Surf au bout du monde : vagues de peuplement des îles Samoa

L’archéologie montre que quand les peuples de langue papoue et les Aborigènes d’Australie réalisent le premier peuplement humain de l’Océanie il y a environ 50 000 ans, ils ne colonisent que l’Océanie proche (jusqu’aux Iles Salomon). Une seconde vague de migration, composée de peuples de langues austronésiennes, survient beaucoup plus récemment il y a 5 000 ans et se poursuit cette fois-ci jusqu’à l’Océanie lointaine, notamment le Vanuatu, la Nouvelle-Calédonie, Fidji, Tonga et Samoa. Ainsi, les restes archéologiques font remonter les premiers peuplements aux îles Samoa il y a seulement 2 750 à 2 880 ans avant une histoire démographique assez floue jusqu’à l’arrivée des premiers Européens au XVIIIe siècle.

Trois jeunes femmes samoanes de 1902. Photographie de Ernst von Hesse-Wartegg (1854-1918), publiée dans le livre Samoa, Bismarckarchipel und Neuguinea - Drei deutsche Kolonien in der Südsee; (Allemagne, 1902). Photographie du domaine public.

Trois jeunes femmes samoanes de 1900. Photographie de Ernst von Hesse-Wartegg (1854-1918), publiée dans le livre Samoa, Bismarckarchipel und Neuguinea – Drei deutsche Kolonien in der Südsee; (Allemagne, 1902). Photographie du domaine public.

L’étude de Daniel N. Harris et ses collaborateurs américains, néo-zélandais et samoans, publiée dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America vise à comprendre l’évolution démographique des Samoans au cours de leur Histoire. Un total de 1 197 génomes complets de Samoans ont été séquencés et soumis à des analyses de génomique des populations.

L’analyse génétique confirme que les Samoans sont très majoritairement d’origine austronésienne, avec de rares introgressions de populations d’Europe de l’Ouest, du Sud de l’Asie et d’Afrique de l’Ouest. Toutefois, les Samoans auraient en moyenne 24 % d’origine papoue. Cela suggère un phénomène déjà montré pour d’autres peuples océaniens : avant d’arriver en Océanie lointaine, les peuples de langues austronésiennes se seraient hybridés avec les peuples papous rencontrés en Océanie proche. L’étude montre aussi que l’origine papoue est corrélée à l’origine dénisovienne. Les Dénisoviens ou Hommes du Denisova représentent une espèce d’Hommes “fossiles” apparentés aux Hommes de Néanderthal. Les Papous sont issus de populations humaines s’étant hybridées avec ces Dénisoviens, peut-être en Asie du Sud-Est, et conservent 3 à 6% de leur génome hérité de leurs ancêtres dénisoviens. Par leur ascendance papoue, les Samoans auraient aussi hérité de quelques portions de génome de Dénisoviens, à un degré moindre.

Variation de l’effectif efficace Ne, représenté ici après une transformation logarithmique, dans la populations des deux îles Savaii (rouge) et Upolu (bleu) en fonction du nombre de générations depuis le présent. Il y a 92 à 96 générations (2 750 à 2 880 ans), l’île d’Upolu est colonisée par des peuples de culture Lapita. Il y a 70 à 90 générations (2 100 à 2 700 ans), les autres îles sont colonisées par de petits groupes isolés. Il y a 50 à 67 générations (1 500 à 2 000 ans), possibles migrations d’individus depuis les îles Carolines. Il y a 33 à 50 générations (1 000 à 1 500 ans), les poteries disparaissent, en même temps qu’un premier goulot d’étranglement majeur sur les îles Samoa. Il y a 27 à 33 générations, les voyages entre archipels du Pacifique s’intensifient. Il y a 17 à 27 générations, des indices montrent une forte activité humaine aux Samoas:développement de chefferies, de monuments, d’infrastructures agricoles en terrasses, etc. Il y a 8 générations (230 ans), arrivée des premiers Européens qui apportent des maladies sur les îles, aboutissant au 2e goulot d’étranglement majeur sur les îles Samoa.

Variation de l’effectif efficace Ne, représenté ici après une transformation logarithmique, dans la populations des deux îles de Savai’i (rouge) et d’Upolu (bleu) en fonction du nombre de générations depuis le présent. La variation de l’effectif efficace est indiquée par une ligne. Cette ligne est comprise dans un polygone qui symbolise son intervalle de confiance à 95%. Les principaux événements historiques supposés sur les îles Samoa sont indiqués par des pictogrammes. Il y a 92 à 96 générations (2 750 à 2 880 ans), l’île d’Upolu est colonisée par des peuples de culture Lapita. Il y a 70 à 90 générations (2 100 à 2 700 ans), les autres îles sont colonisées par de petits groupes isolés. Il y a 50 à 67 générations (1 500 à 2 000 ans), possibles migrations d’individus depuis les îles Carolines (Micronésie). Il y a 33 à 50 générations (1 000 à 1 500 ans), les poteries disparaissent, en même temps qu’un premier goulot d’étranglement majeur sur les îles Samoa. Il y a 27 à 33 générations (800 à 1 000 ans), les voyages entre archipels du Pacifique s’intensifient. Il y a 17 à 27 générations (500 à 800 ans), des indices montrent une forte activité humaine aux Samoa : développement de chefferies, de monuments, d’infrastructures agricoles en terrasses, etc. Il y a 8 générations (230 ans), arrivée des premiers Européens qui apportent des maladies sur les îles, aboutissant au 2e goulot d’étranglement majeur sur les îles Samoa.

