BOUVARD Stéphanie

Marie Videbien, masterante à Université Paris-Est-Marne-La-Vallée (Master II Histoire européenne comparée),  constatant l’absence d’une notice sur Stéphanie Bouvier nous en a aimablement fait parvenir une.

Née le 27 mai 1872 à Lyon (Rhône), décédée à 16 Juillet 1956 à Argenteuil (Val-d’Oise).

Stéphanie Bouvard est une militante syndicaliste, socialiste et pacifiste. Elle est née dans une famille d’enseignants socialistes et libre penseurs qui participèrent à la Commune de Lyon. Son père, Félicien Charles Bouvard, l’un des présidents du comité central durant cette période, est condamné à deux mois de prison pour son implication durant l’insurrection. Son épouse Amélie Angélique Bouvard, née Berger, institutrice laïque et anticléricale, amie proche de la féministe Marie Bonnevial, s’engage elle aussi au sein de la Commune, puis quitte son poste d’enseignante pour s’installer à Paris avec ses enfants, qu’elle sensibilise aux questions syndicales et féministes. En mars 1896, Stéphanie Bouvard participe avec sa mère et sa sœur Marguerite à la création du Syndicat des fleuristes-plumassières lors d’une grève. Syndicat adhérent à la CGT, il fait partie de la Fédération de l’habillement. Marguerite Bouvard et sa mère sont déléguées au XIe Congrès national corporatif – 5e de la CGT– tenu à la Bourse du Travail de Paris en septembre 1900 où elle est présidente d’honneur. La même année Mme Bouvard est la première femme à écrire dans la Voix du Peuple, appelant les femmes à se syndicaliser.

Par la suite, Stéphanie Bouvard est déléguée du Syndicat à la Bourse du Travail, organisme où les Bouvard y sont très actives : elles sont candidates à l’élection de la commission administrative, collaborent aux réunions de la commission de contrôle et organisent des fêtes antimilitaristes au sein de la Bourse. Très investie au sein de son syndicat, Stéphanie Bouvard se bat avec la Bourse du Travail à partir de 1903 pour que celui-ci reste exclusivement féminin et se présente à l’élection des prud’hommes en 1911 au nom du Syndicat des fleuristes-plumassières.

Le syndicat entretient aussi des rapports avec la féministe Marguerite Durand, qui le soutient financièrement. Militante en faveur du droit de vote des femmes, Stéphanie Bouvard est déléguée du Syndicat au Congrès international de la condition et des droits des femmes tenu à Paris du 5 au 8 septembre 1900 et animé par Marguerite Durand. Membre du Conseil national des femmes françaises (CNFF), elle est déléguée au Congrès du travail féminin en 1907 et participe à des séries de conférences également organisées par Marguerite Durand, ainsi qu’au Congrès national des droits civils et du suffrage des femmes, en qualité de rapporteuse en juin 1908.

Soutenue à la fois par Marguerite Durand et la Bourse du Travail, elle crée une coopérative de production pour les ouvrières fleuristes-plumassière « La fleur de Paris » en 1908, appliquant les principes de la coopération ouvrière afin d’acquérir un meilleur salaire. Mais les problèmes d’argent provoquent la fin prématurée de la coopérative. Stéphanie Bouvard devient par la suite gérante de la coopérative socialiste « La Solidarité » dans le XVIIIe arrondissement de Paris (attesté en 1915).

Au Congrès de la fédération socialiste de la Seine en 1914, elle soutient Louise Saumoneau dans sa ligne lutte de classe et son opposition au féminisme « bourgeois ». Quand cette dernière est élue secrétaire du Groupe des femmes socialiste, Stéphanie Bouvard est élue suppléante à sa commission exécutive, et y entre en avril 1914.

Évincée du groupe en 1915 par la majorité socialiste du fait de son opposition à la guerre, Louise Saumoneau fonde le Comité d’action féminin socialiste pour la paix contre le chauvinisme ; Stéphanie Bouvard est sa lieutenante principale. C’est cette organisation qu’elle représente à la Conférence internationale des femmes socialistes qui se tient à Berne à l’initiative de Clara Zetkin, en mars 1915. Louise Saumoneau est arrêtée en octobre pour avoir distribué des tracts du Comité et Stéphanie Bouvard la remplace à la tête du Comité. Entre temps, en septembre, se tient la fameuse Conférence internationale socialiste (des hommes) à Zimmerwald.

Stéphanie Bouvard agit pour la libération de Louise Saumoneau. Lors d’un meeting zimmerwaldien le 7 novembre 1915, elle s’élève et proteste, finissant : « l’on tait que Louise Saumoneau est emprisonnée comme une criminelle de droit commun. Les socialistes ne veulent rien faire. Il règne une conspiration du silence. » Les larmes aux yeux, l’orateur implore l’assemblée de se rappeler la terrible danse des morts. (ce discours est couvert de longs et forts applaudissements). Un ami de Pierre Monatte lui écrit : « extrêmement émue, elle a des paroles émouvantes et justes » (selon un rapport de police du 7 novembre 1915). Stéphanie Bouvard représente ce petit groupe de femmes pacifistes au Comité d’action international, fondé en 1916 pour soutenir le mouvement zimmerwaldien contre la guerre. En 1917, ce groupe se rebaptise Comité pour la reprise des relations internationales et Stéphanie Bouvard reste dans le comité exécutif. Elle sera la seule femme dans un tel rôle et donc à la pointe de l’action de la guerre. Suivant Louise Saumoneau, Stéphanie Bouvard refuse la décision des socialistes d’entrer dans la IIIe Internationale et participe à la reconstruction de la SFIO. Quand le Groupe des femmes socialistes se reconstitue après la guerre, elle joue un rôle important jusqu’en 1924. Elle continuera son action pacifiste jusqu’à la fin de sa vie en combattant contre l’arme atomique au début des années cinquante.

Stéphanie Bouvard, militante de base et ouvrière, réussit à soutenir efficacement un syndicat, des groupes féministes et pacifistes pendant trente ans. Elle n’occupe que rarement le premier plan, mais reste fidèle à Louise Saumoneau et la seconde dans toute son action. Ultime reconnaissance de ce parcours, l’Union des femmes françaises de Seine-et-Oise offre un album commémoratif de la vie militante de Stéphanie Bouvard à l’attention de Maurice Thorez lors de son cinquantième anniversaire. Elle finit ses jours dans une maison de vieillards d’Argenteuil.

Arch. départementales du Rhône, 4 M289 ; Arch. de la préfecture de police de Paris, Bourse du Travail, BA 1610, BA 1611, BA 1612 ; Arch. municipales d’Ivry-sur-Seine,  80Z-2-36 ; La Française 3 décembre 1911, BMD, dossier 396. DBMOF.

Marie Videbien

Conseil national des femmes françaises (CNFF) ; Ouvrières ; Socialistes ; Syndicats.