Billet en trois points – merci à ceux du fond de lâcher le radiateur et de suivre un peu.
1. Si on suit un peu ce qui se passe dans le milieu littéraire contemporain, on voit émerger des “nouvelles” pratiques d’écriture dans lesquelles l’atelier de l’auteur est en ligne, et ses manuscrits, écrits directement sur le web par le biais de sites dédiés : ici, le manuscrit, c’est le site de l’auteur, tout simplement.
Une des problématiques posées par ces pratiques émergentes est assez triviale, du côté auteur : c’est celle de l’hébergement du site-atelier, hébergement qui :
- a un coût ;
- suppose un minimum de compétences techniques ;
- risque d’être mis à mal à la disparition de l’auteur (les hébergeurs ne sont pas des sociétés philanthropiques : quand vous cessez de payer l’hébergement, cet hébergement s’arrête, et les sites hébergés disparaissent, tout simplement).
2. La BUA recueille parmi ses fonds spécialisés des archives littéraires et parfois, dans ces fonds, des manuscrits (je pense à ceux de Bazin). Ces archives sont principalement des archives papier. Si on a bien lu le point 1., dans quelques années, nous (et les institutions qui recueillent des archives de même type) ne pourrons plus recueillir de manuscrits : il n’y en aura plus sous la forme papier qui prédominait jusque là.
3. Et alors ? Voilà l’idée.
Est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer que des Bu (et donc des Universités) mettent en place avec des écrivains des conventions d’hébergement et de dépôt. Cela fonctionnerait comme suit, après signature de la convention :
- L’université met à disposition de l’écrivain un hébergement web et des outils web et une aide technique si nécessaire, le tout étant destiné à ce que l’écrivain soit débarrassé de toute contingence technique sur ses outils d’écriture web ;
- l’écrivain utilise cet hébergement pour écrire et diffuser ses textes, avec autant que possible des outils de versionning qui permettent de suivre le chemin de l’écriture ;
- quand l’auteur disparaît, le site et les productions qui y sont déposées restent en ligne ad vitam aeternam (au minimum) ;
- bien évidemment, les textes déposés sur le site sont diffusés sous des licences type CC afin d’être lisibles gratuitement par le plus grand nombre ;
- pour les versions de ces textes publiées via des éditeurs commerciaux, le modèle des ayant-droits (dont on peut espérer qu’il se réformera bientôt, mais c’est un autre débat) reste valide : ces derniers (l’auteur et donc ses ayants-droits) gardent leurs prérogatives.
On verrait ainsi émerger des “home” d’auteurs qui débarrasseraient ces derniers de tous les trucs ennuyeux en les assurant que leurs outils web soient pris en charge et leur survivent ; et que leurs textes continuent à être lus et diffusés ; le tout, via des institutions publiques et des conventions assurant que tout cela reste accessible à tous.
Je ne sais pas ce que vaut cette idée, mais elle me trotte dans la tête depuis pas mal de temps, alors autant m’en débarrasser ici pour qu’on en discute : les commentaires sont ouverts.
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I say Yes. Super belle & judicieuse idée, oui.
Reste à creuser – je vais voir à structurer ça.
Hmm hmm comment dire… Je suis dubitatif :
– quand tu dis “l’écrivain”, c’est l’écrivain qui se dit écrivain ou celui qui a déjà prouvé qu’il est écrivain ? Il y a un vrai problème de masse.
– et un problème d’image : qu’est ce que qui nous dit que le guignol hébergé en pension complète par l’Université ne va pas se mettre à produire de la merde, ou pire, de la merde toxique. Depuis quand les Universités sont des entreprises philantropiques ?
J’aurais bien d’autres commentaires, mais c’est Noël, alors ce sera pour plus tard !
Sur le problème de masse : oui si on part sur un hébergement massif préalable à l’émergence – mais là, pas vraiment mon propos (quoi qu’on puisse rêver). Je pensais plutôt à quelque chose qui vienne une fois l’auteur “émergé” comme tel sur le web, repéré par la Bu/université, démarché par elle(s) – et une fois l’hébergement/dépôt conventionné.
Pour l’image : quand on se récupère un fonds ‘classique’, tout n’est pas non plus bouleversant… Cela fait partie d’un ensemble et c’est bien là ce qui est (aussi) intéressant, conserver les traces d’un parcours. Concernant la toxicité, à voir : on peut prévoit dans la convention des portes de sortie “éthiques” avec quelque chose de l’ordre d’un conseil qui permet de décider que l’hébergeur (la Bu/Université) rend ses billes à l’auteur parce qu’il part en live.