Le modèle démographique construit à partir des données génétiques donne des indications sur les changements d’effectif efficace de la population des Samoa. Cet effectif efficace représente l’effectif d’une population théorique qui serait soumise à la même dérive génétique que la population réelle. Les variations de l’effectif efficace sont à mettre en relation avec les événements historiques connus. L’histoire démographique des Samoa commencerait par une période de croissance débutée il y a 100 générations. En considérant un temps intergénérationnel de 30 ans, cela représente environ 3 000 ans. Ce temps est cohérent avec les premiers restes archéologiques et l’apparition de la culture Lapita, connue pour ses poteries décorées. Pendant 70 générations, l’effectif efficace des Samoans serait resté très faible (entre 700 et 3 440 individus), ce qui suggère de petites populations sur les îles Samoa. Cela confirme aussi la faible quantité de sites archéologiques découverts sur les îles Samoa en comparaison des îles Fidji et Tonga qui ont connu une croissance démographique plus précoce.

Alors que l’histoire démographique était jusqu’alors restée similaire entre les deux îles, l’histoire démographique de l’île d’Upolu, qui compte aujourd’hui les villes les plus importantes des Samoa, diverge de celle de Savai’i à partir de 30 à 35 générations avant aujourd’hui, soit il y a 900 à 1 050 ans, après une longue période de goulot d’étranglement (réduction de la taille de la population). Après cette date, la population des Samoa est marquée par une forte période de croissance exponentielle. Ce brusque changement d’effectif efficace suggère un changement démographique important il y a 900 à 1 050 ans. La période du goulot d’étranglement commence après l’arrivée supposée de peuples venus des îles Carolines et/ou de Micronésie. Que s’est-il passé sur cette période ? Y a-t-il eu un remplacement de la population initiale des Samoa par ces nouveaux arrivants ? Les deux populations se sont-elles mélangées ? On manque pour le moment de données susceptibles d’aider à répondre à ces questions, notamment d’ADN ancien qui pourrait être extrait des squelettes des habitants de l’époque.

Beaucoup plus récemment, à la fin de la période de croissance exponentielle, on est capable d’identifier un deuxième goulot d’étranglement il y a environ 10 générations, c’est-à-dire 300 ans. Cela correspond à l’époque des premiers contacts avec les Européens qui ont apporté des maladies auxquelles le système immunitaire des Samoans n’était pas préparé, notamment la rougeole qui se révèle dangereuse lorsque cette maladie virale est contractée à l’âge adulte.

Références de l’article

L’écho des savanes : effets de fondation en série chez le moustique Anopheles gambiae, principal vecteur de la malaria

Les contraintes spatiales sont des facteurs évolutifs importants pour les populations d’êtres vivants. Les phénomènes de migration (échanges d’allèles entre populations) peuvent être réduits par des barrières physiques (océans, routes, etc.) ou des barrières écologiques (environnements défavorables). Par exemple, les moustiques de l’espèce Anopheles gambiae sont rencontrés de l’Ouest à l’Est de l’Afrique sub-saharienne, sur une aire de répartition très large comprenant des fleuves, des montagnes et des mers.

En tant que vecteurs du paludisme, les moustiques représentent par ailleurs encore une menace de santé publique très sérieuse avec plus de 200 millions de malades par an dont environ 500 000 cas mortels. Parmi les nouvelles méthodes de lutte à l’étude, le forçage génétique (‘gene drive’ en anglais) consiste à introduire parmi les populations de moustiques des individus génétiquement modifiés. La modification génétique empêche le moustique de transmettre la maladie et a la capacité de se multiplier dans la population de manière plus rapide qu’une simple transmission mendélienne classique, grâce à la technologie de nucléase site-spécifique de type CRISPR/Cas9. Le déploiement de cette stratégie, encore très controversée, nécessite de mieux comprendre les relations génétiques entre les populations de moustiques en région sub-saharienne.

Moustique femelle de l'espèce Anopheles gambiae, se nourissant de sang humain.

Moustique femelle de l’espèce Anopheles gambiae, se nourrissant de sang humain (Crédit photo : James D. Gathany, Centers for Disease Control and Prevention, Domaine Public).

Les travaux de Hanno Schmidt et de ses collaborateurs des Etats-Unis, de Zambie et des Comores, publiés dans le journal Communications Biology, visent à comprendre l’impact de ces barrière géologiques sur l’évolution génétique des moustiques de l’espèce Anopheles gambiae. Pour atteindre cet objectif, ils ont réalisé le séquençage du génome complet de 111 moustiques échantillonnés de l’Ouest à l’Est de la zone subsaharienne : au Mali, au Cameroun, en Zambie, en Tanzanie et sur les îles de Grande Comore, de Mohéli et d’Anjouan qui constituent les îles principales de l’archipel des Comores.

