KiKoiOù : un dispositif d’enquête sur les usages des fréquentants

Cet article a été rédigé par Elodie Cuissard, stagiaire DCB à la BU d’Angers au printemps 2017. Elle est désormais en poste au SCD de l’Université de Haute Alsace comme chargée des services à la recherche.

En tant que stagiaire DCB à la BU d’Angers, ma feuille de route portait d’une façon générale sur l’UX. Par ailleurs, la BUA souhaitait reprendre une enquête menée en 2014 et qui visait à cerner le profil du public installé dans les espaces de la BU à un instant T. Ma principale mission lors de mon stage a donc été de retravailler le principe de l’enquête de 2014 et de l’augmenter pour en faire une étude sur les comportements des usagers. J’évoquerai dans ce billet la mise en place du dispositif et ce que nous avons pu tirer de cette enquête.

Retour sur 2014 et l’« enquête Ipad »

L’objectif de cette enquête était d’obtenir le profil des utilisateur-trices des espaces de la BU. Avec une application de scan de codes-barres installée sur des Ipad, les cartes de tous les usagers inscrits ont été scannées, tandis que le profil (étudiant, lycéen, actif…) des non-inscrits était relevé à part. A partir des numéros de codes-barres, les données concernant la discipline et le niveau d’inscription de chaque étudiant-e, ainsi que des informations concernant les emprunts, étaient relevées à partir du module statistique du SIGB Alpeh.

Quels sont les avantages de cette formule, par rapport à un questionnaire ? Comme elle ne dépend pas du bon vouloir du public, elle permet de relever beaucoup plus de données (rares sont les usagers qui refusent de présenter leur carte).  Par ailleurs, elle permet d’avoir des données homogènes (codes de discipline etc), ce qui facilite le traitement. Enfin, elle est peu contraignante pour les usagers qui n’ont qu’à présenter leur carte. Cela demande en revanche plus de travail pour les agents qui mènent l’enquête, et ce point a été crucial dans la procédure de 2017…

Un constat avait été dressé à l’époque : les lieux sont occupés par un nombre non-néglieable de non-inscrits. Et par ailleurs, les collègues avaient pu constater, sans grande surprise, que peu d’usagers des espaces utilisaient les collections papier mais sans pouvoir chiffrer clairement ces pratiques.

2017 : reprendre l’idée mais l’enrichir

La mission m’a donc été confiée de reprendre le principe de l’enquête Ipad mais de l’enrichir avec la question de l’utilisation des collections papier. Et comme dans le même temps la BUA s’interrogeait sur les pratiques informatiques des usagers, nous avons décidé d’y ajouter l’utilisation de portable/poste fixe.

L’idée était que le dérangement soit minimal pour l’usager et qu’il n’ait toujours qu’à présenter sa carte (ou donner sa catégorie pour un non-inscrit). L’évaluation de l’usage des collections et des pratiques informatiques relevait donc de l’observation de la part des enquêteurs. Nous nous rapprochions de ce que l’on appelle le sweeping (l’enquêteur balaie l’espace du regard et note combien de personnes utilisent un document issu des collections) mais nous souhaitions que cette observation soit associée au profil de l’usager (est-ce un licence de droit, un master d’histoire ou un non-inscrit de classe prépa qui utilise un document papier?).

Notre objectif était ainsi d’obtenir une photographie à un instant T des pratiques dans les espaces de la BU, en corrélation avec un profil d’usager. Notre enquête se trouve donc à la croisée entre relevé quantitatif (avec un objectif de quasi exhaustivité) et étude de comportement à partir d’observations.

Trouver l’outil : un détour par l’épidémiologie

Il fallait  trouver un outil qui fonctionne sur les nouvelles tablettes Android de la BU, qui nous permette à la fois de scanner les cartes de lecteur et d’associer à chaque carte les informations relevées par observation. Il m’a semblé dans mes recherches bibliographiques qu’aucune enquête similaire n’avait été menée en bibliothèque : il n’y avait pas d’outil tout indiqué pour notre projet. Je suis sortie du champ des bibliothèques pour m’intéresser aux outils de collecte de données et j’ai trouvé ce qui m’a semblé être le Graal pour notre enquête : le projet Epicollect, et plus précisément sa dernière version, Epicollect5. Développé par l’Imperial College London, cette combinaison site internet/application mobile a d’abord été conçue pour faciliter les relevés de chercheurs en épidémiologie. Epicollect permet de créer des questionnaires très complets, avec la possibilité d’insérer des fichiers photos/vidéos/audios, de scanner des codes-barres/QRcodes et de géolocaliser les relevés. L’application, gratuite, présente donc tout ce dont nous avions besoin et nous avons même décidé d’augmenter notre relevé des données de géolocalisation, puisque l’opportunité se présentait, dans l’idée de visualiser l’implantation des usagers selon leur discipline. Par ailleurs, le site internet offre une visualisation de données sous forme de carte et permet l’import en csv.

