BO : Louis Amstrong, What a wonderful world, via Archive.org
Or donc me voici de retour d’un stage organisé par la formation continue de notre maison mère, stage concernant la gestion des données de la recherche et par ricochet la place que nous pouvons/devons avoir dans l’éco-système de ce “nouvel” composant de notre paysage professionnel.
Stage intéressant dans l’ensemble, bien que me laissant l’impression bizarre d’un encore mystère global sur la manière dont ce déluge va être organisé/digéré de notre côté : il y a un côté totale impro qui me surprend toujours, surtout venant de très grosses structures mais bon, ce doit être ça, la French Touch*.
Un moment m’a particulièrement interpellé, celui où nos collègues bibliothécaires de l’EPFL sont intervenues (juste pour information, leur bibliothèque aligne sur le pont 7 personnes soit 3 ETP dédiés à l’accompagnement des chercheurs sur la gestion de leurs données sachant que globalement, la bibliothèque compte 39,6 ETP en date du 30 septembre 2015 — je vous laisse réfléchir à ce chiffre).
L’exercice par elles proposé consistait donc à dégager de X offres d’emploi issues de boutiques anglo-saxonnes des éléments du type “quels sont les compétences métier recherchées” et de produire en retour synthétique des post-it (ceux qui me connaissent savent à quel point j’aime les plans post-it, mon rêve secret étant, si mon Karma m’y autorise, de me réincarner en post-it, mais ça reste entre nous).
La conclusion manifeste de cet exercice était simple : toute une partie des compétences attendues dans ce domaine par les (futurs) employeurs (ici émergent déjà des besoins auxquels il va falloir nécessairement répondre, et vite) sont d’une part très techniques ; d’autre part bien loin des compétences actuelles d’une majeure part des professionnels des bibliothèques (je m’inclus).
Ce moment post-it a eu le mérite de faire émerger deux questions :
A/ Quand et comment la profession va-t-elle répondre à ces besoins, et surtout via quelles formations initiales et continues concrètes à la fois pour profiler rapidement des professionnels type data librarians ; et des cadres en mesure de piloter des équipes de data librarians ? (nous étions à l’Enssib, c’est aussi pour cela que l’interrogation allait de soi)
B/ Autre interrogation initiée par Solenn Bihan, que je reprends/remouline ici : ces équipes de data librarians sont/seront souvent de petites équipes (comme le sont les équipes bibnum d’ailleurs) très techniques. Comment ces compétences atypiques seront-elles reconnues dans les parcours des agents, quand on sait à quels points la reconnaissance pro semble généralement porter sur des critères fort différents de ceux esquissés ici en filigrane ? Par ailleurs, comment l’encadrement de ces équipes à compétences particulières sera-t-il valorisé dans l’évaluation et l’évolution de carrière de leurs cadres (on retombe là sur l’histoire déjà connue de tous les responsables de team techniques qui se voient quasi systématiquement écartés au moment des promotions au motif que leurs équipes ne font pas le poids numéraire face à des sections traditionnelles) ? Dit autrement, quand la compétence technique viendra-t-elle enfin égaler dans l’évaluation la compétence bibliothéconomique traditionnelle ?
Je pose ça là. Les commentaires vous sont ouverts.
PS : sinon, toujours le même plaisir trouble à revenir dans notre Vatican à nous, entre agacement (ah cet énorme potentiel que je sens sous-exploité) et agrément des discussions avec celles et ceux que l’on y recroise et qui tentent de préparer au mieux les jeunes recrues que nous enverrons au feu dans la bataille de l’information dès demain (LOL)
* en français dans le texte
Hasard du calendrier, ce post vient en résonance avec mon actualité.