Les moustiques de chacun de ces pays se regroupent au sein de groupes génétiques distincts. Il est à noter que pour les Comores, ce sont trois groupes génétiques distincts, un pour chaque île, qui sont identifiés. Les distances génétiques entre ces groupes génétiques ne sont pas corrélées aux distances géographiques; le facteur insulaire semble beaucoup plus déterminant : ainsi, la différentiation entre les populations des îles de l’archipel des Comores est plus importante qu’entre les populations du continent, y-compris les plus éloignées (Mali vs Tanzanie).

Dendrogramme basé sur les indices de différentiation FST.

Dendrogramme non enraciné basé sur les valeurs de FST par paires. La longueur des branches est proportionnelle aux valeurs de FST (indice de différentiation). Les couleurs représentent l’origine des moustiques échantillonnés : le Mali (bleu foncé), le Cameroun (bleu turquoise), la Zambie (vert foncé), la Tanzanie (vert clair), l’île de Grande Comore (violet), l’île de Mohéli (orange) et l’île d’Anjouan (rouge). Cet arbre met en avant la proximité génétique des populations du Mali et du Cameroun séparées par des branches courtes et met en relief la forte différentiation génétique des populations des trois îles de l’archipel des Comores, pourtant proches géographiquement. La topologie de l’arbre montre aussi un continuum génétique entre les populations de l’Ouest (Mali, Cameroun) à gauche du graphique et de l’Est (Zambie, Tanzanie, l’ïle de Grande Comore et les deux autres îles majeures de l’archipel) vers la droite de l’arbre.

La taille efficace (taille d’une population idéale soumise aux mêmes niveaux de dérive génétique que la population étudiée) estimée à partir de chaque population suit des trajectoires similaires sur les périodes les plus anciennes, à une époque où toutes les populations n’en formaient qu’une. Puis il y a 200 000 ans, les populations occidentales (Mali et Cameroun) et orientales (les autres populations) africaines se séparent, sachant que la taille efficace des populations orientales baisse. Les estimations montrent ensuite une succession de réduction en cascade de taille efficace, d’abord pour la Tanzanie pour la plus ancienne, puis la Zambie, puis les îles d’Anjouan et de Mohéli et la plus récente, celle de la Grande Comore.

Ces estimations de taille efficace sont bien corrélées avec la diversité génétique des populations : les populations présentant le plus de diversité génétique sont celles de l’Ouest (Mali et Cameroun) tandis qu’à l’Est, les populations des Comores ont le moins de diversité.

Taille efficace

Effets de fondation en série chez Anopheles gambiae. En haut, estimation de la taille efficace de la population en fonction de la période. La barre verticale à gauche représente la période la plus récente (il y a 30 000 ans) pour laquelle l’estimation est disponible pour toutes les populations. Sont aussi représentées les dates de formation géologique des îles de Mohéli, d’Anjouan et de Grande Comore. En bas, boîtes à moustaches représentant la variabilité génétique de chaque population. Le nombre d’individu (n) étudié pour chaque population est précisé. On observe une bonne corrélation entre la taille efficace d’une population et sa variabilité génétique.

Si l’origine de Anopheles gambiae se trouve vers le Mali, où la diversité génétique de cette espèce est maximale, le fait que ces réductions successives de la taille efficace soient corrélées avec l’expansion de la zone de répartition de cette espèce vers l’Afrique orientale suggère des effets de fondation successifs, c’est-à-dire une réduction de la diversité chez une population constituée à partir de l’échantillonnage d’une population originelle. Comme l’écho d’un son s’atténuant après chaque réverbération, la diversité génétique diminue entre chaque effet de fondation.

L’étude a permis de dater ces effets de fondation, mais aussi de proposer des hypothèses quant aux barrière géographiques qui auraient pu les causer. Ainsi, le franchissement du bassin du fleuve Congo, du rift est-africain et du canal du Mozambique ont pu limiter les migrations des populations de moustique et éroder leur diversité génétique au cours des 200 000 dernières années.

Il est intéressant de noter que cette espèce de moustiques aurait atteint l’archipel des Comores, il y a 70 000 ans, bien avant l’établissement permanent des populations humaines sur cet archipel, il y a seulement 1 300 ans. Avant l’arrivée de ces premières populations humaines, les moustiques comoriens auraient eu d’autres hôtes, comme des chauve-souris ou des oiseaux. Ces résultats viennent confirmer de précédentes études suggèrant que les moustiques de l’espèce Anopheles gambiae ne se seraient adaptés pour être capables de se nourrir de sang humain que très récemment, il y a environ 10 000 ans.

Modèle de dispersion de Anopheles gambiae depuis son centre d'origine en Afrique de l'Ouest, jusqu'à l'île de Grande Comore, en passant par la Zambie, la Tanzanie et les îles de Mohéli et d’Anjouan (Comores), au cours des 200 000 dernières années. Chaque région est caractérisée par une population de A. gambiae formée à partir d’un sous-échantillon de la population directement plus occidentale. Par exemple, la population de Tanzanie est formée d’un sous-échantillon de moustiques issus de Zambie. Chaque formation de nouvelle population est le résultat du succès de quelques moustiques à franchir une barrière écologique, par exemple le bassin de la rivière Congo, le rift africain ou le canal de Mozambique. Chaque constitution de nouvelle population par échantillonnage de la précédente s’accompagne d’une perte de diversité, aboutissant à terme à ces effets de fondation en série.

