Un nouvel historien de l’alimentation à Angers

Florent Quellier, professeur d'histoire Moderne. CC. L. Lampérière
Florent Quellier à la Nuit Européenne des Chercheur.e.s

Dans le cadre de la Nuit européenne des chercheur·e·s qui a eu lieu le 28 septembre 2018 au Quai, Florent Quellier, nouveau professeur d’histoire moderne à l’Université d’Angers, a présenté ses recherches sur l’alimentation.

Florent Quellier est l’un des trois grands spécialistes de l’histoire de l’alimentation en France. À travers des ouvrages tels que Gourmandise, histoire d’un péché capital (Armand Colin, 2010) ou Histoire du jardin potager (Armand Colin, 2012) l’enseignant-chercheur invite le public à la rencontre du végétal et de la fameuse gastronomie française. Il présente un autre aspect de l’histoire culturelle et des sensibilités, encore en chantier à l’heure actuelle.

À la table de l’unité de recherche en sciences humaines Temps Mondes et Sociétés (TEMOS),  Florent Quellier présente sa nouvelle étude : Festins, ripailles et bonne chère au Grand siècle paru aux éditions Belin en 2015. L’ouvrage relate les plaisirs gastronomiques et charnels au XVIIe siècle. Pour familiariser le public à sa thématique, l’historien propose un petit questionnaire composé d’une dizaine de terminologies de l’époque tournant autour de son travail tel que « boute-tout-cuire » ou « crapuler ».

« Angers s’est présentée comme une évidence
par rapport à ma spécialité »

Son champ de recherche porte principalement sur la première moitié du XVIIe siècle mais il étend son étude jusqu’en 1721, date de la mort de la duchesse De Berry, bien connue pour son goût de la « bonne chère ». Afin de mener à bien ses travaux, il mobilise un large panel de documents datant du XVIIe siècle tels que les livres de cuisines, les correspondances, les gravures, les romans burlesques ou les traités de médecine. Concrètement, tout ce qui évoque, de près ou de loin, le rapport entre les Hommes et le plaisir gustatif ; et plus encore le plaisir sexuel. L’étude de ces sources a permis à Florent Quellier de distinguer des mots clés qu’il a définis. Cela constitue un point de départ pour son travail.

Le professeur d’histoire moderne compte bien profiter de son arrivée à Angers pour se lancer dans de nouveaux travaux. Une collaboration semble être envisagée avec Cristiana Oghina-Pavie, maître de conférences à l’Université d’Angers et spécialiste du végétal. Toujours sur le thème de l’alimentation, il a l’intention de travailler sur l’histoire des jardins à Angers, mais aussi sur les pays de cocagne dans plusieurs États européens à l’époque moderne.

Mathilde GUÉRIN, Alexis KOWALCZYK, Lucie LAMPÉRIÈRE

Pour approfondir le sujet, il est possible de retrouver les ouvrages de Florent Quellier à la bibliothèque universitaire Belle-Beille. YouTube propose également une rediffusion d’émission dans laquelle intervient Florent Quellier : TV5MONDE, Florent Quellier : Gourmandise, histoire d’un péché capital.

 

Dans les coulisses de la Nuit des chercheur·e·s

La manifestation annuelle consacrée à la valorisation de la recherche scientifique a réuni chercheurs et grand public le 28 septembre 2018 au Quai à Angers. Levée de rideau sur les coulisses de la Nuit européenne des chercheur·e·s.

Avec le concours de la Commission européenne, et à l’instar de 11 autres villes françaises, Angers a accueilli le vendredi 28 septembre la 14e édition de la Nuit européenne des chercheur·e·s. La soirée, qui avait pour thème « Mille et une histoires », s’est déroulée au Quai, cale de la Savatte. Ouvert à tous, l’événement a pour objectif de faire interagir le public avec des chercheurs de toutes disciplines dans une ambiance détendue et informelle, facilitant ainsi l’accès à l’actualité de la recherche au plus grand nombre.

