J’ai demandé à Perplexity – ma nouvelle amie, dont la capacité à résumer en 10 secondes des tas de trucs et de machins m’angoisse et me ravit – de me résumer, en un court paragraphe, ce qu’était Osint4fun. Voici ce qu’elle m’en a dit.
Résumons-nous
“OSINT4Fun est un projet pédagogique de l’Université d’Angers axé sur l’Open Source Intelligence (OSINT). Il propose des challenges et des ressources en plusieurs langues pour apprendre les techniques de recherche d’informations en sources ouvertes. Le projet a débuté, en novembre 2023 avec un calendrier de l’avent OSINT, qui a connu un succès inattendu avec plus de 15 000 visiteurs uniques et 85 000 validations de challenges.”
Un article de Jean-Philippe Nicoleau, publié par Ouest France le 5 décembre 2023 résume de manière enlevée l’improbable jeu de rencontres qui a rendu possible ce premier projet.
Alors, me direz-vous, puisque tout est déjà en ligne, ou reformulé gentiment par des machines qui après avoir détrôné le Catalogue, se mêlent désormais de frapper d’obsolescence nos compétences accumulées en une scolarité gavée d’épreuves de résumés et de notes de synthèse, pourquoi donc un billet écrit à la main par une humaine qui laisse des fôtes d’orthographe, comme dans les années 2000 ?
Pour raconter comment on peut utiliser ces petits jeux et challenges, au sein d’une équipe de bibliothèque, pour éviter que nos compétences de recherche documentaire ne rouillent complètement et pour faire de leur rafraîchissement un sport collectif.
Jouer ensemble
Lors de la première édition du calendrier de l’Avent Osint4fun 2023, Céline Girardeau, grâces lui soient mille fois rendues, après en avoir formulé l’idée, a imaginé un dispositif ingénieux pour motiver les collègues de la BUA à chercher comment trouver des réponses aux questions qui tombaient chaque jour.
C’était tout simple : en interne, la première personne qui notait le code dans le canal Général de l’équipe Teams de la BUA, gagnait un petit cadeau joliment conditionné par Céline (qui, outre le génie de résoudre ou concevoir des énigmes compliquées, a des doigts de fée).
Au départ j’ai regardé ça de loin, sans bien comprendre, n’ayant jamais entendu parler d’OSINT avant, j’avoue. Au bout de trois jours, comme une quinzaine d’autres collègues, j’étais mordue. Au bout d’une semaine, je laissais refroidir mon thé pour explorer tour à tour les archives de la commission européenne, de la NASA ou de tout autre gisement documentaire improbable dont je n’imaginais même pas l’existence 10 minutes avant, et trouver la réponse avant de partir vers la BU ou d’aller au lit.
A force de voir un de mes collègues de bureau, Damien, résoudre en 5 minutes des énigmes que je passais une longue heure à détricoter, je prenais conscience de mes nombreuses lacunes méthodologiques, moi qui avais toujours eu la coquetterie de croire que j’étais plutôt douée en matière de recherche documentaire.
Outre cette salutaire rencontre avec la réalité, chemin faisant, j’ai rattrapé un retard abyssal en recherche inversée d’image, dont je me contentais de connaître en théorie la possibilité, en google dorks (vous savez, ces raccourcis qui permettent de déployer la puissance de Google sur un site donné avec le fameux “site:”, et à nous replonger dans les joies des opérateurs booléens), en remontée dans le temps des vues de rues dans une application de cartographie, ou en Wayback machine pour faire de l’archéologie dans la stratigraphie temporelle de défunts sites web. Au delà des outils, c’est toute une démarche alliant logique, méthode, concentration, attention prêtée à la question posée et capacité à ne pas s’enfermer indéfiniment dans des rabbit holes, des fausses pistes, des demi-savoirs ou des biais cognitifs qui s’est imposée à moi. Bien des midis, avec les deux collègues avec qui je partage mon bureau, nous discutions des ornières où nous nous étions embourbé·es, des supputations fallacieuses qui nous avaient égaré·es et nous négociions des indices lorsqu’à 14h passées, l’un·e d’entre nous était encore en train de creuser… Bref, je n’ai jamais autant causé recherche documentaire de ma vie professionnelle que pendant ces 24 jours de décembre 2023.
Au 24 décembre, nous étions plus d’une quinzaine de collègues BUA (et 7000 autres personnes venues du monde entier), toutes catégories confondues, à avoir joué presque tous les jours. En tout, nous fûmes une vingtaine à avoir mis le nez, de temps en temps, dans le calendrier Osint4fun 2023, histoire de comprendre pourquoi les gens parlaient un beau matin de cerfs-volants, de sonde lunaire, ou compulsaient fébrilement LinkedIn pour pister un quelconque chef d’établissement italien. Une fois notre meilleur limier interdit de contribution interne, histoire de ne pas tuer le jeu, les petits cadeaux ont été distribués, à vue de nez, à une dizaine de collègues, jour après jour.