Modèle de dispersion de Anopheles gambiae depuis son centre d’origine en Afrique de l’Ouest, jusqu’à l’île de Grande Comore, en passant par la Zambie, la Tanzanie et les îles de Mohéli et d’Anjouan (Comores), au cours des 200 000 dernières années. Chaque région est caractérisée par une population de A. gambiae formée à partir d’un sous-échantillon de la population directement plus à l’Ouest. Par exemple, la population de Tanzanie est formée d’un sous-échantillon de moustiques issus de Zambie. Chaque formation de population est le résultat du succès de quelques moustiques à franchir une barrière écologique, que ce soit le bassin du fleuve Congo, le rift est-africain ou le canal du Mozambique. Chaque constitution de nouvelle population par échantillonnage de la précédente s’accompagne d’une perte de diversité, aboutissant à terme à ces effets de fondation en série.

Dans un contexte où l’efficacité des stratégies de forçage génétique pour lutter contre le paludisme reste à prouver, les auteurs suggèrent que des tests en situation réelle pourraient être réalisés sur certaines îles des Comores. L’isolement génétique des populations de moustique des îles comoriennes vis-à-vis des autres îles de l’archipel et a fortiori vis-à-vis du continent pourrait offrir des gages de confinement (relatif) pour de telles expériences, avant d’envisager sa généralisation à l’ensemble de l’Afrique ou son abandon, en fonction des résultats.

Références de l’article

Hanno Schmidt, Yoosook Lee, Travis C. Collier, Mark J. Hanemaaijer, Oscar D. Kirstein, Ahmed Ouledi, Mbanga Muleba, Douglas E. Norris, Montgomery Slatkin, Anthony J. Cornel & Gregory C. Lanzaro (2019) Transcontinental dispersal of Anopheles gambiae occurred from West African origin via serial founder events. Communications Biology, 2:473. Publié le 19 décembre 2019

De la percée du cheval persan au ré-étalon-nage à la baisse de la diversité à l’époque moderne : 5 000 ans d’histoire du cheval parcourus au galop

La domestication du cheval a révolutionné les civilisations humaines, aussi bien en terme de moyens de transport, d’échanges commerciaux ou de stratégies de guerre. Les premières traces de traite de jument, de harnachement ou de mise en captivité de cheval remontent à 5 500 ans dans les steppes d’Asie centrale. Cependant, les chevaux concernés ne seraient pas les ancêtres des chevaux modernes (Equus caballus) mais ceux des chevaux de Przewalski (Equus przewalskii). Une part de mystère subsiste quant au lieu de la domestication du cheval moderne : les steppes pontiques (au Sud-Est de l’Europe), l’Anatolie ou la péninsule ibérique ? Une précédente étude suggère aussi que suite à cette domestication, le génome du cheval aurait beaucoup changé au cours des 2 300 dernières années.

Reconstitution d'un cataphractaire sassanide. Les guerres entre les Sassanides (dynastie perse) et les Byzantins au début du IVe siècle auraient contribué à introduire le cheval persan en Europe.

Reconstitution d’un cataphractaire sassanide. Les guerres entre les Sassanides (dynastie perse) et les Byzantins à partir du IVe siècle suivies des invasions arabes auraient contribué à introduire le cheval persan en Europe. Source : John Tremelling, GNU Free Documentation License, Wikimedia.

Antoine Fages, Kristian Hanghøj, Naveed Khan et leurs collaborateurs d’un large consortium international ont cherché à tester ces hypothèses dans un article publié dans le journal Cell, le 30 mai 2019. Ils se sont basés sur sur le génome de 30 chevaux modernes, les génomes anciens obtenus de 129 individus répartis sur les six derniers millénaires, plus des marqueurs génétiques à l’échelle du génome pour 149 autres chevaux fossiles.

Il apparaît ainsi qu’alors que la diversité génétique était restée stable pendant 4 millénaires, celle-ci a baissé de 16% au cours des 200 à 400 dernières années. Cette période coïnciderait avec de forts changements de pratiques d’élevage marqués par une réduction du nombre de chevaux reproducteurs, entraînant une réduction de la taille efficace de la population, c’est-à-dire le nombre d’individus d’une population idéale chez laquelle on observerait un degré de dérive génétique équivalent à celui de la population réelle. Cette réduction n’est pas sans impact : la théorie prédit que les petites populations seraient en effet marquées par une atténuation de la sélection purifiante (sélection contre le maintien des allèles délétères), entraînant l’accumulation d’un fardeau génétique. La comparaison des patrons de sélection sur les sites synonymes et sur les sites non synonymes ainsi que sur ceux classés comme délétères par comparaison avec les variations conservées chez les espèces de Vertébrés a permis de vérifier cet attendu théorique chez les populations de chevaux : le fardeau génétique a bien augmenté chez les chevaux modernes, corrélativement à la perte de diversité. Cette réduction de diversité s’expliquerait par des stratégies drastiques de sélection d’étalons pour la reproduction. La diversité nucléotidique sur le chromosome Y, transmis par les étalons, diminue ainsi, à la fois en Asie et en Europe, au cours des deux derniers millénaires et chute aux niveaux actuels à partir de 850-1 350 de l’ère commune (anciennement appelée période après Jésus-Christ).

