France : quel agenda politique pour l’Open access ?

Deuxième billet sur Berlin 11, cette fois sur la position française exprimée par Roger Genet lors de la première session “Open access on the political agenda”, à la tribune puis au cours de la pause en fin de session.

Roger Genet a rappelé l’engagement fort de la France en faveur de l’Open access et développé trois points sur lesquels je voudrais revenir pour exprimer un point de vue strictement personnel :

  1. Il y a contradiction entre la diffusion ouverte et la préservation des systèmes de diffusion.
  2. La France, qui soutient l’OA sur tous les fronts, archives et publications, ne peut pas adopter une politique nationale en faveur d’un modèle car aucun n’est susceptible d’être adopté par tous.
  3. L’Open access est un mouvement “bottom-up”, tout est entre les mains du chercheur, une politique nationale fixant clairement un cadre réglementaire serait nécessairement malvenue.

1. “Disruption is not a bug, it’s a feature”

Roger Genet a expliqué que la politique Open access de la France se déclinait en 4 axes, présentés dans cet ordre :

  1. discuter avec les éditeurs, notamment des durées d’embargo
  2. promouvoir l’archive ouverte HAL (voie verte)
  3. promouvoir la publication en libre accès avec OpenEdition (voie dorée, modèle freemium)
  4. poursuivre le programme Persée pour la numérisation et la mise à disposition en ligne de revues papier.

Il a enfin souligné l’importance de préserver les systèmes de diffusion actuels.

On peut se réjouir des initiatives publiques citées. Il est absolument indéniable que HAL ou OpenEdition participent activement au développement de l’Open access en France. Sans ces projets, c’est sûr, nous n’aurions pas grand-chose à faire valoir. Mais on peut aussi s’étonner de voir placer en priorité numéro un (à moins que l’ordre de présentation, explicitement numéroté, ne soit pas représentatif de l’ordre de priorité ?) la négociation avec les éditeurs, et la question de leur préservation.

Comme l’a expliqué Mike Taylor lors de son intervention, la perturbation que représente l’Open access, chien dans le jeu de quilles d’éditeurs privés bien installés, n’est pas un dysfonctionnement : c’est une caractéristique intrinsèque de ce mouvement. Oui, le crétacé devait finir et les dinosaures disparaître pour que les mammifères se développent au paléocène. L’évolution de l’édition scientifique, recentrée sur la valeur ajoutée et non la simple diffusion, est à la fois urgente et inexorable. Plutôt que le freiner ou le nier, comme le voudraient certains groupes de pression d’éditeurs, il faut au contraire aider ce changement. Tout l’argent public qu’on investira pour maintenir en l’état l’écosystème est de l’argent perdu. Espérons que cet argent, s’il est utilisé pour les éditeurs privés plutôt que pour le développement de l’édition publique en OA, servira bien à accélérer radicalement cette mutation.

2. La stratégie du non-choix, aussi connue sous le nom de stratégie de l’âne de Buridan

Il est tout à fait louable de poursuivre les initiatives dans les deux voies. Mais en quoi cela empêche-t-il le pays d’adopter un mandat clair faisant d’une des deux voies un passage systématique pour les chercheurs ? M. Genet a expliqué que la diversité des pratiques disciplinaires et des écosystèmes de diffusion était telle qu’aucun modèle ne pouvait être adopté par tous. Il me semblait au contraire que les archives ouvertes présentaient cet avantage de pouvoir être utilisées par les chercheurs de toutes les disciplines, notamment parce qu’elles ne remettent pas en cause la liberté académique de l’auteur en matière de choix d’éditeur. Pourquoi donc ne pas opter pour un dépôt systématique des publications financées sur fonds publics dans des archives ouvertes, comme cela a été officiellement décidé dans d’autres pays ? Encourager l’Open access ne suffit pas, et adopter un mandat en faveur d’une des deux voies n’équivaut pas à rejeter l’autre, cela accroît juste la lisibilité de la politique nationale pour les chercheurs.

Ici je voudrais également revenir sur une phrase entendue à la pause, disant, en substance, que le problème des archives ouvertes était qu’il n’y avait pas de reviewing. C’est méconnaître le fonctionnement des archives ouvertes. Dans une archive, on peut déposer toutes sortes de documents, des articles parus dans des revues à comité de lecture, également des working papers. On trouve donc dans les archives comme HAL à la fois des publications validées par un comité de lecture ET d’autres types de documents, chacun clairement identifié. Le modèle de base, c’est que le reviewing ne se fait pas dans l’archive mais chez l’éditeur. Et aujourd’hui d’autres modèles de validation se développent pour cautionner a posteriori les preprints non publiés (le modèle des épirevues). Dans tous les cas, archive ouverte n’est en rien synonyme d’absence de validation scientifique.