Informer sur les nouveaux travaux de la recherche

Dans le cadre du Contrat de plan État-Région (CPER) – c’est-à-dire un contrat dans lequel l’État et la Région des Pays de la Loire s’engagent à subventionner conjointement des projets – des chercheurs ont reçu un financement pour mener à bien leur programme de recherche. Ce soir, aux côtés de scientifiques d’autres disciplines (médecine, physique, océanographie, etc.), ces chercheurs en sciences humaines tiennent un atelier au cœur du forum. Ce sont des historiens du laboratoire de recherche Temps, Mondes, Société (TEMOS) d’Angers ainsi que des géographes, des anthropologues et des sociologues du laboratoire de recherche Espaces et Sociétés (ESO) basé à Angers, Caen, Le Mans, Nantes et Rennes. Ils travaillent sur la problématique internationale des droits de l’Homme et notamment sur les discriminations liées à l’identité sexuelle. La présence de ces scientifiques à la Nuit des chercheur·e·s est dans la continuité de leur mission explique l’un d’entre eux : « Nous avons reçu des financements, notamment de la Région et de l’Université d’Angers. Nous avons eu l’opportunité de mener notre projet de recherche, il est donc normal de venir ici afin d’informer sur nos travaux ». L’implication et la présence volontaire de ces scientifiques assurent un dialogue fluide et enrichissant pendant la soirée.

« Quelle bonne initiative ! »

Clément, 22 ans, étudiant en ingénierie à Poitiers est de passage à Angers. Ce vendredi, il a rendez-vous avec des amis sur la terrasse du Quai. Interloqué par l’animation qu’il perçoit dans le forum du théâtre, le jeune homme parcourt les ateliers. « Quelle bonne initiative ! » Pour Clément, « la recherche est à l’avant-garde du progrès », elle doit donc être valorisée afin que tous se rendent compte de « ses applications économiques, culturelles et sociales », poursuit l’étudiant.

Un défaut de communication

Chercheurs et grand public ne sont pas les seuls à faire vivre la manifestation. Juliette a 23 ans. Ce soir, elle tient la buvette du théâtre. Originaire d’Angers et active sur les réseaux sociaux, elle n’a pourtant pas eu connaissance de la Nuit des chercheur·e·s : « C’est dommage !, se désole-t-elle. Je me tiens pourtant informée mais je ne savais pas quel serait l’événement ce soir ». Derrière le comptoir, la barmaid raconte avoir eu peu de clients dans la soirée dont seulement deux familles. Si la jeune femme apprécie l’entreprise de vulgarisation des organisateurs, elle regrette un défaut de communication qui ne permet pas une valorisation optimale de la recherche.

Quoi qu’il en soit, personne ne remet en doute l’essence même du projet, à savoir diffuser les nouveaux travaux de la recherche scientifique, des sujets longtemps abandonnés aux discours élitistes et académiques.

Mehdi BOUQSIM, Lucas LEDERLE et Adam MIRBEAU.

À Fleur de Peau, la BD qui ose contre la maladie

Le 28 septembre 2018, se tenait la 14e édition de la Nuit européenne des chercheur·e·s à Angers. Cet événement, qui avait lieu au Quai, était l’occasion pour le grand public de découvrir le monde de la recherche à travers des ateliers ludiques et des présentations orchestrées par des équipes universitaires. Le public a notamment pu découvrir le travail mené dans le cadre du programme Enjeu[x] et qui s’est traduit par une bande dessinée sur une maladie, la neurofibromatose de type 1.

La BD intitulée À Fleur de peau suit l’histoire de Fleur, une jeune fille atteinte d’une neurofibromatose de type 1 (une maladie orpheline d’origine génétique). Le récit relate son quotidien, mais aussi la force de son combat contre la maladie. « C’est une histoire pleine de sensibilité, qui mêle réalisme de la maladie et récit fictif. Mais sans pour autant tomber dans le pathos », confient les intervenants venus présenter l’ouvrage au Quai, à l’occasion de la Nuit européenne des chercheur·e·s.

Couverture de la  bande-dessiné A' Fleur de peau.
Couverture de la bande-dessiné  À Fleur de peau.

Cette œuvre, atypique dans une Nuit consacrée à la recherche, est le fruit d’une collaboration entre l’artiste Joël Alessandra, auteur et dessinateur et une équipe pluridisciplinaire, regroupant des professionnels du Centre référent des troubles de l’apprentissage (CRTA) du CHU de Nantes, parmi lesquels Arnaud Roy, professeur en neuropsychologie de l’enfant à l’Université d’Angers et responsable du CRTA.

Ce travail de médiatisation de la maladie et des troubles qui sont liés s’est effectué dans le cadre du programme de recherche centré sur l’enfance et la jeunesse Enjeu[x]. Il a aussi été rendu possible grâce au concours de l’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen dont les bénévoles œuvrent, depuis 2015, à la reconnaissance et à l’accompagnement de cette maladie.

Un travail d’équipe

Sandrine Sicard administratrice et représentante locale de l'Association Neurofibromatoses et Recklinghausen, et Christelle Albert membre de l'association, avec le premier exemplaire de la bande dessiné.
Sandrine Sicard administratrice et représentante locale de l’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen, et Christelle Albert membre de l’association, avec le premier exemplaire de la bande dessiné.

