genre de public ça doit être possible de débloquer des aides des collectivités territoriales.

    • Je ne pense pas qu’il faille raisonner stricto sensu en termes de rentrée d’argent. S’il y en a, très bien. Mais je vois plutôt l’université comme un service public de formation et de recherche, qui inclurait dans ses missions un soutien à la recherche pour des jeunes / petites entreprises, créées notamment par d’anciens étudiants ou EC. Et avec en effet des espaces dédiés.

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