Je fais partie de cette minorité d’agents qui ont choisis ( et c’est important de le dire) de travailler en bibliothèque après une expérience technique (en l’occurrence QA manager dans une start-up dédiée au développement d’applications mobiles) et après 6 ans de bons et loyaux services en tant que trouff.. Bibas, j’ai obtenu le concours de bibliothécaire d’Etat. Plusieurs choses intéressantes à savoir :
1/ Lors des deux concours que j’ai obtenu (donc AB et Bib) j’ai eu les écrits sur des sujets portant en très grande partie sur des aspects numériques (mais pas que) en l’occurrence : la numérisation de fonds patrimoniaux (la marotte à l’époque) et l’enquête de satisfaction Libqual (parce que les gens qui pondent les sujets semblent avoir de l’humour). Et à chaque oral, la double spécialisation cadre numérique + bibliothécaire (en tant que moniteur pour AB et en tant que catégorie pour le concours de Bib), m’a clairement aidé voire sauvé (ah bon c’est l’épreuve de culture gé et pas une partie de kamoulox ? 0_°)
2/ A l’heure d’aujourd’hui je n’ai presque jamais été invité à participer aux discussions techniques portant sur les projets numériques de mon établissement, alors même que j’aurais pu apporter des éclairages et surtout, me semble-t-il, aider mes collègues à préparer aux mieux leurs échanges avec la cellule TIC. A posteriori j’aurais pu leur faire économiser du temps et de l’argent. Encore plus marrant, lorsque j’ai soulevé la question, j’ai constaté que, bien que cela figure dans le CV envoyé lors de ma candidature, que je ne l’ai jamais caché, et que chaque année (cf. infra) je demandais à continuer à me former sur ces questions, personne n’était au courant. Dont acte.
3/ En début d’année, j’ai voulu développer des compétences techniques afin de me spécialiser encore plus, mais mes demandes de formations (via le Cnam; Openclassroom, etc.. ) ont toutes été refusées (y compris celle demandées au titre du DIF) comme les années précédentes. J’ai donc commencé ma formation sur fonds propres via openclassroom, mais dans l’espoir de pouvoir re-basculer dans le privé au final. (Palpatine ayant des arguments de poids).
4/ Aujourd’hui je dois donc prévoir mon départ à l’Enssib. Passons le fait que l’administratif relatif à tout cela est, disons.., pesant, et projetons-nous dans les mois qui viennent. L’idée est de laisser passer les premières semaines et de voir si la qualité de l’enseignement me dispensera de continuer ma formation openclassroom. Si ce n’est pas le cas alors je mettrais les bouchées doubles pour sortir de ces 6 mois avec des connaissances un peu plus avancée en matière de gestion de projet informatique et donc, probablement, aussi, de “bibliothéconomie traditionnelle” et de gastronomie.
Moralité ? aucune.
Bilan ?
De ce que j’en vois, la distorsion entre la réalité des postes type data librarians et la formation, voire la réception et le traitement de ces postes dans les établissements, induit qu’il faut être sacrément armé pour y candidater. Armé psychologiquement (car il va falloir être didactique et diplomate) et armé techniquement (parce que les interlocuteurs nous prendrons pour des bibliothécaires et les bibliothécaires pour des informaticiens, (au mieux)). Personnellement ça me botte assez (mais il faut dire que j’aime aussi le velouté d’endives) mais je ne suis pas sûr que cela encourage d’éventuels postulants.
Constat 2. Le recrutement semble se tourner vers les aspects numériques et l’oral semble aller dans ce sens aussi. Du moins pour Bibas et Bib, car il reste le concours de Cons’… et là c’est une autre histoire (un jour je ferai un blog juste pour publier un billet là dessus). Et je veux y voir une lueur d’espoir. La vraie question est donc : y’a-t-il continuité dans la formation initiale ? J’imagine que j’aurais un début de réponse en octobre…
ps : à noter qu’une grand partie de la motivation quotidienne repose sur le fait que j’ai découvert que partout en France, d’autres collègues (mais on ne donnera pas de noms) font un travail formidable et préparent les actions futures, notamment par leurs interrogations sur l’existant.