« Lutter contre la maladie, c’est un travail d’équipe entre les parents, les médecins-chercheurs et les enfants ». Ce sont les mots de Sandrine Sickard, membre de l’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen, et mère d’une enfant atteinte de la maladie.

Cet esprit de coopération entre associations et monde de la recherche a poussé EnJeu[x] à s’investir dans ce projet. Ce programme porté par l’Université d’Angers, qui rassemble 130 chercheurs, vise à mettre en avant et à structurer la recherche autour de l’enfance et à l’élever en tant que thématique capitale. « À Fleur de peau représente une opportunité d’attirer le grand public sur ces thématiques », avouent les représentants d’Enjeu[x] présents lors de la Nuit des chercheurs. « Ça permet de vulgariser et de valoriser ce type de recherches auprès du public. Ce type d’œuvre permet de les faire connaître de manière ludique et ouverte ».

Alexandre BOUGREAU, Evan MERLET, Bilal BOUBEKRI

Ceux désireux de se procurer la bande dessinée peuvent en profiter depuis le 12 octobre 2018, sur le site de l’association au tarif de 18,90€.

Et si Néron n’était pas fou?

Après avoir récemment soutenu sa thèse en décembre 2017, l’enseignant-chercheur Pierre-Henri Ortiz a mis en lumière, à l’occasion de la Nuit européenne des chercheur·e·s à Angers, ses travaux novateurs sur la folie chez les Romains.

Le vendredi 28 septembre 2018 a eu lieu dans le forum du Quai à Angers la 14e Nuit européenne des chercheur.e.s coordonnée par l’association de culture scientifique Terre des sciences en partenariat avec l’Université d’Angers, la Maison de l’Europe d’Angers et l’Université Bretagne Loire (site d’Angers).
Pendant près de 6h, la soirée a été l’occasion d’exposer au public les travaux de chercheurs, qu’ils soient spécialisés dans le domaine de la santé, du végétal ou encore des sciences humaines.

Pierre-Henri Ortiz, membre du laboratoire de recherche THEMOS, devant son stand.
Pierre-Henri Ortiz, membre du laboratoire de recherche TEMOS, devant son stand.

En posant d’emblée la question « les Romains sont-ils fous ? », Pierre-Henri Ortiz, maître de conférences en histoire romaine à l’Université d’Angers, membre du laboratoire TEMOS, a présenté son travail de thèse d’une manière simple et ludique. Tout au long de la soirée, l’historien a fait découvrir son univers par le biais de quatre interrogations mêlant référence cinématographique, discussion animée et rire. Avec comme seul support un diaporama et de simples cartons, le jeune chercheur, en fin pédagogue, a su déconstruire certaine idées reçues sur l’Antiquité romaine.

« Pour les Romains la folie n’était pas une fatalité »

Dans la thèse qu’il a soutenue en décembre 2017, Pierre-Henri Ortiz a choisi d’étudier la folie et la maladie mentale dans l’Occident romain de l’époque républicaine (v. 500 av. JC) à l’aube de sa christianisation (v. 300 ap. JC). Il y remet le concept de la folie dans son contexte historique et dégage une certaine typologie de celle-ci (la maladie, l’ivresse, la déviance etc.). En abordant la question au travers des sources juridiques et médicales, le chercheur a expliqué aux visiteurs comment la justice et la médecine interprétaient et traitaient les cas de folie chez les Romains pour faire comprendre certaines évolutions mais aussi certains points communs avec nos sociétés contemporaines. Ainsi comme le dit Pierre-Henri Ortiz : « Pour les Romains la folie n’était pas une fatalité, mais un état temporaire et guérissable ».

S’écartant de toute conception ordinaire de la folie dans l’histoire, le chercheur déconstruit certains clichés selon lesquels les fous seraient exilés ou enfermés. C’est le livre de Michel Foucault en 1961, Histoire de la folie, qui a montré que la vision de la folie dépendait de la culture et de la société. Les fous n’ont pas toujours été considéré comme des malades mentaux dans l’histoire des hommes. Ils n’étaient pas toujours enfermés ou rejetés. « Au contraire, les fous avaient une place à part dans la société romaine, rajoute l’historien, jouissant même d’une certaine protection et d’une attention particulière ».

L’historien va jusqu’à relativiser la folie du très célèbre empereur Néron (54-68) qui n’était selon lui « pas plus fou qu’un autre ». La démarche du chercheur exposée tout au long de sa présentation amène en effet ses interlocuteurs à reconsidérer le sens mis derrière le mot de folie. Le public comprend ainsi rapidement que cet état souvent attribué à Néron servait ses successeurs qui souhaitaient le décrédibiliser et salir sa mémoire.

