Moins d’adoptions à l’étranger. Regarder la réalité en face.

Par Yves Denéchère, professeur à l’Université d’Angers, directeur du programme EnJeu[x] Enfance et Jeunesse.

“Point de vue” paru dans Ouest-France le lundi 26 septembre 2016. A retrouver sur le site de Ouest-France

La question est légitime au regard de l’évolution des chiffres de ces dernières années. En 2015, la France a délivré 815 visas à des enfants étrangers en vue d’adoption par des Français. Le nombre ne sera pas supérieur en 2016. Il était à plus de 4 100 en 2005. Cette tendance – qui s’inscrit dans une évolution mondiale identique –  inquiète et frustre des milliers de Françaises et de Français titulaires d’un agrément en vue de l’adoption d’un enfant mais qui ne peuvent finaliser leur projet. Mais il faut toujours rappeler que l’adoption est une mesure de protection de l’enfance dont la finalité est de donner une famille à un enfant qui n’en a pas, et non l’inverse. Le droit à l’enfant n’existe pas, en revanche celui-ci a des droits, énoncés par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (1989) et spécifiquement concernant l’adoption internationale par la Convention de La Haye (1993).

La restriction du nombre d’enfants adoptables à l’international est due en partie à une réaction souvent constatée depuis les années 1960 : quand un pays envoie certains de ses enfants pour l’adoption à l’étranger, cela s’accompagne du développement de l’adoption nationale dans le pays lui-même. Ce qui est encouragé par la Convention de La Haye. On comprend donc, qu’avec les années, les adoptants nationaux des pays sources prennent en charge de plus en plus d’enfants. En ce sens, la diminution drastique de l’adoption internationale peut être vue comme une bonne nouvelle : de par le monde, il y aurait donc moins d’enfants délaissés sans solution dans leur pays.

L’intérêt de l’enfant d’abord

Hélas, cette présentation des choses doit être tempérée par les constats faits dans de nombreux pays en retard de développement où la situation des enfants sans famille ne s’améliore que très lentement et seulement pour les nourrissons qui trouvent plus facilement que d’autres à être adoptés. Ces Etats sont très souvent  insuffisamment équipés pour prendre en charge certaines pathologies et leurs sociétés peu préparées à l’adoption d’enfants différents. Pour ces enfants-là, l’adoption internationale demeure une forme intéressante de protection. D’où les caractéristiques des enfants étrangers adoptés en France depuis quelques années, dits « enfants à besoins spécifiques » : surtout des enfants grands, des fratries, des enfants handicapés. Car ce sont désormais seulement ceux-là que les Etats consentent à confier à d’autres pays, les seuls que les opinions publiques acceptent de laisser partir vers l’étranger. Et encore, faut-il que des éléments géopolitiques ou idéologiques ne viennent pas compliquer la donne…

Pour toutes ces raisons, on ne voit pas ce qui pourrait faire augmenter l’adoption internationale. Il faut que les candidats à l’adoption comme l’ensemble des acteurs et des décideurs regardent cette réalité en face pour permettre à la société française de bien appréhender les effets de cette évolution. Celle-ci interroge notamment le nombre et les modalités de la délivrance des agréments, sujet sensible dans l’opinion. Il en résulte aussi une pression nouvelle sur l’adoption nationale (environ 800 enfants chaque année). Il serait ainsi envisagé d’accorder plus couramment le statut de pupille de l’Etat aux enfants placés en institution ou en famille d’accueil, les rendant ainsi adoptables. Mais cela devrait se faire dans l’intérêt de l’enfant – pas aisé à définir dans ce cas – et non pour pallier à une diminution de l’adoption internationale.

 

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