Quand le “bottom” demande l’aide du “top” (et a parfois l’impression de crier dans le désert)

Pour le ministère, donc, l’Open access est un mouvement “bottom-up”, son succès dépend de la volonté des chercheurs. Au contraire, Sely Costa a fortement insisté sur le nécessaire double mouvement, un courant partant des acteurs eux-mêmes, l’autre “top-down” soutenant le premier (et par soutien il faut entendre soutien en actes). Une discussion informelle a fait entendre cette assertion : on ne peut pas exiger le dépôt en AO, les chercheurs ne l’accepteront pas, et cela sera source de grande confusion pour eux qui ne sauront plus quoi faire, pris entre la chaise du contrat d’édition et celle de la politique nationale.

Au contraire, c’est aujourd’hui que les chercheurs ne savent pas ce qu’ils ont le droit de faire et finissent par ne rien faire du tout ! Et c’est précisément pour leur donner un cadre légal clair que de nombreux pays adoptent des mandats nationaux primant sur les cessions de droit exigées par certains éditeurs. L’Allemagne a même modifié son droit d’auteur pour préserver d’office les droits de diffusion des chercheurs sur leurs travaux (même si cette loi présente elle-même des limites, j’y reviendrai sans doute, c’est tout de même une sacrée avancée au niveau de la démarche !). On se demande ce qui pourrait bien pousser les chercheurs à se révolter contre ce type d’initiative manifestement dans leur intérêt. Comme le souligne le texte du projet de loi :

“Des considérations purement pratiques militent également en faveur d’un droit d’exploitation secondaire : les auteurs sont perdus dans ce contexte aux pratiques disparates des maisons d’édition, et en raison des conditions commerciales relativement complexes des contrats d’édition en matière de droit d’auteur, pour savoir si, et dans quelles conditions concrètes de chacun de ces éditeurs, ceux-ci leur reconnaissent un droit d’exploitation secondaire. Devoir s’en informer ou interroger l’éditeur est ressenti comme une perte de temps de plus trop importante. Ainsi, la proposition législative instaure une garantie juridique : les auteurs comme les institutions scientifiques auront ainsi l’assurance qu’à un moment donné l’auteur a le droit d’autoriser la mise à disposition au public de la contribution qu’il a écrite”

(cf. traduction du projet de loi effectuée par l’INIST).
Les acteurs de terrain, chercheurs et bibliothécaires, ONT BESOIN de l’intervention de leur gouvernement, d’une politique OA engagée, et d’une réforme des modalités d’évaluation de la recherche ; ils n’ont même de cesse de le réclamer, pour preuve encore cette pétition lancée par le groupe CGT-INRA : Pour une politique publique de publication scientifique en libre accès (j’ai toujours l’impression que les éditeurs du privé savent beaucoup mieux se faire entendre que nous-mêmes, acteurs publics, de notre tutelle).

L’adhésion des chercheurs est évidemment un prérequis, mais la puissance publique doit donner armes, protection et plan d’action à ses petits soldats (oui la métaphore est guerrière ; mais elle a le mérite d’être claire). Donc ? Quelles prochaines étapes à l’agenda politique en France ?

Qui a peur de l’Open access ?

I love open access

Certainement pas Jean-Paul Saint-André, président de l’Université d’Angers, signataire de la tribune parue vendredi 15 mars dans le journal Le Monde.

Vous estimez que le libre accès à l’information scientifique mérite la mobilisation de tous ? Signez à votre tour cette tribune sur le site I love open access.

Texte de la tribune

En juillet 2012, la Commission européenne a émis une recommandation relative à la publication en accès ouvert (c’est-à-dire gratuit pour le lecteur) des résultats de la recherche scientifique financée sur fonds publics. La Commission considère en effet qu’une telle démarche est nécessaire pour renforcer la visibilité de la recherche européenne à l’horizon 2020, en levant progressivement les obstacles qui se dressent entre le lecteur et l’article scientifique, après un éventuel embargo de six à douze mois. Cet avantage, l’Amérique latine, par exemple, l’a déjà saisi depuis une décennie en lançant de puissantes plateformes de revues en accès ouvert. Scielo et Redalyc, qui comptent à elles deux près de 2000 revues ont considérablement gagné en visibilité grâce à l’accès ouvert : le portail brésilien Scielo est désormais plus consulté que l’américain Jstor. Ces exemples montrent que l’accès ouvert change le rapport de forces dans un monde dominé par des groupes détenant des portefeuilles de milliers de revues majoritairement de langue anglaise : il ouvre la porte à ce qu’on peut appeler une véritable bibliodiversité en favorisant l’émergence d’une pluralité de points de vue, de modalités d’édition, de paradigmes scientifiques, de langues.