Ce dernier contre-pied historique est à l’image de ce qu’a exposé Pierre-Henri Ortiz lors de la soirée : une présentation simple et à la fois riche en informations, qui a pu parfois surprendre le visiteur.

Rémi FERNANDES, Safwane Galal MOHAMED,
Tristan GAUDICHEAU

En plus d’être maître de conférences en histoire romaine à l’Université d’Angers, Pierre-Henri Ortiz est aussi impliqué dans un site, nonfiction.fr, qualifié de « quotidien des livres et des idées » et dont l’un des projets est de « parler au public des productions scientifiques les plus récentes ». Il coordonne les nombreuses contributions et conçoit cette activité comme le complément du pur travail de recherche.

Dans la tête d’un doctorant en histoire

Le 28 septembre 2018 a eu lieu la 14e édition de la Nuit européenne des chercheur·e·s. À Angers, Le Quai a accueilli une vingtaine de stands. Parmi les visiteurs déambulant de table en table, il s’en est trouvé un pas tout à fait comme les autres. Mains dans les poches, Matteo Antoniazzi tourne autour de l’unité de recherche en histoire TEMOS qui l’accueille le temps de sa thèse de doctorat. Récit d’une rencontre avec un jeune chercheur.

Étudiant en lettres classiques à Pavie (Italie), Matteo Antoniazzi a développé une fascination pour l’Antiquité tardive. En troisième année de licence, cet engouement débouche sur la rédaction d’un mémoire. De fil en aiguille, le jeune Italien se spécialise dans l’étude religieuse de l’Antiquité tardive : un premier travail sur les conséquences du concile de Chalcédoine (451), puis un second sur la place du monachisme dans l’histoire ecclésiastique.

Matteo Antoniazzi
Matteo Antoniazzi

Ces travaux l’amènent à répondre à un appel à projets lancé par Philippe Blaudeau (professeur en histoire ancienne à l’Université d’Angers, membre de l’unité TEMOS). Matteo Antoniazzi retrouve alors la France, qu’il a déjà connu dans le cadre du programme d’échanges Erasmus, afin cette fois-ci de travailler sur les relations entre monachisme et pouvoir politique au Ve siècle. « J’étais le seul candidat », ironise-t-il pour expliquer sa sélection. C’est oublié qu’il a travaillé sur le sujet, ce qui est un argument non négligeable.

«Il n’y a jamais que la thèse»

Matteo Antoniazzi est donc à Angers depuis 2016 afin de rédiger sa thèse, sous la direction de Philippe Blaudeau et de Peter Van Nuffelen (professeur en histoire ancienne à l’Université de Gand, Belgique). Un travail de chaque seconde depuis deux ans. Par chance, le chercheur nous explique avoir des directeurs de thèses très à l’écoute, et ce malgré des emplois du temps extrêmement chargés.

L’étudiant avoue préférer travailler dans les murs de l’université. Cela l’aide à se concentrer. L’institution dispose par ailleurs de tous les outils dont il a besoin. À cela vient s’ajouter la communauté de doctorants, qui est « presque une communauté monastique », comme le souligne le jeune chercheur.

Il confie avoir une immense soif de lire, ce qui devient un problème : « il faut savoir s’arrêter », explique-t-il, sans quoi il est impossible d’écrire (l’écriture étant en soi un exercice difficile). Cela est d’autant plus important que le temps est compté. « Il n’y a jamais que la thèse ». Il faut partager son temps entre les travaux universitaires, les colloques et autres séminaires, les cours à donner, etc. Cela est particulièrement d’actualité, puisqu’il s’apprête à partir pour Édimbourg (Écosse) sur demande d’une unité de recherche locale. Il lui faudra donc mettre son travail entre parenthèses pour un mois.

Après deux ans de recherches non-stop, Matteo Antoniazzi entre dans la dernière ligne droite. En septembre 2019, il lui faudra soutenir sa thèse. Il entend ensuite la publier. Cependant, cette fin de doctorat est marquée par une interrogation : que faire après ? Chercher une place en université ? Entrer au CNRS ? Rester en France ? Tenter sa chance ailleurs en Europe ? Le futur docteur en histoire ancienne fait face à l’incertitude. Une chose est sûre : Matteo Antoniazzi entend bien « dormir pendant un mois » après avoir – enfin – soutenu cette thèse !

Matthieu CICHON  & Laurène GARREAU