A ce stade, nous projetions un peu cette enquête comme une collecte de données sur la population de marmottes dans les Alpes, ou alors un jeu qui pourrait s’appeler « LecteurGo : attrapez les tous »…

Mise en œuvre : tempus fugit !

La réalisation du questionnaire a été simple : la prise en main d’Epicollect dans son versant administrateur est assez intuitive, même si l’interface est entièrement en anglais. Lors d’une réunion avec les collègues volontaires, nous avons cherché comment régler certains problèmes concernant la géolocalisation et qui étaient différents selon les sites de la BU.

Nous avons vu les questions « Informatique et libertés » avec le correspondant CNIL de l’université. Nous avons également mis en place une communication sur cette enquête baptisée « KiKoiOù » à l’intention des usagers sur les réseaux sociaux de la BU et par un affichage sur les tables doublé d’une annonce micro le jour J.

Nous avions arrêté en tout 7 créneaux d’enquête, correspondant à différents « temps » dans l’activité des deux bibliothèques (samedi, dimanche, soirée, après-midi en semaine), sachant que l’ensemble de l’enquête a eu lieu avant les vacances de printemps, sur une période d’activité haute. Selon les créneaux ce sont des collègues volontaires, celles et ceux de service ou les moniteur-trices étudiant-es de service qui ont assuré les relevés.

Le premier créneau d’enquête, le samedi à Saint-Serge, avec une jauge pleine à 75 %, a été compliqué car nous nous sommes rendues compte que nous avions besoin de beaucoup plus de temps que prévu. Il a fallu 3 grosses heures à 2 ou 3 collègues en parallèle pour faire le tour des espaces. J’avais pensé qu’il en faudrait moitié moins… Il  nous a manqué un test à l’échelle d’un plateau pour nous rendre compte de l’ampleur du travail

Néanmoins, 2196 relevés ont été effectués sur l’ensemble de la campagne, ce qui constitue une gigantesque base d’informations sur le comportement des usagers. Je remercie ici encore les collègues qui ont assuré l’enquête, qui s’est faite en mon absence puisqu’un malheureux hasard m’a contrainte à un arrêt maladie à cette période. Heureusement j’avais pris le temps de rédiger une procédure avant mon absence, ce qui a permis aux collègues de se saisir sans moi du travail à réaliser. J’aurai au moins appris l’importance de documenter ce que l’on fait pour pouvoir le transmettre.

kikoiouresultats

Des choses à améliorer, mais aussi du positif

Les améliorations peuvent être légèrement différentes selon les sites mais ce qui ressort est :

– être plus nombreux avec plus de matériel : au moins 4 en même temps, dans l’idéal 6, pour avancer plus vite et scanner plus rapidement l’intégralité d’une zone ;
– mieux communiquer en amont, notamment annoncer au micro zone par zone en demandant aux étudiant-es de sortir leur carte ;
– travailler en binôme : avoir une personne qui annonce, explique la nature de l’enquête, répond aux éventuelles questions pendant qu’une autre se charge de remplir le questionnaire.

Certaines lourdeurs étaient aussi dues à l’application en elle-même qui ne permettait par exemple pas de mettre plusieurs questions sur la même page ce qui obligeait à des clics un peu inutiles.

Malgré tout, on peut tirer beaucoup de choses positives de cette enquête :
– malgré la lourdeur du dispositif, elle a été menée à bien et nous fournit beaucoup d’informations ;
– les usagers ont fait bon accueil aux collègues et étaient souvent curieux du pourquoi de cette enquête ;
– la plupart des collègues ont apprécié d’aller voir les usagers « en situation ».

Les collègues ont regretté d’être trop pris-es par l’aspect matériel de l’enquête de ne pas avoir pu échanger plus avec les usagers ; ils/elles se sont saisi-es de l’observation des usages et ont même suggéré des observations complémentaires qui pourraient venir enrichir cette première mouture dans les années à venir. Il est ressorti de cette enquête que, globalement, les collègues ayant participé partagent l’idée qu’il est nécessaire de connaître les usages du public, car ceux-ci évoluent, et que c’est en connaissant le comportement des usagers que l’on peut leur rendre un service adapté.