Certains acteurs français de l’édition de revues en sciences humaines et sociales (SHS) se sont émus de ce qu’ils ont perçu comme une menace pour un modèle économique fragile. En fait, il serait souhaitable d’analyser précisément l’activité de ce secteur en identifiant les sources et modes de financements directs et indirects, publics et privés, de cartographier les rôles des différents acteurs en cernant la plus-value apportée par chacun afin de déboucher sur une véritable analyse des coûts. Craindre l’accès ouvert nous paraît relever d’une vision étroite et, pour tout dire, erronée de l’avenir. Isoler, aujourd’hui, les SHS dans un espace spécifique ferait de ce dernier un conservatoire voué à la disparition. Selon nous, les SHS peuvent au contraire se placer à l’avant-garde de ce mouvement d’ouverture, en raison même de la demande sociale grandissante dont elles sont l’objet (nous estimons le cumul des visites sur Cairn, OpenEdition, Erudit et Persée à environ 10 millions de visites mensuelles !). Les inquiétudes exprimées par nos amis et nos collègues sont à cet égard largement infondées. Non seulement la part des ventes hors des institutions d’enseignement supérieur et de recherche est faible dans l’économie des revues SHS qui reste très largement subventionnée directement ou indirectement par des fonds publics, mais il existe aujourd’hui des modèles économiques nouveaux qui renforcent la position des éditeurs sans pour autant faire payer les auteurs, comme le démontre le succès du programme Freemium promu par OpenEdition, une initiative française. Des solutions permettant de financer une édition électronique ouverte de qualité sont en train d’être inventées et de prouver leur efficacité, de Scielo à Public Library of Science (PLOS), de Redalyc à OpenEdition. Il serait désastreux que les SHS se placent en retrait de ce puissant mouvement d’innovation qui reconfigurera sans doute durablement le paysage scientifique; elles doivent au contraire faire partie des disciplines en tête de ce mouvement, comme dans les mondes hispanophone et lusophone. La résistance de certains de nos collègues à cette évolution paraît être un calcul à trop court terme face aux gains scientifiques, pédagogiques potentiels et, in fine, à la démocratisation de l’accès au savoir.

La question, selon nous, n’est pas seulement d’ordre économique et commercial. Même si le problème posé par l’existence d’un oligopole Elsevier/Springer/Wiley pèse fortement sur les budgets des universités et si le mode de financement de l’édition universitaire mérite d’être repensé, c’est avant tout, avec l’accès ouvert généralisé, de politique scientifique qu’il s’agit. En effet, la connaissance ne saurait être traitée comme un bien classique et la circulation des savoirs est aujourd’hui plus que jamais un enjeu de société : il nous est possible de mettre en œuvre une révolution dans la démocratisation de l’accès aux résultats de la recherche. Un savoir enfermé derrière des barrières et accessible aux seuls happy few des universités les plus riches est un savoir stérile, et pour tout dire confisqué alors qu’il est produit grâce à des financements publics. Dans ce débat, les établissements d’enseignement et de recherche ont un rôle clef à jouer. La diffusion des connaissances et des résultats de la recherche et leur communication auprès du plus grand nombre font partie de leurs missions. Une politique scientifique bien pensée requiert dans ces conditions la construction d’infrastructures numériques publiques, mais aussi des politiques éditoriales innovantes, favorisant les croisements disciplinaires, les nouvelles formes d’écriture, le multilinguisme et la diffusion la plus large.

Qui a peur de l’accès ouvert? L’accès privatif bride la dissémination des idées et est inadapté aux nouveaux paradigmes offerts par le numérique. Il est temps de voir dans le Web une formidable occasion dans le domaine de l’innovation, de la diffusion des savoirs et de l’émergence de nouvelles idées.

Nous n’avons pas peur de l’accès ouvert. Sortir les savoirs des silos et des frontières des campus, c’est les ouvrir à tous, c’est reconnaître à la connaissance un rôle moteur dans nos sociétés, c’est ouvrir des perspectives d’enrichissement collectif.