Diversité

Évolution de la diversité et du fardeau génétique chez le cheval domestique au cours du temps. En haut, la diversité, évaluée par l’hétérozygotie, chute brusquement chez les chevaux modernes par comparaison aux chevaux anciens. En bas, le fardeau génétique augmente corrélativement à la baisse de diversité, chez les chevaux modernes.

L’étude des relations phylogénétiques entre chevaux anciens et modernes est très informative quant aux échanges survenus les siècles passés. En plus des chevaux domestiques et des chevaux de Przewalski, les échantillons les plus anciens indiquent l’existence de deux autres lignées, aujourd’hui éteintes, de chevaux sauvages, l’une dans la péninsule ibérique, l’autre en Sibérie. Bien que présentes à l’époque de la domestication du cheval domestique, ces deux lignées n’auraient eu qu’une contribution marginale à la diversité des chevaux domestiques modernes, permettant de rejeter l’hypothèse d’un centre de domestication du cheval dans la péninsule ibérique.

En se focalisant sur la phylogénie des chevaux domestiques, on remarque que les poneys Shetlands et les chevaux Islandais modernes se classent à proximité de chevaux anciens du Nord de l’Europe. Ces deux races de chevaux prendraient peut-être leur origine dans les conquêtes vikings des VIIIe-XIe siècles. Le clade formé par ces chevaux est un clade frère de chevaux anciens européens, de la période Gallo-Romaine ou de la Tène (culture archéologique du 2nd Age du fer), traduisant une certaine cohésion génétique des chevaux européens anciens. Les chevaux modernes européens, autres que les poneys Shetlands et les chevaux Islandais, se retrouvent dans un autre clade, qui apparaîtrait en Europe au IXe siècle en Croatie, à une époque où ce fond génétique est encore absent en Europe du Nord. Sachant que cette période correspond à de fréquents raids arabes sur les côtes méditerranéennes et que ce clade correspond aussi à celui de chevaux persans sassanides des IVe et Ve siècles, ces résultats suggèrent une forte influence génétique des chevaux persans en Europe à partir du IXe siècle. Des résultats similaires ont été relevés en Asie avec le remplacement des fonds génétiques pré-existants en Asie centrale et en Mongolie par les chevaux d’origine persane à partir des VIIIe-IXe siècles.

Cet échantillon est aussi une opportunité de comprendre les gènes sélectionnés et par conséquent les caractères qui auraient été recherchés au cours de l’histoire du cheval domestique. Ainsi, la comparaison des fréquences alléliques entre les chevaux anciens asiatiques et européens et les chevaux byzantins de l’époque post-VIIe-IXe siècles, déjà largement marqués par l’introgression des chevaux d’origine persane, montre que les gènes impliqués dans la morpho-anatomie auraient beaucoup évolué sous l’influence des chevaux d’origine persane. Le gène MSTN impliqué dans la vitesse serait aussi un candidat sélectionné chez ces chevaux byzantins d’origine persane. Plus récemment, au cours du dernier millénaire, la sélection d’allèle à ce gène MSTN, mais aussi à deux autres gènes PDK4 et ACN9 connus pour influencer la vitesse des chevaux, confirme que l’accroissement de la vitesse de ses montures a été une préoccupation majeure de l’Homme.

Synthèse de l'histoire démographique du cheval cultivé.

Synthèse de l’histoire démographique du cheval cultivé, publiée dans l’article. Les conquêtes islamiques auraient entraîné une diffusion des chevaux de types persans qui auraient remplacé presque toutes les lignées de chevaux anciens présents en Asie et en Europe.

Références de l’article :

