Le ver de farine, future star de l’apéro ?

Gaëlle Pantin-Sohier, enseignante-chercheuse à l’IAE (Institut d’administration des entreprises) d’Angers explique comment le marché de la consommation d’insectes grandit en France et dans le monde. Une croissance pouvant apporter une réponse au défi climatique et alimentaire.

Gaëlle Pantin-Sohier à son stand lors de la Fête des sciences à la bibliothèque universitaire d'Angers le 10 octobre 2020
Gaëlle Pantin-Sohier à son stand lors de la Fête de la science à la bibliothèque universitaire d’Angers le 10 octobre 2020.

Le vendredi 9 octobre 2020, le Programme Alimentaire mondial des Nations unies (PAN) obtient le prix Nobel de la Paix. Ce prix vient récompenser 57 ans de lutte contre la faim dans le monde et de maintien de la paix dans les zones touchées par des conflits. Plus largement, ce prix met en évidence le défi alimentaire qui attend l’Humanité dans les décennies à venir. Dans un monde où la population est en constante augmentation et où les méthodes de productions alimentaires sont critiquées, la question de l’accès à l’alimentation pour tous se pose. Comment nourrir 10 milliards d’êtres humains d’ici 30 ans dans un monde aux ressources limitées ?

Ne parlez pas d’impasse à Gaëlle Pantin-Sohier. Cette professeure de marketing de l’école universitaire de management IAE Angers s’intéresse depuis plusieurs années au comportement des consommateurs français face à la consommation d’insectes. Le week-end du 10 et 11 octobre 2020, elle était présente à la bibliothèque universitaire de Belle-Beille à l’occasion de la Fête de la science pour présenter au grand public ce nouvel univers culinaire.

Ce marché est encore très peu développé à l’échelle française et européenne, comparé à d’autres zones géographiques comme l’Amérique latine ou l’Asie du Sud-Est, par exemple. C’est pourtant une piste plus que plausible pour l’avenir. En effet, avec 1900 espèces comestibles et des contraintes d’élevage bien moins présentes que pour celui des bovins, l’élevage et la commercialisation d’insecte pourraient aider l’Humanité à répondre aux défis à venir.

Allons-nous donc voir à l’avenir, des vers de farine, grillons et autres scorpions côtoyer le traditionnel saucisson sur nos tables d’apéritifs ? Ces nouvelles denrées rencontrent sur le marché français et européen des limites qui bloquent leur développement auprès des consommateurs.

La consommation d’insecte ne fait pas partie de la culture française et européenne. Ces animaux sont perçus depuis longtemps comme dangereux, repoussant, écœurant d’où la réticence de certains consommateurs à les consommer. Deuxième frein : le prix de ces insectes. La rareté de ces produits fait que les prix sont beaucoup trop élevés pour la plupart des consommateurs. Les vers de farine atteignent les 1000 € le kilo ou 5,90 € les cinq grammes. Ces mets sont encore des produits privilégiés. Troisièmement, l’absence de réglementation officielle encadrant ces nouveaux produits pose un problème car sans cette réglementation, la commercialisation demeure illégale. Aujourd’hui, la commercialisation d’insectes n’est que tolérée. Ainsi, en Belgique, seulement six espèces d’insectes sur 1900 peuvent être commercialisées.

Une réglementation qui émerge, des habitudes qui évoluent

Ces limites commencent à s’estomper. Le mois de janvier 2021 sera déterminant pour ce marché de la consommation d’insectes car pour la première fois, l’Union européenne devrait prendre des mesures visant à encadrer la commercialisation. Si cela se fait, on pourrait voir apparaitre des insectes comestibles en libre-achat dès début 2021.

L’Union européenne n’est pas la seule institution à s’engager en faveur de ces nouvelles denrées : l’entreprise Ynsect spécialisée dans l’élevage et la création de produit à base d’insectes débloque des fonds massifs (environ 370 000 €) pour développer la production et le marché français. Ces initiatives commerciales peuvent sur le long terme rendre la procuration d’insectes plus abordable ; car seule la production de masse peut faire baisser les prix.

Les réticences des consommateurs demeurent néanmoins une limite majeure. Cette limite sera sûrement tenace et pour les spécialistes de la question comme Gaëlle Pantin-Sohier, l’influence des jeunes générations plus sensibilisées aux défis futurs pourrait être déterminante pour pousser les générations adultes à s’ouvrir à cette nouvelle pratique.

Mathieu CAM, Maxence GUERINET, Valentin HAMARD,
Lilian MENARD

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