N’ayez pas peur de l’accès ouvert ! Il est désormais possible de fonder un nouveau contrat scientifique, éditorial et commercial entre chercheurs, éditeurs, bibliothèques et lecteurs pour entrer véritablement dans une société de la connaissance partagée, dans une démocratie du savoir.

Quand les citoyens exigent le libre accès aux résultats de la recherche publique

Depuis septembre 2011, les citoyens américains ont la possibilité d’interpeller leur gouvernement par le biais de pétitions en ligne, créées sur le site de la Maison blanche. Ces pétitions sont rassemblées dans une section intitulée We the people, selon les premiers mots du préambule de la Constitution. Le principe est simple et efficace : chacun peut ouvrir une pétition, si celle-ci recueille 150 signatures en un mois, elle est publiée sur le site We the people, si elle en recueille 100 000 sur la même durée (65 000 jusqu’en janvier 2013), alors le gouvernement doit y répondre.

En mai 2012, une pétition a été lancée pour exiger le libre accès en ligne à tous les articles de revues scientifiques issus de la recherche financée sur fonds publics. Elle a recueilli depuis plus de 65 000 signatures.

Le 22 février dernier, John Holdren, directeur du Bureau de la politique scientifique et technologique, a répondu très favorablement à cette pétition1.

Il souligne d’abord le fait que l’administration Obama approuve totalement le principe de mise à disposition des résultats de la recherche publique en libre accès, en tant que bien commun financé par les impôts des citoyens (“The Obama Administration agrees that citizens deserve easy access to the results of research their tax dollars have paid for”) et affirme le rôle positif du libre accès tant pour le progrès scientifique que pour l’entreprenariat et l’emploi (“Strengthening these policies will promote entrepreneurship and jobs growth in addition to driving scientific progress”).

Les États-Unis ne se contentent pas d’un vague encouragement verbal de l’Open access, eux, puisque la réponse de John Holdren s’accompagne de la publication d’un Memorandum pour les dirigeants des départements exécutifs et agences. Il est exigé de ces derniers qu’ils mettent en place des “politiques claires et coordonnées” permettant le développement du libre accès aux articles publiés dans les revues à comité de lecture, mais également aux jeux de données brutes qui les accompagnent, le tout dans des formats permettant la réutilisation et le traitement informatique. Le memorandum définit en outre une série de règles et objectifs auxquels devront se conformer les agences, tout en garantissant une certaine flexibilité en fonction des disciplines (notamment concernant la durée d’embargo, que le memorandum fixe à 12 mois, mais qui pourra faire l’objet d’aménagements).

John Holdren remercie également l’auteur de la pétition, et précise que celle-ci a joué un rôle important dans les discussions en cours. Des citoyens qui se constituent eux-mêmes en groupe de pression pour défendre le libre accès, plutôt que de laisser le terrain du lobbying aux seuls éditeurs, et qui obtiennent gain de cause, cela fait rêver…

1 [edit 26/02/13 : merci à @mdelhaye pour sa traduction de la réponse de John Holdren]

Journées de l’Open Access 24-25 janvier

Les 24 et 25 janvier prochains ont lieu à Paris les journées de l’Open Access sur le thème : “Open Access : quel avenir pour la publication scientifique ? Stratégie des établissements, des États et de l’Union européenne”. Au programme, des conférenciers d’ici et d’ailleurs (dont nos collègues belges), et l’attendue prise de parole de Geneviève Fioraso, intitulée “Position de la France sur l’Open Access”. Je reproduis ci-dessous la liste des conférences. L’inscription est libre et gratuite, et pour ceux qui ne pourraient pas se déplacer les interventions seront diffusées en streaming, et “livetweetées” sous le hashtag #jeoa13.