Antoine Fages, Kristian Hanghøj, Naveed Khan, Charleen Gaunitz, Andaine Seguin-Orlando, Michela Leonardi, Christian McCrory Constantz, Cristina Gamba, Khaled A.S. Al-Rasheid, Silvia Albizuri, Ahmed H.Alfarhan, Morten Allentoft, Saleh Alquraishi, David Anthony, Nurbol Baimukhanov, James H. Barrett, Jamsranjav Bayarsaikhan, Norbert Benecke, Eloísa Bernáldez-Sánchez, Luis Berrocal-Rangel, Fereidoun Biglari, Sanne Boessenkool, Bazartseren Boldgiv, Gottfried Brem, Dorcas Brown, Joachim Burger, Eric Crubézy, Linas Daugnora, Hossein Davoudi, Peter de Barros Damgaard, María de los Ángeles de Chorro y de Villa-Ceballos, Sabine Deschler-Erb, Cleia Detry, Nadine Dill, Maria do Mar Oom, Anna Dohr, Sturla Ellingvåg, Diimaajav Erdenebaatar, Homa Fathi, Sabine Felkel, Carlos Fernández-Rodríguez, Esteban García-Viñas, Mietje Germonpré, José D. Granado, Jón H. Hallsson, Helmut Hemmer, Michael Hofreiter, Aleksei Kasparov, Mutalib Khasanov, Roya Khazaeli, Pavel Kosintsev, Kristian Kristiansen, Tabaldiev Kubatbek, Lukas Kuderna, Pavel Kuznetsov, Haeedeh Laleh, Jennifer A. Leonard, Johanna Lhuillier, Corina Liesau von Lettow-Vorbeck, Andrey Logvin, Lembi Lõugas, Arne Ludwig, Cristina Luis, Ana Margarida Arruda, Tomas Marques-Bonet, Raquel Matoso Silva, Victor Merz, Enkhbayar Mijiddorj, Bryan K. Miller, Oleg Monchalov, Fatemeh A. Mohaseb, Arturo Morales, Ariadna Nieto-Espinet, Heidi Nistelberger, Vedat Onar, Albína H. Pálsdóttir, Vladimir Pitulko, Konstantin Pitskhelauri, Mélanie Pruvost, Petra Rajic Sikanjic, Anita Rapan Papeša, Natalia Roslyakova, Alireza Sardari, Eberhard Sauer, Renate Schafberg, Amelie Scheu, Jörg Schibler, Angela Schlumbaum, Nathalie Serrand, Aitor Serres-Armero, Beth Shapiro, Shiva Sheikhi Seno, Irina Shevnina, Sonia Shidrang, John Southon, Bastiaan Star, Naomi Sykes, Kamal Taheri, William Taylor, Wolf-Rüdiger Teegen, Tajana Trbojević Vukičević, Simon Trixl, Dashzeveg Tumen, Sainbileg Undrakhbold, Emma Usmanova, Ali Vahdati, Silvia Valenzuela-Lamas, Catarina Viegas, Barbara Wallner, Jaco Weinstock, Victor Zaibert, Benoit Clavel, Sébastien Lepetz, Marjan Mashkour, Agnar Helgason, Kári Stefánsson, Eric Barrey, Eske Willerslev, Alan K. Outram, Pablo Librado, Ludovic Orlando (2019) Tracking Five Millennia of Horse Management with Extensive Ancient Genome Time Series. Cell, 177(6) :1419-1435.e31. Publié le 30 mai 2019

Doit-on parler de races humaines comme on parle de races canines ? La réponse des génétic(h)iens

En 1956, le généticien Haldane posait la question suivante à des anthropologues : « Les différences biologiques entre les groupes humains sont-elles comparables avec celles de groupes d’animaux domestiques, tels que les lévriers ou les bulldogs ?». Les prolongements de cette question ont donné lieu à un débat populaire qui connaît son paroxysme dans des décisions politiques, qui sans revenir à l’idéologie nazie, ont abouti aux cinq catégories raciales actuellement en vigueur dans la législation américaine (Blanc /Noir ou Afro-Américain / Amérindien ou natifs d’Alaska /Asiatique / Hawaïen ou natifs d’autres îles du Pacifique). Mais le concept de races humaines ne serait-il pas davantage une construction sociale plutôt qu’une réalité biologique comparable aux races d’animaux domestiques, notamment les races canines ?

Races canines vs races humaines

A gauche, planche de races de chiens, tirée de ‘The New Student’s Reference Work’ (Ed. Chandler B. Beach, Chicago) publié en 1914. A droite, planche de visages humains d’origine variée, tirée de ‘Evolution of Life’ par Henri C. Chapman en 1873 (Ed. J.B. Lippincott, Philadelphie). Illustrations du Domaine public.

C’est la question à laquelle la chercheuse américaine Heather L. Norton et ses collaborateurs ont tenté de répondre dans un article de synthèse paru le 9 juillet 2019 dans la revue Evolution: Education and Outreach. Le concept génétique de races repose sur le fait qu’il existerait des groupes distincts au sein d’une espèce, c’est-à-dire pour lesquels la diversité intra-groupe serait minime alors que la diversité inter-groupes serait très importante. Chez l’Homme, les anthropologues ont comparé les individus par rapport à des critères comme la couleur de la peau, des mesures de crânes, les groupes sanguins ou encore des marqueurs génétiques.

Ainsi, l’analyse de la diversité génétique de chiens à partir de marqueurs moléculaires classait les individus dans des groupes génétiques qui correspondaient aux races dans 99 % des cas. Le même type d’analyse mené sur un groupe d’humains échantillonnés sur l’ensemble de la planète aboutissait au modèle le plus vraisemblable distinguant six groupes génétiques répartis en : (1) Afrique, (2) Europe/Moyen-Orient/Asie centrale, (3) Extrême-Orient, (4) Océanie, (5) Amériques et (6) les Kalashs, une population isolée du Nord-Ouest du Pakistan. La plupart de ces groupes génétiques s’explique par la barrière reproductive que représentent les limites entre continents. Toutefois, contrairement aux chiens, ces groupes génétiques ne doivent pas être interprétés comme des races. Déjà, l’analyse n’aboutit pas à un modèle incontestable de structure et il existe plusieurs modèles plausibles. On peut même parler de modèles imbriqués, indiquant plusieurs niveaux de structuration génétique plus ou moins marqués. Ainsi, si on sépare l’humanité en deux groupes on distinguera les populations d’Afrique/Europe/Moyen-Orient/Asie centrale de celles de l’Extrême-Orient/Océanie/Amériques. Si on sépare l’humanité en trois groupes, les populations d’Afrique de distinguent des populations d’Europe/Moyen-Orient/Asie centrale. Le découpage en quatre groupes génétiques sépare les populations d’Amériques de celles d’Extrême-Orient/Océanie. Ce dernier groupe est séparé dans le cas d’une subdivision en cinq groupes génétiques. Par ailleurs, peu importe le découpage, la probabilité d’assignation d’un humain à un groupe génétique n’est souvent pas totale et une personne est généralement assignée à plusieurs groupes génétiques simultanément.

