Le modèle coopératif : principes et fondements

Genèse du modèle coopératif en France

Les banques coopératives se développent véritablement en Allemagne à partir du XIXe siècle : on parle alors plutôt d’ « associations » ou de « sociétés ». Celles-ci cherchent à faciliter l’accès au crédit à des personnes qui en sont privées en raison de leur situation économique instable. Les membres de ces associations, aussi appelés « sociétaires » s’engagent à mutualiser leur argent pour faciliter leur accès au prêt auprès d’un créancier : ils sont tous solidaires face à la dette. Le succès de ce modèle coopératif allemand inspire bientôt la France où se développe tout un mouvement coopératif autour des  premières caisses de crédit populaire. À l’époque, les grandes banques de crédit existantes s’adressent essentiellement à la grande industrie ou au grand commerce. Les petits artisans, commerçants et agriculteurs souhaitent s’affranchir des monts-de-piété et prêteurs sur gage qui pratiquent l’usure et qui restent les organismes de crédit traditionnels pour les plus démunis. N’ayant pas accès aux grandes banques et soutenus par des philanthropes, ils initient des formes de coopérations et de mutualisme bancaire parfois liées aux courants socialistes et ou chrétiens. Cela s’inscrit dans le contexte du XIXe siècle très tourné vers l’instauration d’un ordre social qui permette à tout individu de vivre de son travail, de fonder une famille et peut-être même d’accéder à la propriété.

C’est à la fin des années 1880 que le mouvement coopératif se voit favorisé par la loi du 21 juillet 1884 relative à la liberté d’association professionnelle et permettant la création de banques locales. L’action du capucin Ludovic de Besse à l’origine de la première Banque Populaire française contribue elle aussi à développer ce mouvement avec la création d’établissements de crédit essentiellement tournés vers les artisans, commerçants et petits industriels.

Fonctionnement et valeurs du système coopératif

Le modèle coopératif repose sur une structure où les membres (sociétaires) sont à la fois propriétaires et usagers de l’organisation. Ils peuvent être des professionnels ou des particuliers et ils détiennent chacun une part sociale de la banque. Une banque coopérative est donc une banque qui appartient à ses sociétaires. Une banque fondée sur le modèle coopératif ne recherche pas uniquement le profit mais se concentre sur le bien-être commun, en mettant en avant la gouvernance démocratique et le dialogue. Son système est simple : 1 personne = 1 voix, là où une banque non coopérative donne autant de voix à un actionnaire qu’il possède d’actions. C’est donc un système que l’on pourrait qualifier de démocratique dans le cas du modèle coopératif. Les sociétaires élisent les membres du conseil d’administration, ce dernier nommant le président. Mais les sociétaires participent également à la vie de la banque de façon concrète lors des assemblées générales en prenant part aux décisions coopératives. Aussi, le modèle coopératif impose à l’établissement de mettre de côté une part certaine de ses bénéfices dans le but de les redistribuer aux coopérateurs, ils doivent donc servir uniquement au fonctionnement de la banque. 

On peut donc résumer le modèle coopératif en sept principes fondamentaux:

-adhésion volontaire et ouverte à tous

-pouvoir démocratique exercé par les membres

-participation économique des membres

-autonomie et indépendance

-éducation, formation et information

-coopération entre les coopératives

-engagement envers la communauté

La réinvention du système coopératif après les crises

Dans les années 1990, le modèle coopératif doit faire face à un mouvement de privatisation des banques, un début de crise immobilière et un ralentissement général de l’économie. Les domaines de l’immobilier et des PME subissent des défaillances et des banques proches de ces secteurs s’en trouvent déstabilisées. Pour survivre, les groupes bancaires s’élargissent, y compris les groupes à statut coopératif. C’est par exemple le cas des Banques Populaires qui reprennent le groupe Natexis en 1998 à la suite d’une OPA. Les banques coopératives acquièrent de plus en plus une image de banque d’investissement et de gestion d’actifs, au détriment de leur modèle traditionnel fondé sur les valeurs sociales, familiales, humanistes et de proximité. Les banques se développent davantage sur le modèle des grandes entreprises et certaines deviennent cotées en bourse. La loi NRE (Nouvelles Régulations Économiques) de 2001 oblige une transparence financière de la part de ces entreprises et de ces banques et contribue en quelque sorte à améliorer leur image. Elle leur impose de publier dans leur rapport annuel des informations sur leur impact social et environnemental ; c’est l’implantation de la Responsabilité sociétale d’entreprise (RSE).

La crise financière de 2008 et les préjudices d’image qu’elle fait subir au secteur bancaire incite également les banques coopératives à davantage tenir compte des intérêts des investisseurs et à répondre à leurs obligations vis-à-vis de la société. Cette crise met en doute la méthode de fonctionnement de nombreuses banques et l’on attend désormais une meilleure transparence sur leurs activités. Les banques coopératives s’appuient de nouveau sur leur histoire et intègrent leurs valeurs sociales originelles dans leur politique de communication. En mobilisant notamment les questions de (RSE), elles veulent remobiliser un sociétariat affaibli et en faire un révélateur de leur action positive sur les clients.

Depuis la crise de 2008, les banques connaissent une chute du nombre de leurs sociétaires qui se manifeste par une faible participation aux assemblées générales. La proximité de la banque et le rôle des sociétaires dans la vie de celle-ci sont remis au centre du discours. Avec le déploiement d’une action commune, celle des sociétaires en commun avec leur banque, le couple devient le moteur d’une action en faveur du changement social : il s’agit de répondre aux besoins humains, de créer des liens et de réaliser des actions communes dans l’intérêt général. Sur un discours alliant proximité et dialogue, l’économie et le monde financier se trouvent une vocation dans les actions à intérêt général et social : la rentabilité est inscrite au service de l’éthique.

Bibliographie

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