Le mulot mort des bibliothèques

<MàJ 2 du 25 mai 2014>Merci à Christine pour la liste des postes I.T.R.F.  mais malheureusement, rien dans le tableau ne permet de déterminer si les recrutements indiqués sont à destination des bibliothèques. On reste donc dans le flou quand à la proportion d’I.T.R.F Bap E dans le monde magique des bibs </MàJ>

<MàJ du 25 mai 2014> On me fait fort justement remarquer dans l’oreillette que je pose en regard une liste de recrutement hyper-spécialisée (code4libs) à une liste de profils généralistes (Poppée) et que cela pose un problème méthodologique. Effectivement, à y réfléchir, je compare des choux et des carottes.
Il faudrait donc aligner en face de la liste des jobs code4libs l’équivalent pour nos I.T.R.F. recrutés à destination des bibliothèques, mais je n’ai pas trouvé de telle liste : merci de la signaler en commentaire si vous savez où la trouver afin que ma comparaison devienne plus scientifique.
Cela dit, je maintiens mes positions sur la suite du billet : ma comparaison choux-carottes pose problème, mais il reste vrai que la soupe des bibliothèques manque très cruellement de spécialistes du numérique, et ce n’est pas qu’une histoire de goût personnel.</MàJ>


Twitter est un outil professionnel très important pour moi (non, ce n’est pas un endroit réservé aux lolcats et autres pédophiles nazis et si vous en êtes encore là sur votre compréhension des réseaux sociaux, ce n’est peut-être pas la peine de continuer à lire) et c’est via Twitter (merci les potes) que je suis retombé sur code4libs (en résumé, un site consacré aux bibs à forte orientation numérique sur lequel j’étais déjà passé mais que j’avais arrêté de suivre, trop douloureux que c’était).

Je vous laisse aller découvrir les recrutements en cours actuellement dans les universités anglo-saxonnes et je vous laisse également mettre en regard les profils de poste en bibliothèques que nous voyons apparaître par exemple dans le très français Poppée.

Voilà, je pense que vous avez compris le problème.

Ce décalage énorme, sur lequel je me suis déjà exprimé (ça me lasse, ce radotage, vous ne pouvez pas imaginer), est à mes yeux très symptomatique de la manière dont les bibliothèques françaises gèrent le changement de civilisation actuellement en cours du fait du numérique : elles ne le gèrent pas, et continuent à penser que savoir vaguement utiliser Excel ou Word est le fin du fin numérique.

Personnellement, je pense que ce problème est lié en grande partie au fait qu’une bonne partie de notre encadrement de haut niveau n’a absolument pas compris ce qui se passe : les cadres mentaux de nos pilotes ne sont tout simplement pas en mesure de penser le bouleversement en cours et donc, encore moins, de l’accompagner. Notre encadrement fait donc ce que nous faisons tous dans ce cas, il se replie sur ce qu’il connaît, la conservation, le gardiennage de la culture (comme si le numérique était incompatible avec la culture), le blah blah théorique, la recherche bibliothéconomique (cette vaste blague).

Je pense aussi que notre recrutement doit changer. Urgemment. Certes, la fonction publique fait que l’on ne peut pas faire ce que l’on veut. Mais en attendant une évolution du recrutement et des formations initiales des bibliothécaires (on peut rêver), il me semble que nous avons deux moyens d’actions :

  • faire des recrutements contractuels sur fonds propres (au besoin en sacrifiant temporairement la documentation, papier en particulier) ;
  • et surtout, saisir toute possibilité de basculer un poste de bibliothécaire en I.T.R.F. Bap E, en cessant enfin de fonctionner dans cette logique (de caste) de maintien à tout prix de postes de bibliothécaires : des bibliothécaires, dans nos boutiques, nous en avons bien assez maintenant, ce n’est vraiment plus de cela que nous avons besoin.

J’en profite pour répondre à quelques arguments qui m’ont déjà été opposés sur ce qui précède :

  • le modèle des universités privées américaines n’est pas notre modèle : c’est vrai et tout n’est pas bon dans le modèle américain, loin s’en faut. Mais regardez la liste de jobs que je pointe. Il y a également des universités publiques. Alors, pourquoi y arrivent-elles, et pas nous ?
  • formons des bibliothécaires déjà en place, au numérique : croyez-moi, il est beaucoup beaucoup plus rapide d’acculturer un développeur aux particularités (pas si particulières, du point de vue technique) des bibliothèques, que de former un bibliothécaire au PHP ou à de la gestion système, et nous l’avons constaté in vivo dans mon équipe, avec la mise à disposition par notre DDN (c’est le nom angevin de la DSI) d’un développeur PHP sur le projet Archives Ouvertures de l’UA (lequel projet, en passant, est en production pour le moment “intranet”, le produit devant être présenté en avant-première lors des JEDA du 04 et 05 juillet — inscrivez-vous) ;
  • les compétences numériques nous ont été retirées et ont été recentrées dans notre DSI : franchement, c’est normal. Comment voulez-vous qu’on prenne les bibliothèques au sérieux sur les questions numériques ? Nous avons démontré et démontrons chaque jour collectivement à quel point nous ne prenons pas le numérique en compte, puisque nous n’y consacrons que des RH indigentes (la bibnum BUA c’est 3,4 ETP, dont personne avec une formation initiale technique/informatique, quand le SCD compte 46 ETP et quand je pense qu’en fait la section numérique devrait être à 1/4 voire 1/3 des effectifs globaux des SCD) . On nous prendra au sérieux, i.e. on cessera de nous retirer des compétences numériques, quand nous donnerons place au numérique, vraiment. Ici comme partout, tout le temps, on récolte ce que l’on sème.

Voilà, un nième billet sur les mêmes thématiques, avec un arrière-goût amer de voir que nous (les bibliothèques) laissons passer une occasion incroyable de nous positionner dans ce monde d’informations et de données qui est en pleine explosion et dans lequel nous aurions toute place, si seulement nous faisions ce qu’il faut pour y être.

Allez, histoire d’en rire, le mulot.