Structure génétique observée pour 85 races de chiens.

Structure génétique observée pour 85 races de chiens. (a) L’abscisse montre les 85 races de chiens représentées par plusieurs individus. L’ordonnée indique la probabilité d’assignation aux groupes génétiques, représentés par des couleurs différentes. Les groupes génétiques identifiés sont généralement cohérents avec les races canines. (b) Analyses effectués indépendamment sur des couples de races que l’analyse globale n’avait pas réussi à différencier car ces races ont une origine commune (ex : Mastiff et Bullmastiff). A l’exception de deux types de Bergers Belges (le Groenendael et le Tervueren), ces analyses sur des sous-échantillons ont permis de différencier génétiquement les races. Cette figure a initialement été publiée dans Parker et al. (2004).

Structure des populations humaines

Structure génétique observée pour 52 populations humaines échantillonnées dans le monde entier. Les cinq analyses effectuées en fonction du nombre de groupes génétiques (K=2 à 6) montrent ce concept de structure imbriquée. L’origine géographique, notamment l’appartenance à un continent, est le facteur le plus structurant. Toutefois, de nombreux individus sont assignés à plus d’un groupe génétique. Ces résultats ont été publiés pour la première fois dans un article de Rosenberg et al. 2002.

L’analyse de la variance moléculaire (AMOVA) est un outil statistique permettant de décomposer la variance génétique selon différents niveaux hiérarchiques de structuration. Elle s’avère donc un bon moyen de tester la pertinence des groupes génétiques détectés. Si 27 % des différences génétiques observées entre les chiens se situent entre races canines, seulement 3,3 à 4,7 % de la variation génétique totale observée chez les humains se situent entre les groupes continentaux ou régionaux évoqués plus haut.

Comment expliquer ces différences entre la structuration des populations canines et des populations humaines ? La plupart des races de chiens ont une origine récente, correspondant à environ cent ans de sélection drastique où l’Homme a empêché les chiens de se reproduire en dehors de la race et n’a autorisé les reproductions qu’entre un petit nombre d’individus correspondant aux standards fixés pour la race. Il en résulte une diversité réduite qu’on peut estimer par l’hétérozygotie attendue H, c’est-à-dire la probabilité de tirer deux allèles différents connaissant les fréquences alléliques de la population. Chez une race canine, H est compris entre 0,313 et 0,610. Cette consanguinité est par ailleurs à l’origine d’un nombre considérable de maladies génétiques propres à chaque race. Du côté de l’espèce humaine, les facteurs qui empêchent les flux de gènes entre groupes régionaux sont des facteurs géographiques, culturels et linguistiques, qui, même s’ils s’exercent depuis plus longtemps que la sélection des races modernes de chiens, n’a pas eu un effet d’isolement génétique aussi marqué. Il en résulte une diversité génétique intra-groupe plus élevée que celles des races canines (H=0,664-0,792). L’indice de fixation FST qui marque l’ampleur de la différentiation génétique entre des populations était aussi largement plus élevé entre races canines (FST=0,33) qu’entre groupes continentaux humains (FST=0,052-0,083).

Le concept de race suppose aussi une homogénéité phénotypique. Un caractère aussi stigmatisant que celui de la couleur de la peau chez l’humain varie en fait assez largement au sein d’un continent puisque les populations originaires des tropiques et des hautes altitudes présentent les couleurs de peau les plus sombres, afin d’apporter une forte protection contre les UV. Ces continuums de couleurs de peau sont aussi permis par un contrôle génétique complexe de ce caractère de couleur de peau chez l’Homme (des centaines de gènes impliqués) contrairement aux chiens (neuf gènes identifiés). Quant à la taille des individus, leurs distributions se chevauchent largement entre catégories raciales américaines. Cela contraste fortement aux très impressionnantes différences de taille entre les races de chiens.