Céline recommence en décembre 2024, et les petits cadeaux sont magnifiques ! Jouer va être encore plus motivant…
Garenne
J’ai repris, avec l’aide du créateur d’Osint4fun, Alain Godon, le principe de ce jeu en janvier 2024, et proposé Garenne, en introduction à l’UE de management des DCB33, que l’enssib m’a confiée ces derniers temps dans un moment d’égarement mutuel. Là encore, les petits cadeaux ont fait merveille, et une quinzaine de futur·es collègues ont participé au jeu de manière plus ou moins régulière.
Les joueurs et joueuses m’ont dit avoir apprécié que chaque jour, une petite maisonnette garnie de caramels et mini-marque-pages soit remise à la personne ayant indiqué la première le code attendu.
J’avais ouvert le jeu aussi en dehors de la formation DCB, et me suis régalée des échanges avec une quarantaine de collègues qui ont joué de loin en loin, et de loin à explorer les merveilles de l’information règlementaire et administrative en accès libre, et à qui j’envoyais en échange des conseils de lecture de plus en plus improbables.
Le modèle “jeu ouvert à toutes et tous” et “petite animation locale sur une communauté donnée” avait à nouveau fort bien marché.
D’autres jeux, d’autres usages
Depuis un an, nous avons utilisé Osint4fun pour :
- animer une formation à la recherche de sources fiables dans des cursus M1 comme garantie d’intégrité scientifique (Damien Hamard : https://www.osint4fun.eu/paths/integrity/)
- organiser une petite enquête “Who did it” de 15 minutes lors de la fête de la rentrée étudiante (et au delà) : https://www.osint4fun.eu/paths/charly/ (Maxime Szczepanski et Céline Girardeau)
- faire un cahier de vacances (Céline Girardeau, Alain Godon) : https://www.osint4fun.eu/challenges/holiday-notebook-2024/
- tenter (avec un succès très mitigé) d’ambiancer une journée professionnelle nationale avec un challenge très facile Autour de Tintin (Nathalie Clot, Maxime Szczepanski) : https://www.osint4fun.eu/paths/tintin/
- suivre à la trace une collègue qui traverse l’Europe en famille et en transports en commun terrestres, et envoie de manière régulière des photographies d’un petit Gnosint à géolocaliser (Maud Puaud, Alain Godon, Céline Girardeau) : https://www.osint4fun.eu/challenges/gnosint-project/
Osint4fun a également permis, sans nous, il faut bien l’avouer pour l’instant, de lancer une super collection de tutoriels efficaces sur des tas d’outils que je maîtrisais mal [litote] : https://www.osint4fun.eu/tutorials/
Nous avons quelques projets sur le feu, avec, à titre para-professionnel un Garenne 2 pour janvier 2025, sous forme de challenge racontant une histoire cohérente, un outil de formation aux bases de la cybersécurité que nous préparons et espérons enrichir lors des journées EMI “cybersécurite et désinformation” de l’enssib, un grand jeu pérenne autour de l’exposition Les femmes sont dans la rue, avec une déclinaison plus escape game si nous avons l’énergie de mener à bien un projet de nuit des féminismes du 8 au 9 mars 2025… Quand on y réfléchit, les possibilités sont immenses, et la seule limite est celle de l’internet et de notre imagination, c’est dire si on a de la marge !
Et si vous jouiez aussi ?
Plusieurs collègues m’ont demandé si elles pouvaient utiliser “Autour de Tintin” dans leur équipe de formateurs et formatrices : bien entendu, vous pouvez le faire sans même demander (même si ça me fait plaisir d’avoir des nouvelles de comment cet objet créé pour se faire la main peut être réutilisé). Tout ce qui est mis en ligne sur Osint4fun est en licence CC-By 4.0. Gardez en tête qu'”Autour de Tintin” est un parcours très facile, que les premiers testeurs ont bouclé en une quinzaine de minutes mais qui a bien tenu une soirée à de courageuses joueuses moins aguerries à ce genre de quête.
En effet, à rebours de ce à quoi nos concours, examens, formations et multiples jeux de mémorisation type trivial pursuit nous ont (dé)formé, l’important ici (et en général, me semble-t-il, lorsqu’on a des pétaoctets de trivia au bout des doigts) n’est plus ce qu’on a vaguement mémorisé et qu’on sait régurgiter avec plus ou moins d’assurance, mais ce qu’on est capable de trouver en posant les bonnes questions. L’essentiel me paraît désormais reposer sur les stratégies de recherche que l’on peut déployer face à une question clairement formulée.
Le calendrier de l’Avent 2024 est une occasion idéale pour essayer ce viagra des compétences documentaires. Les seuls effets secondaires à anticiper sont une légère addiction, spontanément réversible le 25 décembre, une série de morsures quotidiennes à l’amour propre, amplement compensées par une montée en compétence fulgurante et un assouplissement notable de vos capacités mentales dès que le traitement commencera à faire effet.
Il nous est désormais possible de nous enregistrer dans une équipe, qui peut être un service, une BU, une promotion, une bande d’ami·es professionnels ou d’ami·es tout court et défendre collectivement la place des bibliothécaires dans ce grand jeu ouvert de recherche d’information… Alors, qui veut bien jouer avec nous ?
Pour prendre votre élan
Mode d’emploi création de compte personnel et d’équipe et idées d’animation au sein d’une BU, d’un SCD ou d’une équipe inter-établissement informelle.