Belle collaboration, oui, d’autant que le service ne serait pas très lourd (sorte de fédération comme hypotheses.org). L’enjeu est plutôt symbolique, me semble-t-il : les BU françaises sont suffisamment rattachées à l’état pour ne pas y voir une prise de pouvoir par les universités. Mais aux États-Unis (avec des universités souvent privées et avec identités fortes) ou ici au Québec (modèle intermédiaire entre France et ÉU), on ne verrait pas pourquoi ce ne serait pas les bibliothèques nationales qui devraient prendre cet accueil en charge. Comme quoi le statut de l’hébergeur peut être lourd en incidences politiques et symboliques.
Effectivement, pas très lourd, comme service.
Une remarque : la plupart des BU (toutes) dépendent du point de vue technique de la DSI/DDN de leur Université – je vois mal une Bu monter un outil pareil sans travailler le dossier avec son Université… Et même en dehors de la question technique, ce serait assez curieux, pour une Bu, de faire ce genre d’offres en-dehors de son Univ.
Petite ambiguïté ici, désolé : j’associais BU et universités… donc si une BU, au nom de son université, prend cette initiative, c’est un peu l’état français qui se porte garant. Dans d’autres contextes nationaux, ce serait plutôt l’orgueil de telle ou telle université qui serait mis de l’avant, et non la perspective nationale (le bien commun, pour le dire autrement).
Merci, tu me donnes des arguments pour mettre en place ce type de service. J’avais un embryon d’idée en ce sens dans le cadre du projet numérique en dracénie ^^
Tu nous expliques ton projet ?
Facile. Imagine un quasi néant numérique où je dois tout construire avec mon équipe (partiellement constituée). Ca va des pratiques pro, aux pratiques des adhérents, en passant par les ressources et services à proposer. Sans oublier la présence web qui est… comment dire… affreuse :p (cf http://www.dracenie.com et http://mediatheque.dracenie.com).
J’envisage de mettre en place un système proche des blogs de l’université d’Angers, mais au niveau territorial. Je m’interrogeais sur la pertinence d’ouvrir à des auteurs et artistes. Tu m’as convaincu ^^
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Bonjour,
Je tombe sur cette idée de “home de l’écrivain” que je trouve excellente à une petite modification près : il me semble que plutôt que de faire confiance à une université, on pourrait imaginer de créer une association ou une fondation ayant le même rôle. On pourrait y faire des donations (sur testament, avec contrôle de notaire), et tant qu’il resterait de l’argent, les textes resteraient en ligne.
Donc, puisque j’arrive dans la discussion avec quelques mois de retard, je voudrais savoir où en est l’idée? Pourrait-on la relancer sur des bases un peu différentes?
Pierre Delain
Bonjour. L’idée est lancée, aucune université ne l’a reprise pour l’instant à ma connaissance…
Perso, je pense que l’intérêt justement de s’appuyer sur une Univ est de régler “de fait” les problématiques de financements, les problématiques techniques, etc : tout ça est déjà présent dans les universités alors qu’une assoc ou une fondation devra tout monter et tout financer (et que justement, donc, le maintien en ligne est subordonné à la survie de l’asso ou la fondation = à mon avis plus risqué : une université, c’est beaucoup plus stable…).
Cela dit, c’est une idée, elle est lancée, chacun la reprend comme il veut 🙂
D.
Dire “chacun la reprend comme il veut”, c’est être presque sûr que personne ne fera rien… Et connaissant un peu le monde de l’université, je doute fort qu’aucune ne se prête à ce genre de jeu! Concernant l’idée d’une fondation, j’ai interrogé il y a quelque temps un notaire pour savoir s’il se prêterait à un montage de ce style (sachant que la question principale, à mon avis, c’est d’être sûr que des dons éventuels soient affectés au bon usage après la disparition du légateur), il m’a expliqué qu’il existait déjà ce genre de choses pour des fondations ayant d’autres buts, et que ça ne poserait pas de problème de principe. Il y a un cahier des charges, et le notaire libère l’argent au fur et à mesure (l’intérêt, pour lui, c’est d’être dépositaire de l’argent).
S’il y avait un petit groupe prêt à se lancer dans une étude pour voir si on peut aller plus loin, moi je serais partant. Je suis persuadé qu’il y aurait énormément de personnes intéressées (pas seulement les blogeurs ou les auteurs d’oeuvres, tous ceux qui accumulent des infos sur un sujet et qui veulent le conserver pour l’avenir sans en attendre aucune rémunération, par exemple les généalogistes, etc…).
N’attendons pas que quelqu’un prenne l’initiative! prenons nous par la main.
P.
Voilà, votre appel est relayé.
Perso, c’est dans mon université que j’ai quelques espoirs.
y a encore 15 ou 20 ans les facs US auraient peut-être mis de la thune là-dedans, là je vois pas une fac qui disposerait de ce genre de mécénat, autant garder nos rogatons…
C’est coût quasi nul pour une université
J’vais poser l’idée sur la table en interne pour voir.
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