Le prêt de matériel est un service offert par la BUA depuis mai 2016. Depuis le premier billet sur le sujet en date de 2017, nous avons vu grandir et se développer le service.
Début 2019, Anne Gourhant, une collègue de Lyon 1 qui a fait son stage FIBE à la BUA en mars 2019 et Tony Châtelain, un stagiaire M2 Bibliothèques ayant travaillé avec nous pendant 4 mois, ont aidé à faire un bilan d’étape de la réception de ce service, tant côté publics que côté personnels, dans le cadre d’une réflexion sur le passage au libre service d’une partie des transactions concernant le matériel. Fin 2018, une étudiante enssib DCB 27, Camille Catudal, avait, elle, rédigé une petite étude de cas sur la communication autour du service de prêt de matériel à la BUA, dans le cadre de son mémoire de recherche.
Ce billet vous donne un aperçu de ces travaux tant quantitatifs que qualitatifs. Plus que les données brutes, ce qui peut intéresser un lecteur professionnel passant sur BUApro, ce sont les méthodes et modalités de questionnement pour comprendre l’appropriation et l’évolution d’un service tant du côté public que des professionnels.
A. Le prêt de matériel depuis 4 ans en chiffres bruts
On voit que les prêts de dépannage sur place sont en volume beaucoup plus importants que les prêts à emporter, les rotations des seconds étant beaucoup plus rapides que celles des premiers, ils passent entre plus de mains. Céline Girardeau, notre magicienne Arc et Aleph a fait le très joli travail statistique suivant sur le nombre d’emprunteurs distincts pour le conseil doc de mars 2019 : plus de 10000 pour les documents, ils sont plus de 3000 pour le matériel sur place et 480 pour les objets à emporter.
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Les augmentations régulières s’expliquent systématiquement par une augmentation de l’offre, notamment la multiplication du nombre d’exemplaires disponibles des matériels les plus prêtés. Certaines baisses s’expliquent également par des pannes ou matériels hors service.
L’usage du service est en moyenne trois fois plus important dans la BU de centre ville (BU Saint Serge) : les horaires d’ouverture (91 h pour 65 heures) expliquent en partie la différence, mais pas son ampleur.
Nos hypothèses explicatives sont peu étayées :
- Est-ce une affaire de communication : sans doute pas, les outils utilisés étant déployés de la même manière sur les 2 sites.
- La visibilité du matériel à emprunter derrière l’accueil, différente selon le site jouerait-elle un rôle ?
- La différence d’équipement du public est-elle un facteur d’explication ?
- Qu’en est-il plus prosaïquement, du manque de prises électriques de table à la BU Belle Beille ?
L’enquête Kikoiou de décembre 2019 n’a pas montré de différence notable notamment en ce qui concerne l’ubiquité des smartphones à proximité des étudiants installés dans les 2 BU, mais le manque de prises et le faible nombre de tableaux blancs à Belle Beille sont des facteurs explicatifs probables et quantifiables : nous observerons avec attention si l’ajout de prises et de tableaux à la BU Belle-Beille se traduit par une évolution de l’usage des services de prêt de matériel associés.
Tony et Mélanie Sorin (en contrat court de suppléance pour pallier 2 absences – je reviendrai un jour sur les opportunités et limites du remplacement des arrêts maladie) ont fait un sondage auprès des étudiants qui a recueilli environ 400 réponses, des questionnaires par complétion et des entretiens flash. Leurs résultats ont confirmé la perception largement positive du service par les étudiants (https://create.piktochart.com/output/38422967-untitled-report-copy). Comme toutes les enquêtes du moment, le “bruit de fond” de la principale préoccupation des personnes fréquentant la BU a été assourdissant : je retiens surtout l’idée que “oui, oui c’est sympa vos bricoles, mais ce dont nous avons besoin c’est plus de places de travail dans les BU”. À titre personnel, ils ont moins nourri mes réflexions sur la stricte question du prêt de matériel que les statistiques brutes et les observations et confirmé mon intérêt pour les techniques de complétion.