Alors, que reste-t-il au concept de race chez l’espèce humaine ? Une construction sociale bâtie en parallèle du racisme permettant à une élite dominante de stigmatiser des minorités. Preuve en est que ces classes raciales ont évolué au cours du temps pour appuyer des motivations politiques telles que l’esclavage ou les politiques migratoires. On peut définir le racisme comme l’idéologie politique selon laquelle les groupes humains ne seraient pas dotés des même capacités et qu’on leur attribuerait un jugement de valeur en distinguant des races supérieures et des races inférieures. L’historien Harrington considère que l’apparition du concept de races humaines aux États-Unis n’est pas étrangère à la généralisation dans les années 1880 des races pures de chiens, par opposition à ce qu’on appelle aujourd’hui les ‘village dogs’ qui sont aux chiens ce que le ‘chat de gouttière’ est aux chats. Cet événement coïncide avec le rejet des immigrants irlandais, allemands, italiens, juifs par les White Anglo-Saxon Protestants (WASP) déjà présents aux États-Unis.

Références de l’article :

Heather L. Norton, Ellen E. Quillen, Abigail W. Bigham, Laurel N. Pearson, Holly Dunsworth (2019) Human races are not like dog breeds: refuting a racist analogy. Evolution: Education and Outreach, 12: 17.

Des sangliers un peu cochons : hybridations entre cochons et sangliers en Europe

Hybride mâle entre un cochon et un sanglier (source Miguel Tremblay, Wikipedia, CC0 1.0)

Hybride mâle entre un cochon et un sanglier (crédit : Miguel Tremblay, Wikipedia, CC0 1.0)

Avec environ quatre millions d’individus, le sanglier (Sus scrofa) est le deuxième ongulé le plus fréquent en Europe. Son histoire est intimement liée à celle de son apparenté domestiqué, le cochon (Sus scrofa domesticus). De nombreux flux de gènes entre cochons et sangliers se sont déroulés depuis la domestication, à la fois en Asie et en Europe. Une étude récente par Laura Iacolina et ses collaborateurs a récemment été publiée dans le journal Scientific Reports pour tenter de mieux documenter ces cas récents d’hybridations entre cochons et sangliers en Europe.

C’est ainsi un large échantillon de 292 sangliers d’Europe et 16 sangliers du Proche Orient ainsi que 44 races commerciales et 255 races locales de cochons qui ont été caractérisés pour 47 148 marqueurs moléculaires de type Single Nucleotide Polymorphisms.

Au total, 11,4% des sangliers étudiés montraient des traces génétiques d’hybridations avec le cochon, avec des disparités importantes selon les pays, entre 0% (péninsule ibérique, Italie, Europe orientale) et 89% (Autriche). Ces flux de gènes ont été facilités par le fait que les élevages de cochons enclos ne se sont généralisés qu’à partir des XVIIe et XVIIIe siècles tout d’abord en Angleterre. Aujourd’hui, les flux de gènes sont néanmoins encore possibles mais montrent une disparité en fonction des systèmes d’élevage. Dans le Nord-Ouest de l’Europe, ces flux de gènes dépendraient largement de sangliers mis en élevage, relâchés ou échappés, sachant que les sangliers en élevage sont généralement des hybrides, à croissance plus rapide que les sangliers purs. Dans d’autres régions d’Europe, comme la Sardaigne ou la Roumanie, ce sont plutôt les élevages de cochons en liberté ou semi-liberté qui expliquent ces flux de gènes.

Les conséquences évolutives de ces introgressions du cochon cultivé dans le génome du sanglier sont encore à préciser. Elles devraient théoriquement conduire à une mal-adaptation et devraient être contre-sélectionnées. Toutefois, certains caractères cultivés pourraient s’avérer avantageux dans un environnement naturel, par exemple un taux de reproduction élevé. Il est d’autant plus important de tester cette hypothèse que les populations de sangliers sont en recrudescence, représentant un péril économique pour l’agriculture ou écologique pour les autres espèces sauvages. Du côté du sanglier, ces phénomènes d’introgression représentent aussi un risque de transmission de maladies cloisonnées jusqu’à présent aux cochons domestiques mais qui pourraient d’autant plus facilement s’étendre aux sangliers que ceux-ci deviennent de plus en plus cochons !

Références de l’article :

Iacolina, Pertoldi, Amills, Kusza, Megens, Bâlteanu, Bakan, Cubric-Curic, Oja, Saarma, Scandura, Šprem, Stronen (2018) Hotspots of recent hybridization between pigs and wild boars in Europe. Scientific Reports. 8: 17 372. Publié le 26 novembre 2018.

Les couleurs

Structure des populations entre cochons domestiques (DP) et sangliers (WB). L’abscisse correspond aux individus étudiés classés en fonction de leur caractéristique domestique/sauvage et de leur origine géographique. L’ordonnée correspond à la part du génome qui proviendrait des deux populations ancestrales. Les populations ancestrales correspondent à une population théorique pure de sangliers (représentée en rouge) ou de cochons domestiques (représentée en bleu). Ainsi, les individus “purs” sont attribués à 100% à l’une ou l’autre de ces populations. Les individus hybrides entre ces populations ancestrales possèdent une portion du génome attribuée à la population ancestrale “sanglier” et une portion attribuée à la population ancestrale “cochon”. Bal : Balkans, Car : Carpates, CE : Europe Centre-Est, CN : Europe Centre-Nord, Com : Commercial, CW : Europe Centre-Ouest, Ibe : péninsule ibérique, Ita : Italie, CNE : Europe Centre-Nord-Est, NE : Proche-Orient, Sar : Sardaigne