on attend tes témoignages futurs 😉
Bon courage
Bonjour,
Tout comme le commentaire précédent, je note le hasard du calendrier qui fait que dans quelques jours se tient une JE sur “archiver la recherche: responsabilités partagées” à l’université de Montpellier. Cette JE qui cherche à établir un dialogue entre différentes professions est organisée par les grands absents de ce billet: les archivistes. Il est intéressant de noter que l’accompagnement des chercheurs est fait par les équipes des bibliothèques alors qu’il s’agit d’une des fonctions premières des archivistes. Il semblerait donc que les données de la recherche, de part leur forme/format/intérêt de réutilisation, soient transformées en un nouvel objet non archives qui est pris en charge par les bibliothèques. Loin de moi l’idée de jeter la pierre, mais je m’interroge tout de même sur ce glissement… et donc sur la nécessité de créer de nouveaux métiers sans penser aux rapprochements archivistes-bibliothécaires.
Hum… On ne parle pas ici des données comme objet archiviste, mais des données encore “vivantes” avant qu’elles rejoignent éventuellement les archives. Du coup, les archivistes interviennent plutôt ensuite, en fin de cycle de vie — même si évidemment, il est important/intéressant sans doute que bibs et archivistes travaillent ensemble au départ pour préparer la suite, dans une logique d’archivage justement.
Je vais le dire autrement : je ne pense pas que les données de la recherche relèvent nécessairement de l’objet archive, et c’est pour cela que je n’évoque pas ici les archivistes. Clairement, ma préoccupation n’est pas dans ce billet de réfléchir à comment nous pouvons travailler ensemble, mais bien plutôt, en amont, de me demander comment les bibliothèques peuvent former les agents qui vont ensuite traiter les données et éventuellement travailler avec des archivistes.
Ah, et je ne pense pas qu’il s’agisse de créer de nouveaux métiers, je pense qu’il suffit de faire évoluer les “anciens” métiers ; on peut parfaitement imaginer d’ailleurs des formations qui feraient se croiser bibliothécaires et archivistes autour des données.
Et on appellerait cela école des Chartes (pour rester sur la thématique potentiel gigantesque inexploité)
Je rebondis sur le commentaire de @vacléia : la gestion des données de la recherche relève effectivement des modalités de production et de préservation, donc il y a bien des compétences archivistiques.
Le fait est qu’historiquement, il y a un plus grand nombre d’Universités dotées de bibliothécaires que d’archivistes. Et quand l’Université a le bonheur de disposer d’un service d’archives, il n’y a pas forcément une grosse équipe sur laquelle répartir ces nouvelles fonctions.
Parallèlement, les bibliothèques sont en recherche de nouvelles fonctions pour continuer d’avoir le droit d’exister : donc du temps libre à redéployer.
La question est : de quoi les chercheurs ont besoin, et comment les satisfaire au mieux. Du coup, on peut plus facilement puiser dans la population des bibliothécaires sur place (un petit bout d’ETP par ci par là) que sur le seul archiviste pas forcément existant.
Mais dans l’hypothèse d’une coexistence service d’archives – bibliothèque au sein de l’Université, il me semble évitant que la gestion des données de la recherche doit se faire en associant les 2 métiers (parce que quand même, il y a la question de la production scientifique, au sens d’activité de publication, qui relève plus des bibliothèques)
Je pense qu’il y a une manière simple de sortir du débat, ça tient en une phrase : il y a bien assez de data pour tout le monde.
Pour compléter ces éléments (et ceux dispensés lors de la formation ENSSIB) sur les compétences attendues sur ces nouveaux métiers , il est intéressant de jeter un œil au profil-type “data librarian” flambant neuf, qu’ont élaboré les associations professionnelles (dont LIBER) réunies au sein de la Task Force on Librarians’ Competencies in Support of E-Research and Scholarly Communication.
A découvrir ici : https://www.coar-repositories.org/files/Competencies-for-RDM_June-2016.pdf
Merci pour la documentation 🙂