La diminution des prêts de feutres et chargeurs à la BU Saint Serge en 2019 s’explique sans doute en partie par la mise à disposition de feutres en libre service et l’installation de casiers de chargement de téléphones portables à code en libre service à partir de mars 2019 pour les feutres et mai pour les casiers. Dès que nous aurons une bonne année de recul (ie fin 2020), nous partagerons peut-être ici, un bilan d’étape sur ces mises en libre-service.
B. Quelle communication ?
Camille Catudal, élève conservatrice en DCB 27, a consacré son mémoire de recherche enssib à la communication en BU. Elle est venue, en octobre 2018, faire une petite enquête qualitative sur la communication relative au prêt de matériel à la BUA que ce billet donne l’occasion de partager (note : si dans le cadre d’un mémoire de recherche d’étudiant vous souhaitez faire une petite étude de terrain, contactez-nous : c’est souvent une affaire intéressante pour tous !)
Les stands multiservices, en début d’année et au printemps sont un bon moyen de parler du service et faire découvrir les matériels eux mêmes. D’une durée de 90 minutes, ils permettent à chaque fois de toucher autour d’une centaine de personnes fréquentant la BU à des heures de forte affluence et de lancer le bouche à oreille. Le plus difficile reste de garder à l’esprit que, même routinisé pour nous, le service est “nouveau” pour nos nouveaux étudiants et qu’autant une bibliothèque est associée à l’idée de livres dans l’esprit de la quasi-totalité des nouveaux entrants, elle ne l’est pas à celle de prêt de matériel. La difficulté est aussi de communiquer sur l’élargissement de l’offre à de nouveaux objets.
La page prêt de matériel du site de la BU n’a qu’un usage modeste (0,3 % du total des vues du site en 2019, temps de 45 secondes en moyenne), sans doute car aucun service (de type réservation) n’y est associé et que sa visibilité sur le site reste assez faible (la catégorie “à vos côtés” n’est pas optimale).
C. Une part importante des transactions à l’accueil : quelle perception par les professionnels de la BUA ?
Le service représente une part importante des transactions à l’accueil : l’enquête de mesure des interactions à l’accueil (MIA), basée sur le protocole READ, passée sur 2 semaines test en 2018 et 2019 dans chaque BU, fera l’objet d’un billet plus approfondi. Par exemple, pour la semaine test de février 2019, 47,5 % des interactions mesurées pendant une semaine à l’accueil de la BU St Serge, portaient sur du prêt de matériel (557/1172).
L’analyse des transactions Aleph par heure sur une année entière (2018) montre qu’elles se concentrent particulièrement sur certains créneaux (entre midi et deux et à l’heure du goûter) renforçant la perception de “ne plus faire que ça” à l’accueil.
Anne et Tony ont mené des entretiens auprès des équipes d’accueil et en ont fait la synthèse, mise en regard des statistiques de fréquence.
Voici le document produit pour la BU Saint Serge, par Anne G., très riche tant en terme de méthodologie que de contenus.
Les verbatims d’entretiens montrent bien l’ambivalence de l’équipe par rapport à ce type de service et éclairent les conséquences sur le moral des équipes du passage de bureaux d’accueil centrés sur les prêts/retours de documents (jugés légitimes) à des bureaux d’accueil centrés sur des transactions portant sur des objets encore jugés comme non légitimes par une partie des agents. Alors que les compétences comportementales et opérationnelles sont les mêmes (assurer un prêt ou un retour, maîtriser le module circulation du SIGB, interagir avec une utilisatrice ou un utilisateur) la valeur narrative et sociale du service perçue est très différente selon les agents et selon ce qui est prêté.