  • Grégory Colcanap, Coordonnateur du consortium Couperin et Serge Bauin, Directeur de l’IST, CNRS : Présentation des 5e Journées Open Access
  • Serge Bauin, Directeur de l’IST, CNRS: Projet MedOANet
  • Stevan Harnad, Professeur à l’Université du Québec : Mouvement de l’Open Access : retour sur 10 ans d’initiatives
  • Michael Jubb, Directeur du Research Information Network : Rapport Finch et politique du RCUK
  • Jean-Claude Guédon, Professeur à l’Université du Québec : Avenir de l’Open Access avec le fair Gold
  • Marin Dacos, Directeur du CLEO : D’autres modèles de libre accès sont possibles
  • Bernard Rentier, Recteur de l’Université de Liège et Paul Thirion, Directeur des bibliothèques de l’Université de Liège : Politique OA d’un établissement universitaire : pilotage de la recherche et préservation du patrimoine scientifique.
  • Zoran Stančič, Directeur-général adjoint de la DG Réseaux de communication, contenu et technologies, Commission Européenne : Politique de l’Europe pour Horizon 2020 et accès ouvert aux recherches financées sur fonds publics
  • Geneviève Fioraso, Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche : Position de la France sur l’Open Access
  • Alma Swan, directrice de SPARC Europe : Enjeux de l’Open Access : le green OA, coûts et bénéfices
  • Christine Berthaud, Animatrice de BSN4, Directrice du CCSD : Elément de la politique nationale pour les archives ouvertes
  • Christine Ollendorff, Membre du bureau Couperin, Directrice des bibliothèques d’Art et métiers ParisTech : Enquête Couperin-ADBU sur les Archives Ouvertes
  • Stuart Shieber, Professeur : La politique Open Access à Harvard, l’archive DASH
  • Sandrine Malotaux, Directrice du SCD de l’INP Toulouse, Responsable département CND Couperin : De l’auto-archivage volontaire à l’archivage systématique : évolution de la politique de l’INP Toulouse
  • Robert Kiley, directeur des Digital Services, Wellcome Trust Library : PubMed Central Europe et publication ouverte en concertation avec des éditeurs
  • Laurent Romary, Directeur de recherche à l’INRIA : Bilan du projet PEER
  • Représentant du CERN : Projet SCOAP3 : la publication ouverte en physique des hautes énergies
  • Eloy Rodrigues, Directeur des bibliothèques de l’Université de Minho : La politique Open Access à Minho : incitation et obligation
  • Frederic Merceur, Responsable d’Archimer à l’Ifremer : Obligation de dépôt dans ARCHIMER de l’IFREMER
  • Pascal Guitton, Directeur de la recherche, INRIA : Vers une obligation de dépôt en 2013 dans HAL-INRIA
  • Jean-François Lutz, Responsable du Helpdesk OpenAIRE France pour le consortium Couperin, Conservateur au SCD de l’Université de Lorraine : Projet OpenAIRE : obligation de dépôt des publications issues des projets européens
  • Stevan Harnad, Professeur : Grand témoin des deux journées – les lignes du débat
  • Position des Présidents de la CPU, de la CGE, de la CDEFI et du CNRS

Politiques publiques en faveur du libre accès – quelle voie privilégier ? (2)

Le 23 octobre dernier, l’Irlande a à son tour annoncé l’adoption d’une politique publique en faveur du libre accès aux publications scientifiques financées sur fonds publics. Mais à la différence du Royaume-Uni, il s’agit cette fois d’un mandat “Green OA”.

Cinq grands principes sont énoncés, qui devront être respectés à compter du 1er janvier 2013 :
1. toute production financée (même partiellement) par des fonds publics doit être déposée en archive ouverte
2. les métadonnées de la publication doivent être immédiatement accessibles, le texte intégral doit l’être au plus tard à la date de publication, dans le respect des contrats éditoriaux ; le cas échéant un embargo de 6 mois pour les sciences exactes, 12 mois pour les SHS, peut être mis en place
3. les chercheurs sont encouragés à publier en “Gold OA”, mais ce n’est pas une obligation, contrairement à la politique adoptée au Royaume-Uni
4. les chercheurs doivent déposer leurs publications dans des archives interopérables et permettant l’accès au texte intégral
5. les données brutes de la recherche doivent être également déposées et reliées aux publications, chaque fois que cela est possible.

Ce programme s’inscrit dans la droite ligne des récentes recommandation et communication de la Commission européenne et va même jusqu’à inclure la question de la mise à disposition des données brutes, qu’encourage également l’UE sans toutefois y contraindre les bénéficiaires de cofinancements européens.

Le projet d’archive recherche de l’Université d’Angers relève de la même inspiration que le mandat irlandais. À quand l’adoption d’une telle politique pour les universités françaises ?

Politiques publiques en faveur du libre accès – quelle voie privilégier ? (1)

Nous l’avons vu, l’Union européenne encourage vivement les états membres à adopter des politiques publiques en faveur du libre accès aux publications scientifiques. Libre aux gouvernements de favoriser pour cela la voie dorée de la publication en open access ou la voie verte des archives ouvertes.