L’idée, que je peux promouvoir, qu’une bibliothèque universitaire n’est pas qu’une collection qui circule de monographies adaptées aux thématiques d’enseignements et de recherche, mais aussi un lieu de compétences et des outils pour faire circuler entre des individus des biens communs est loin de faire l’unanimité… ni susceptible de satisfaire le besoin de sens au travail de chaque personne ayant choisi de travailler en bibliothèque. Nous reviendrons lors de l’analyse fine de l’enquête MIA sur ce fossé entre un idéal type, fait d’orientation dans une collection papier familière et la réalité des transactions.
Le prêt de matériel, comme la mise en place d’espaces d’usages alternatifs au travail solitaire silencieux, est un bon révélateur de tensions sur la perception de la raison d’être et les métiers des bibliothèques à l’heure de la dématérialisation et de la complexification d’une partie des contenus intellectuels.
Une partie de l’équipe investit ses savoirs-faire et du temps à constituer, maintenir en état et faire évoluer cette collection d’objets un peu particulière, d’autres apprécient l’occasion de recréer des interactions que l’automatisation des prêts/retours de livres avaient raréfiées, d’autres n’apprécient guère d’avoir à rendre ce service. Le cas du prêt de matériel, comme bien d’autres, montre que l’unanimité n’est jamais la règle, et que des divergences de perceptions des professionnels n’empêchent pas un service de rencontrer son public lorsqu’il répond à un besoin et est porté avec cœur à l’ouvrage par une minorité motivée et professionnalisme par les autres.
Je reste convaincue que notre force, en tant que petite BU de province et de proximité, est dans tout ce qui reste (et restera) non délocalisable qu’il s’agisse des lieux, de l’offre d’objets et des interactions interpersonnelles (ce que montre le succès d’estime et l’adhésion rapide des publics aux offres de services alternatifs qui ne nuisent ni ne concurrencent, bien au contraire, l’usage des collections traditionnelles). Il se joue néanmoins là une intensification des transactions pendant les heures d’accueil, qui est une source de pénibilité perçue du travail, d’autant plus que certains n’y trouvent pas sens.
En pratique, suite à l’enquête qualitative, les procédures de prêt ont été allégées à la BU Belle-Beille (arrêt des contre-marques et de la garde “en échange” de la carte d’étudiant pour les prêts sur place et simple enregistrement sur le compte Aleph, comme pour les communications magasin). Les discussions étant très vives à la BU Saint-Serge sur l’intérêt ou non de simplifier les procédures, le maintien de l’échange matériel contre carte a été décidé pour 2019. Le réaménagement de la zone d’accueil à la BU Saint Serge a permis de prendre en compte certaines contraintes et demandes, la mise en libre service d’une partie des objets a infléchi la hausse continue des demandes.
Le prêt de matériel, bien qu’il ne fasse pas consensus, est un exemple de dialogue et d’adaptation de procédures rapides en équipe, facilité par la nouveauté relative des pratiques et par une observation réflexive des perceptions des deux côtés des bureaux d’accueil.
Le travail d’enquête d’Anne Gourhant montre que la culture d’un établissement ne saurait se résumer aux axes et décisions défendus par l’équipe de direction : ce billet sur le prêt de matériel, l’analyse croisée des chiffres et des mots, tente de partager un état d’esprit qui va au delà des services proposés, et passe aussi par une réflexion large et ouverte autour des actions entreprises et de leur perception parfois critique par les différentes parties prenantes.
D. Et les problèmes rencontrés, me direz-vous ?
Je laisserai Catherine Faïs, qui coordonne le service, compléter si besoin. Ce qui m’est revenu (principalement pour expliquer des demandes de rachats) :
- Les chargeurs i-phone BU remplacés au moment du retour de la boîte par un chargeur H.S. Ce cas de figure est arrivé au moins 4 ou 5 fois spécifiquement sur les chargeurs Apple. Nous les avons remplacés par des chargeurs de couleur vive (Boulanger).
- Perte de petits éléments (des viroles, etc.) au retour
- Connectique et fils hs au bout d’une année de circulation des casques (et l’artisan qui faisait les réparations a fermé boutique)
- Organiser la visibilité des nouveaux matériels
- À compléter…