Le Royaume-Uni a opté cet été pour le “Gold OA” : suivant les recommandations du rapport Finch, Accessibility, sustainability, excellence: how to expand access to research publications, paru en juin 2012, le Research Councils (RCUK) a annoncé le 16 juillet dernier l’adoption d’une politique publique contraignant les chercheurs à non seulement diffuser en libre accès leurs travaux financés sur fonds publics, mais en imposant en plus que cette mise à disposition passe par l’édition en libre accès. Cette obligation entrera en vigueur le 1er avril 2013.

Si l’on ne peut que saluer l’engagement fort que représente l’adoption d’une politique publique pour l’Open access, le choix du “Gold OA” obligatoire, et la définition qui en est donnée dans le rapport Finch, sont plus contestables, pour plusieurs raisons.

D’abord, le groupe Finch réduit la publication en Open access au seul modèle auteur-payeur, méconnaissant la diversité des modes de financement [1]. Il suffit de “feuilleter” le DOAJ (Directory of Open Access Journals) pour s’apercevoir que ce modèle est même minoritaire [2], la plupart des éditeurs de revues en libre accès ne faisant pas supporter les frais directement aux auteurs. Le raccourci opéré s’explique partiellement par le fait que la publication dans des revues dites “hybrides” (dans lesquelles on peut choisir de publier gratuitement, et dans ce cas l’article ne sera accessible qu’aux abonnés de la revue, ou en open access sous réserve de financer l’article) est encouragée.

Ensuite, de fait, si la voie dorée est réduite aux publications à APC (Article Processing Charges), le surcoût qu’implique la mise en place d’une telle politique publique est considérable, et le groupe Finch ne s’y trompe pas, qui prévoit un budget de 50 à 60 millions de £ pour le financer.

Le Royaume-Uni apporte ainsi son soutien au libre accès tout en garantissant aux éditeurs le maintien, voire l’augmentation substantielle de leurs recettes, puisque le financement de la publication ne pourra pas s’accompagner dans le même temps d’une baisse proportionnelle des abonnements institutionnels. Certains s’inquiètent déjà des effets pervers et craignent à juste titre que ce type de politique ne fasse que renforcer la crise de l’édition scientifique : alors que les tarifs des abonnements qu’imposent les éditeurs aux universités sont devenus insupportables, la crainte que ce type de politique publique ne fasse qu’étrangler davantage la recherche publique est légitime.

[1] sur ce sujet, lire Gratuité ou libre accès? Poser les termes du débat, c’est déjà y répondre en partie écrit par Marin Dacos sur Blogo numericus
[2] le DOAJ indique pour chaque revue référencée une ligne “Frais de publication”, exemple ici avec la catégorie “Medicine (General)”.

L’Union européenne engagée en faveur du libre accès

Le Septième programme-cadre, dit FP7, qui s’achève fin 2013, comprend depuis 2008 un projet pilote en faveur du libre accès aux résultats de la recherche, pour 20% de son budget global. Les domaines concernés sont l’énergie, l’environnement, la santé, les technologies de l’information et de la communication, les infrastructures électroniques de recherche et les SHS. Dans ce cadre, les cofinancements accordés par l’Union européenne s’accompagnent d’une obligation de mise à disposition des résultats en libre accès. Les chercheurs restent libres d’opter pour la voie qui leur convient le mieux, dorée, publication en open access, ou verte, dépôt en archive ouverte.

À partir de 2014, le programme Horizon 2020 prend la relève, et le pilote est généralisé : désormais, l’obligation de mise à disposition en libre accès concernera tout projet cofinancé par l’UE.

Le 17 juillet dernier, deux documents de la Commission européenne ont été mis en ligne, expliquant cet engagement en faveur de l’Open access : une recommandation “relative à l’accès aux informations scientifiques et à leur conservation”, et une communication, Pour un meilleur accès aux informations scientifiques : dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche.

La recommandation est l’occasion de prises de position fortes et sans ambiguïté. “les politiques de libre accès aux résultats de la recherche scientifique devraient s’appliquer à toutes les activités de recherche financées par des fonds publics” (p.3), et il est recommandé aux états membres de veiller “à ce que le système des carrières universitaires soutienne et récompense les chercheurs qui adhèrent à une culture de partage de leurs résultats de recherche, notamment en garantissant le libre accès à leurs publications et en élaborant, en encourageant et en utilisant de nouveaux modèles, critères et indicateurs alternatifs pour l’évaluation des carrières” (p.6).